Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
« Exhortation
pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur »
(3/7)
C’est de cette façon, a dit l’Apôtre de
la France, que nous devons parler et penser de Dieu. Aussi je vois que les âmes
les plus éclairées, touchant les divines obscurités de la foi, après avoir dit
tout ce que l’on peut dire de cet amoureux mystère, n’ont pu s’empêcher de
déclarer hautement qu’elles n’en avaient rien dit du tout !
La bienheureuse Angèle de Foligno passe
plus avant. Elle soutient après avoir écrit des choses toutes célestes du Dieu
de son âme, que toute la postérité admire et respecte tous les jours, que tout
cela en est si infiniment éloigné que ce sont des blasphèmes. C’est là le nom
dont elle qualifie ces divins écrits et avec raison car, puisque le blasphème
est une parole par laquelle l’on attribue à Dieu ce qu’il n’a pas ou ne lui
donne pas ce qu’il a, il est bien vrai que tout ce que nous disons de Dieu c’est
toute autre chose qu’il ne s’en devrait dire et, le respect dû à sa grandeur
devant être infini, c’est ce que jamais nous ne pourrons lui rendre.
La bienheureuse Vierge Marie, tout adorante, vitrail. |
Un Dieu Enfant c’est ce que l’on dit tous
les jours, tous les Chrétiens en ce temps diront que Dieu est né pour eux mais
ce qui ne faut pas entrer dans mon esprit c’est qu’on parle de ces choses avec si peu de réflexion, avec si peu d’esprit,
avec aussi peu de foi que si un laquais avait rendu quelque grand service à son
maître il en parlerait presque de la même façon !
Il faut que je vous dise tout nettement ma
pensée. Si je voulais poursuivre le sentiment que le Dieu d’amour me donne à
présent, je briserais ici et tout ce que je vous dirais d’avantage, ce serait : Étonnons-nous, admirons, pâmons-nous de joie et d’amour à la vue de ce
spectacle digne de Dieu.
Un
Dieu est devenu petit enfant pour nous ! Voilà qui est inconcevable. Saint
Paul proteste qu’il a vu des choses dont il n’est pas permis à un homme de
parler. Mais quand bien même il aurait vu l’essence divine, cela n’est pas si
inconcevable que de savoir ce même être infiniment glorieux anéanti en la forme
d’un tout petit enfant.
Les attraits qui, d’ordinaire, causent l’extase
sont délicieux et pleins d’une douceur inestimable. Mais, ô bonté incomparable
de Dieu ! Je ne vois point ici
d’attraits (NB. chez les hommes) qui puissent vous faire quitter le séjour bienheureux de l’empyrée, mais tout au contraire tout ce qui peut servir d’obstacle à ce dessein.
Et parmi les deux sortes d’extases que je
rencontre dont l’une est hautement louée et l’autre blâmée avec sujet parce que
l’une porte au-dessus de nous-mêmes et l’autre au-dessous. Le dirai-je, mon Dieu, vous choisissez ce que l’on n’approuve
pas ! Alors à la bonne heure, hommes divins, laissez ravir votre cœur
aux délices intellectuelles ; sortez hors de vous-mêmes et au-dessus de la
condition de votre nature, devenez des anges humains ou des hommes angéliques.
Vos extases sont aimables, nous leur
donnons nos louanges et nos respects. Mais
vous, mon Dieu, dans quelle extase vous aperçois-je à présent ? La misère
et l’infamie vous touchent et vous ravissent et vous font quitter le Tout pour
devenir le Rien !
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