Lavinia Fontana, le Christ aux outrages entourés d'Anges. |
R.P. Raniero
Cantalamessa,
« La vie dans la Seigneurie du Christ », Cerf, Paris, 2001, pp. 56-57
De Gethsémani nous nous rendons maintenant
au prétoire de Pilate. Il s'agit là d'un
bref intermède entre la condamnation et l'exécution, qui, en tant que tel passe
facilement inaperçu dans la lecture des récits de la Passion, alors qu'au
contraire, il est dense de signification.
Les évangiles nous
racontent que, lorsque Jésus eut été
livré entre les mains des soldats pour être crucifié, ceux-ci l'emmenèrent à
l'intérieur du palais et convoquèrent toute la cohorte pour le spectacle :
Ils le revêtent de pourpre, puis, ayant tressé une couronne d'épines, ils la
lui mettent et ils se mirent à le saluer : Salut, roi des juifs !
Et ils lui frappaient dessus avec un
roseau, ils lui crachaient dessus et fléchissaient les genoux devant lui
pour lui rendre hommage (Mc 15, l6-19).
Cela fait, ils lui arrachèrent la vieille guenille de
pourpre, lui remirent ses vêtements et l'amenèrent dehors pour le crucifier.
Il y a un tableau d'un peint flamand du XVIème siècle (J.
Mostaert) qui m'impressionne toujours beaucoup, surtout parce qu'il ne fait que
rassembler les données des différents évangélistes sur ce moment de la Passion,
en rendant ainsi la scène visible à nos regards.
Chapelle de la Crucifixion au Golgotha, Basilique du Saint-Sépulcre, Jérusalem |
Jésus porte sur sa tête un faisceau d'épines
fraîchement cueillies, ainsi que le montrent les feuilles vertes qui pendent
encore des rameaux. Coulant de sa tête, des gouttes de sang se mêlent aux larmes
qui coulent de ses yeux.
Jésus pleure abondamment ;
mais l'on comprend immédiatement, en le regardant, qu'il ne pleure pas sur
lui-même, mais sur celui qui le regarde ; il pleure sur moi qui ne comprends pas encore. Lui-même,
d'ailleurs, dira aux saintes femmes : « Ne pleurez pas sur moi » (Lc 23, 28). Il a la bouche entrouverte, comme qui a de la peine à respirer et est
en proie à une angoisse mortelle. Sur ses épaules est posé un manteau
pesant et élimé, qui évoque plutôt le métal que l'étoffe. En regardant plus bas
nos yeux rencontrent ses poignets liés par une rude corde et à plusieurs tours ;
on a mis un roseau dans l'une de ses
mains et dans l'autre un faisceau de verges, symbole de dérision de sa royauté.
Ses mains surtout nous font frissonner en les regardant : Jésus ne peut même plus bouger un doigt ;
il est l'homme réduit à l'impuissance la plus totale, comme immobilisé.
Chapelle de la prison du Christ, Basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem |
Lorsque je m'arrête à
contempler cette image, surtout si je suis sur le point d'aller prêcher la
Parole de Dieu, mon âme se remplit de confusion, car je mesure toute la
distance qu'il y a entre lui et moi : le serviteur, libre d'aller et venir, de
faire et de défaire ; lui, le Seigneur, ligoté et emprisonné. La Parole
enchaînée et le messager en liberté !
Jésus au prétoire est
l'image de l'homme qui a « rendu à
Dieu son pouvoir ». Il a expié
tout l'abus que nous avons fait et continuons à faire de notre liberté ; cette
liberté dont nous sommes si jaloux et qui n'est autre qu'un esclavage de
nous-mêmes.
Chapelle du Golgotha, Basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem |
Nous devons imprimer
bien fort dans notre esprit cet épisode de Jésus au prétoire, car pour nous
aussi le jour viendra où, dans notre corps ou dans notre esprit, nous serons réduits à cet état, soit par
les hommes, soit par l'âge ; et alors lui seul, Jésus, pourra nous aider à
comprendre et à chanter, à travers les larmes, notre nouvelle liberté.
Il y a une intimité
avec le Christ qui ne s'acquiert que de cette manière : en lui étant tout
proche, côte à côte, à l'heure de son ignominie et de la nôtre, en portant nous
aussi « l'opprobre du Christ »
(cf. He 13, l3). Tant de personnes passent leur vie dans une petite voiture ou
dans un lit, réduites par la maladie ou un handicap, à une immobilité semblable
à celle du Christ. Jésus révèle la
grandeur secrète, cachée en ces vies, si elles sont vécues en union avec lui.
Vendredi Saint, le Christ - Seigneur meurt sur la Croix. Venez ! Adorons-Le ! |
Passiflore ou fleur de la Passion :
- Les 3 clous et les 5 plaies du Sauveur sont représentés par les 5 étamines et les 3 styles ;
- La Couronne d'épines du Christ-Roi par les pétales bleus ;
- Les fouets et les verges de la flagellation par les vrilles qui permettent à la plante de s'attacher ;
- Les 5 sépales et les 5 pétales représentent 10 des Apôtres, Judas ayant vendu le Christ et S. Pierre l'ayant renié.
C'est toute la Création qui chante notre merveilleuse Rédemption
par la Passion du divin Fils.
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