Notre Dame aux roses |
Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
« Le triomphe de la Croix »,
partie II,
Lettre du P. Coton à Son Altesse Sérénissime de
Lorraine, Monseigneur le duc Henri
Monseigneur ;
(…) J’envoie avec l’attestation que votre
Excellence demande un grain du chapelet qu’elle, ou plutôt le démon par elle,
me rompit la première fois qu’il lui plut de me conduire à l’exorcisme.
Vous avez mémoire, Monseigneur, comme je commandai
au démon de me rendre mon chapelet, d’en ramasser les pièces et de les baiser,
ce qu’il fit ; mais possible ne prîtes-vous pas garde quand, à l’entrée de
la chambre, il se tourna vers moi et me dit : « Il y a du manque, un
grain qui est demeuré là-bas », ce dont je ne tins compte et fis raccommoder
mon chapelet à mon compagnon, y substituant ce qui pouvait y manquer.
Or, il advint que quinze jours après, retournant
en Bourgogne, je passai chez Madame de Crouy qui me logea dans une chambre du
château ; mais la nuit, m’étant éveillé, comme je voulus prendre un
reliquaire que je porte ordinairement et prier Dieu, je l’avais mis sous le chevet
du lit pour m’en servir dans le temps de la prière. Voilà que je trouve ce gros
grain attaché encore au fil et rompu, tel qu’il était dans la chambre susdite
sans que je l’eusse vu depuis, et mon chapelet étant entier, sans que rien
n’y manquât depuis que mon compagnon l’avait fait raccommoder de manière que la
restitution m’en fut faite d’une manière non accoutumée, et bien loin du lieu
où j’avais commandé au démon de me la faire et plusieurs jours après.
J’ajoute le grain à celle-ci, afin que votre Excellence
voie le pouvoir que Jésus-Christ a laissé à son Eglise sur ces esprits immondes
et rebelles jusqu’aux plus petites choses, car cette restitution est assez remarquable
dans ses circonstances, notamment d’avoir été faite tant de jours après sans
que le grain se fût perdu dans les balayures de la maison qu’il était colloqué,
sous le chevet sur lequel je me reposais, et auprès de mes reliques.
Choses mémorables et de plus grande importance sont
arrivées en cette possession, mais la plus signalée est la patience et la
conformité avec la volonté de Dieu qui est en cette bonne âme. Il ne se passe
de jour que je ne prie pour elle et désire grandement qu’elle fasse la
réciproque.
Ce doux Jésus et sa sainte Mère sont plus proches de
son esprit que les démons malheureux ne le sont de son corps, et ce leur est un
grand supplice d’y être confinés, non seulement à cause des exorcismes ainsi à
raison de l’accroissement de grâces et de mérites auxquels malgré eux ils
coopèrent, joints les sacrements, prières, réelle présence du Corps de notre
Sauveur et autres communications divines parmi lesquelles ils sont contraints
de se trouver, et d’autant plus reconnaître leur infélicité désespérée, leur
éternelle rage et irrévocable malédiction.
Si jamais la divine Providence ordonne que je
retourne à Nancy, je tâcherai de témoigner de plus en plus à son Excellence
combien je suis, Monseigneur, Son très humble et son très obéissant serviteur,
Pierre Coton
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