Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Dévotion angélique », 12e
Pratique
Procurer
par toutes sortes de voies l'établissement de la dévotion
des neuf
chœurs des saints anges
Si
les saints anges font tout ce qui se peut faire pour le service des hommes,
les hommes sont bien obligés de ne pas s'épargner, et de se servir de tous les
moyens possibles dans l'ordre de Dieu pour l'augmentation de leur gloire ;
et puisque non-seulement les anges du dernier chœur, mais les anges de toutes
les hiérarchies veillent avec amour sur nous, nos reconnaissances doivent être
générales, aussi bien que nos devoirs ; et puis Dieu seul est le grand et
pressant motif qui nous doit faire agir et comme il règne dans tous les chœurs
des anges, et d'une manière plus spéciale dans ceux qui sont les plus élevés,
qui ont plus aimé ce Dieu tout aimable, et qui en ont été plus aimés, c'est ce
qui nous doit suffire pour leur avoir à tous une singulière dévotion, et pour
la procurer dans les autres par toutes sortes de voies. Un bon cœur entrera
volontiers dans ces justes sentiments : il ne faut qu'aimer pour en être
persuadé, et prendre de fortes résolutions de travailler de toutes ses forces à
l'établissement de la gloire des anges.
Si
vous me demandez après cela ce que vous avez à faire, je vous ai tout dit en
vous disant que vous devez n'omettre rien, que vous devez tout faire, et
travailler de toutes vos forces, dans l'ordre de Dieu, à l'établissement de la
dévotion des saints anges. Faites réflexion sur ce peu de paroles, et vous
verrez qu'elles vous fournissent une ample matière ; et que si vous les
entendez bien et les pratiquez, on pourra croire que votre amour pour les anges
est bien sincère ; seulement souvenez-vous d'avoir de l'amour pour des
objets si aimables ; car s'il est véritable, je n'ai encore qu'à vous dire
le beau mot de saint Augustin : « Aimez, et faites ce qu'il vous
plaira. » L'amour est tout plein d'industrie et de riches
inventions ; il vous en insinuera tout plein pour faire honorer ces
princes du ciel ; car c'est le propre de l'amour cordial et véritable.
Cependant,
pour vous dire simplement mes pensées, il me semble qu'un des moyens qui peut
servir à les faire honorer, c'est de distribuer des images de ces glorieux
esprits, et particulièrement dans les campagnes, à ces pauvres gens qui les
habitent ; comme aussi aux pauvres des villes, où l'on trouve de
l'ignorance plus que l'on ne pense ; l'expérience faisant voir que grande
quantité de personnes, même dans les plus grandes villes, ne savent pas les
mystères de notre sainte religion. On peut insinuer aux riches et à ses amis
d'en avoir dans leurs chambres ; leur vue porte à ce qu'elles
représentent, et touche souvent sensiblement le cœur. Saint Chrysostome ayant
vu l'image du saint ange qui défit l'armée de Sennachérib, en
fut touché jusqu'aux larmes. Si on a le moyen d'en donner des
tableaux pour placer dans les églises, en quelque chapelle ou autel, c'est un
moyen excellent pour en donner la dévotion aux peuples. Constantin le Grand fit
faire quatre images des saints anges ; mais elles étaient d'une grandeur extraordinaire,
et toutes brillantes de l'éclat des pierres précieuses dont elles étaient
richement ornées.
Un
autre moyen excellent, et l'un ce me semble des meilleurs, est de faire une
bonne et ample distribution des livres composés en leur honneur, ou d'inviter
doucement à avoir de ces livres. Je ne sais rien qui soit plus capable de
procurer leur honneur. Ce moyen renferme presque tous les autres, puisqu'il les
enseigne et les donne. Entre plusieurs de ces livres, l'Horloge de
l'ange gardien, du P. Drexelius ; la Dévotion aux anges,
du P. de Barry ; la Dévotion aux anges, du P. Nouet : la Dévotion
des saints anges gardiens, du P. de Coret, tous quatre religieux de la
Compagnie de Jésus, inspirent avec tant de douceur et de force l'amour et le
culte de ces bienheureux esprits, que j'estime qu'il est très difficile de les
lire sans en être vivement touché, et sans concevoir de grands désirs de les
honorer grandement le reste de sa vie. On trouve les trois premiers dans la
plupart des grandes villes, ou à Paris ; et le dernier se vend en la ville
de Caen, chez Jean Gaultier.
