Chères communautés des Sœurs de Sion et du Chemin Neuf,
Chers frères et Sœurs,
1. Nous voici réunis au début du Carême, deux jours
après le mercredi des Cendres comme il est de tradition à Jérusalem, dans la Basilique
du couvent de l’Ecce Homo. Nous commémorons le couronnement d’épines de
Jésus-Christ. Nous commençons cette période du Carême qui, en quarante jours,
va nous conduire à Pâques. Dans un élan
d’amour que nous ne saisirons jamais parfaitement, Jésus, le Fils de Dieu, a
livré sa vie pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Aujourd’hui, nous
pouvons partir de l’évangile pour contempler, méditer, rentrer à
l’intérieur du troisième mystère douloureux, avec le treizième mystère du
rosaire : le couronnement d’épines.
2. Jésus a été couronné d’épines, Jésus a été injurié, humilié, soumis à la
dérision, à la moquerie générale, aux rires et à toutes les formes possibles
d’humiliation publique et d’humiliation intime : voilà ce qui est
stigmatisé dans ce troisième mystère. Jésus a souffert dans son corps, dans son
cœur. C’est à Gethsémani d’ailleurs que
le « trouble » pénètrera le plus son âme sainte.
Avec la couronne d’épines, avec ce qui la précède,
et ce qui la suit, avec tout ce qui arrache au Christ des larmes et des cris, Dieu le Père souffre avec son fils. Ce
sacrifice nous révèle l’amour du Père qui est prêt à donner jusqu’à la vie de
son fils, pour sauver la vie de chacun de nous, qui sommes ce que nous
sommes. A travers les souffrances de Jésus, il nous dit « Je vous aime ». L’amour de Jésus-Christ
est plus fort que la souffrance que lui inflige l’humanité. Cet amour lui
confère sa vraie Royauté. Ces épines entourent le front du Rédempteur d’une
couronne de gloire, parce que cette couronne, celle-là, et nulle
autre, Jésus l’a acceptée par amour. Jésus a voulu la royauté de
l’amour. Et elle n’est pas de ce monde.
3. En tant que chrétiens, nous sommes appelés à porter nous aussi notre couronne d’épines,
c’est-à-dire accepter de souffrir à cause du Christ et de communier à ses
souffrances (1 Pierre 1, 21). Jésus a dit que celui qui veut le suivre doit
porter sa croix (Luc 9, 23). Devenir disciple de Jésus, non seulement
en le suivant, mais en portant aussi dans sa chair « ce qui manque encore
aux souffrances du Christ » (Col 1, 24).
Ici, en Terre Sainte et dans le Proche-Orient en
général, nous sommes nous aussi étouffés par les épines de la guerre, des
violences, de l’extrémisme, de l’instabilité, de l’émigration, de l’injustice.
Ici en Terre Sainte, Jésus continue de souffrir lorsque les croyants sont
divisés, lorsque l’injustice règne, lorsque les migrants sont maltraités et les
réfugiés toujours plus nombreux.
Nous portons une couronne de
barbelés, une tunique de béton et de graffitis. Et nous chrétiens, formons
encore une Église du Calvaire dont la Via
Crucis ne s’est pas encore achevée.
Pour nous, essayer de vivre en disciples du Christ
sur la Terre du Salut, c’est accepter de prendre sur nous, tel Simon de Cyrène,
une part de la croix de Jésus. C’est
accepter de prendre sur nous, descendants indignes de Véronique, une part des
crachats qui salissaient la face du Seigneur. En chacun de nous vit encore
un Simon de Cyrène et une belle Véronique qui osent encore tendre la main au
prochain. Je suis fier de notre Eglise en Jordanie en constatant les miracles
que fait la Caritas-Jordanie, en faveur des centaines des milliers des
réfugiés Syriens.
4. Il ne nous est pas permis de perdre
pas la foi et l’espérance. Notre vocation est entre le calvaire et l’espérance.
Et « l’espérance ne déçoit jamais » (Romains 5, 5). Nous devons porter fièrement cette couronne qui est l’identité de
notre vocation, et
qui nous associe à la passion du Christ. Elle
implique la vocation de la conversion personnelle des cœurs, pour que le vieil homme meure. Elle
implique de la souffrance qui purifie le cœur et les sentiments ; plus
l’amour s’élargit, plus il accepte la douleur comme compagne. Mais le
regard sur le crucifié donne la force, la patience, l’obéissance parfois
jusqu’à l’humiliation, au mépris de la dignité humaine, ou jusqu’à la mort. N’oublions pas que le Maître est aussi
passé par là et il a pardonné. Il a vaincu.
5. Nous savons que seul Jésus, étant passé par les tribulations et la mort pour
ressusciter, peut apporter le salut et la paix à tous les habitants de
cette région du monde (cf. Ac 2, 23-24. 32-33). C’est lui seul, le
Christ, le Fils de Dieu, que nous proclamons ! Repentons-nous donc et convertissons-nous « afin que les
péchés soient
effacés et qu’ainsi le Seigneur fasse venir le temps du répit » (Ac 3, 19-20a).
6. Nous portons cette couronne, dans l’espoir
d’avoir un jour la joie de vivre dans le Royaume des Cieux. La couronne
d’épines se changera en couronne de
gloire.
N’oublions pas que nous sommes co-héritiers avec
Jésus et qu’il va partager sa gloire avec nous par l’entremise du
Saint Esprit qui nous couronne de la grâce de Dieu, une couronne glorieuse
offerte par un Dieu bon et miséricordieux, une
couronne incorruptible qui durera éternellement (1Pi 5, 4 et Ja 1,12).
Dans ce carême, apprenons à nous unir en prière, en
amour à la personne du Christ et à tous les êtres humains qui souffrent ; apprenons à méditer les signes de la
Passion qu’il a subie pour nous. Marie qui a accompagné Jésus dans ce
couronnement de la passion nous indique que le chapelet est aussi une
couronne : une couronne de prières.
Chers Frères et Sœurs, que Marie nous guide et nous
garde tout au long de ce Carême, jusqu’au saint Jour de Pâques.
Amen.
+ Fouad Twal, Patriarche (15 février 2013, couvent ND de Sion, Ecce Homo)
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