Les
personnes qui ont des richesses, contribueront beaucoup à la gloire des anges,
de les employer à l'édifice de quelque église, chapelle, ou autel en leur
honneur ; et cela d'autant plus qu'elles ne travailleront pas seulement
pour les saints anges pendant leur vie, mais autant de temps que ces édifices
dureront, qui serviront d'occasion à toutes sortes de personnes pour les
honorer, et à un grand nombre qui n'y auraient jamais pensé. Ç'a été
la dévotion de Constantin, empereur, qui fit bâtir deux magnifiques temples en
l'honneur de saint Michel. L'empereur Justinien en fit bâtir six en l'honneur
de ce saint archange et des autres anges. Sainte Hélène en fit édifier en
l'honneur de ces mêmes intelligences, au lieu où l'on croit qu'apparut l'ange
aux pasteurs. Il y en a qui ne pouvant fournir à une si grande dépense, peuvent
au moins donner des ornements à leurs chapelles, y faire brûler des cierges, et
y donner des tableaux. Nous avons dit en un autre lieu que Jules III, Souverain
Pontife, dédia une église en l'honneur des sept premiers princes qui sont
auprès du trône de Dieu.
Les
prédicateurs zélés serviront beaucoup à l'établissement de la dévotion des
anges, s'ils veulent en instruire les peuples, et de temps en temps les y
animer puissamment. J'en connais qui seraient bien fâchés de passer par un lieu
sans y donner quelque sermon touchant ces glorieux esprits ; et les effets
qui en arrivent font connaître que ce qu'aux l'un des plus avantageux : il
ne tiendra qu'aux prédicateurs que Dieu appelle à prêcher en différentes villes
et provinces, de s'en servir utilement ; et je ne doute pas, si cela
était, que l'on ne vît dans peu, avec consolation, la dévotion des saints anges
établie de tous côtés. Qui empêcherait un prédicateur, pendant son Avent et
Carême, de destiner un jour ou deux pour y donner des sermons en leur
honneur ? Les missionnaires pendant leurs missions pourraient facilement
faire la même chose, y ajoutant quelques catéchismes pour instruire les âmes de
leurs perfections et bontés. Les personnes séculières peuvent fonder ces
sermons et catéchismes en quelques églises, donnant quelque revenu pour cette
fin. Un maître de famille en sa maison, un père parmi ses enfants, une personne
à la campagne parmi les paysans, ou en la visite de quelques pauvres, ou
lorsqu'on leur donne l'aumône, peuvent établir cette dévotion, en apprenant ce
que l'on doit croire des anges, et les secours que les hommes en reçoivent,
insinuant quelques pratiques pour leur rendre ses devoirs, les faisant faire
par ceux sur qui on a quelque pouvoir, et rapportant quelques exemples qui y
portent et y incitent. On peut faire la même chose parmi ceux avec qui l'on
voyage, prenant occasion de tant d'anges qui sont dans les lieux par où l'on
passe, les saluant même publiquement et devant les autres, pour avoir sujet de
s'en entretenir.
Les
archidiacres (N.B. aujourd'hui: les vicaires généraux) et autres visiteurs des églises paroissiales peuvent exhorter tous
les curés de faire tous les ans quelques exhortations ou catéchismes touchant
cette dévotion. C'est encore un des plus grands moyens de l'établir de tous
côtés. Les visiteurs réguliers peuvent aussi beaucoup y contribuer dans les
monastères et couvents y de leurs juridictions ; tous les supérieurs dans
les maisons qui dépendent d'eux, mais surtout les prélats dans leurs évêchés,
établissant quelque association en l'honneur de ces nobles esprits dans
beaucoup de lieux de leurs diocèses, recommandant de temps en temps à leurs
curés et aux prédicateurs, pendant l'Avent et le Carême, d'en instruire les
peuples, témoignant en cela les désirs qu'ils en ont, et donnant à connaître
combien ce leur sera une chose agréable.
Enfin,
les personnes zélées peuvent se voir, pour traiter ensemble des moyens
d'établir et augmenter cette dévotion ; elles pourront en parler aux
prélats avec lesquels elles ont quelque accès, aux curés et autres
supérieurs ; elles pourront en écrire dans les provinces où elles ont de
l'habitude, y faire de saintes liaisons pour ce sujet, y envoyer quelques
livres et y procurer quelque sainte association.
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