Notre Dame du Saint Rosaire |
Bartolo Longo (1841-1926) –
L’avocat de la Reine du Rosaire
De Pompéi, on connaît
généralement mieux l’effroyable éruption du Vésuve qui tua vingt mille
personnes en l’an 79 que le sanctuaire marial. Pourtant, à côté de la ville des
morts, la nouvelle Pompéi, petite ville de province insignifiante, est
aujourd’hui la cité de la Reine du Rosaire grâce à un laïc italien :
Bartolo Longo. Renonçant à une brillante carrière d’avocat, il a choisi de
vivre au milieu des pauvres pour donner au monde ce cadeau du Ciel :
l’amour d’une Mère.
Paru dans la revue « Feu et Lumière », Décembre 2004 :
Un jour de 1864, le professeur Vincenzo Pepe voit
entrer chez lui son ami Bartolo Longo. Il a du mal à le reconnaître : pâle, maigre, épuisé, malade, le jeune
docteur en droit devenu médium de première classe s’apprête à être consacré
prêtre du spiritisme. Il fait l’apologie du satanisme à son ami effaré qui
s’écrie : Tu vas finir à l’asile d’aliénés ! Il est
temps de faire demi-tour ! Il parvient à arracher à
Bartolo la promesse qui va le sauver de l’emprise des ténèbres : Promets-moi d’aller te confesser !
L’école de l’Enfer
Lorsque le petit Bartolo Longo, deuxième enfant du
médecin Bartolo Longo, naît à Latiano (Brindisi) le 11 février 1841, sa mère Antonia Luparelli le consacre à
Marie. Bartolo est baptisé le 13 février. Antonia est une très jeune mère
qui donne tout son temps à l’éducation de ses enfants ; elle les prend sur ses genoux pour leur
apprendre à prier et leur raconter des histoires tirées de l’Évangile avec
tant de conviction que, souvent, les larmes leur viennent aux yeux.
Quand il a six ans, selon l’usage chez les notables de
l’époque, Bartolo est envoyé dans un internat. C’est à cette époque que remonte
son amour du Rosaire : séparé d’Antonia, il trouve en Marie une mère qui le console et la prie avec ferveur.
Aimant autant le travail que le jeu, il est heureux à l’internat où il découvre
la musique qui le passionne. Un jour qu’il est assis à son piano, on vient lui
annoncer la mort de son père. Il a dix ans. Deux ans plus tard, sa mère se
remarie avec un avocat. Bartolo choisit les études juridiques et s’intéresse à
la politique.
Possédant le charme, l’intelligence et la beauté, le
jeune homme plonge dans une vie mondaine où il est adulé et donne de moins en
moins de temps à la prière. Il est inscrit à l’université de Naples où il
découvre la philosophie de Hegel et de Renan. Il devient alors violemment anti-clérical. En décembre 1864, âgé de
23 ans, il obtient son doctorat de Droit. Il
reçoit une invitation à une séance de spiritisme. Fasciné, il est initié aux
mystères du magnétisme et du spiritisme et en quelques mois, il devient médium
de première classe.
Il s’impose un jeûne sévère avant la cérémonie
démoniaque de sa consécration comme prêtre du spiritisme. Défiguré, maigre, le
système nerveux détraqué, il lui vient l’impulsion de se rendre chez un ancien
ami, le professeur Vincenzo Pepe. Celui-ci ne reconnaît plus le brillant et
séduisant docteur en Droit qui souhaite
« convertir les curés à sa nouvelle religion ».
Tu es un suppôt de
Satan, mon pauvre Bartolo ! Il
obtient à grand-peine la promesse que Bartolo ira trouver le Père Radente,
prêtre dominicain, pour se confesser.
Marie, refuge des pécheurs
Un an plus tard, Bartolo n’a toujours pas tenu sa promesse
quand le roi de Sicile, Ferdinand II, meurt. Bartolo, dans une séance de spiritisme, voit le visage de son roi
bien-aimé. Bizarrement, cette vision éveille en lui le souvenir de ses parents
et, cette même nuit, il rêve que sa mère tourne autour de son lit en pleurant
et en le suppliant de revenir à la vraie foi. Peu après, Bartolo ébranlé décide
d’aller trouver le Père Radente.
Le sacristain qui voit entrer cet homme étrange,
échevelé, hagard, reste près du confessionnal, prêt à intervenir. Il entend des
sanglots et, après un long moment, le voit sortir, lumineux, serein. C’était le 23 juin 1865, fête du
Sacré-Cœur, et Bartolo écrira plus tard : Marie
avait choisi ce jour inoubliable, Elle, le Refuge des pécheurs, pour faire un
éclatant miracle de la grâce. Pour commencer cette nouvelle vie,
Bartolo se rend chez les spirites leur annoncer sa décision de les quitter.
Certains se moquent de lui : Le loup s’est fait canoniser ! Mais
d’autres se convertissent à leur tour.
Bartolo passe alors ses examens d’avocat et les
réussit brillamment. Il a 25 ans et souhaite se marier, mais le Père Radente
voit en lui un futur dominicain et lui demande, en expiation de ses fautes
passées, de renoncer au monde pour ne servir que l’Église.
L’épreuve est douloureuse et Bartolo s’accroche à son chapelet pour trouver
la force de la surmonter. Le 7 octobre 1871, à 30 ans, il entre dans le
Tiers-Ordre dominicain. Il se consacre à
Marie et reçoit son nom d’obédience : Frère Rosario.
Un sanctuaire pour Pompéi
Dès sa conversion, Bartolo est introduit dans un
cercle de nobles dames où il rencontre la comtesse Marianna de Fusco, veuve et
mère de cinq enfants dont il devient le précepteur. La comtesse possède des
terres dans la région isolée et inhospitalière de Pompéi où les paysans vivent
dans la misère, la peur et l’ignorance. Bartolo décide de visiter ces familles
pauvres, malgré l’avis contraire de Marianna qu’effraie cette région infestée
de brigands : Vous jouez votre vie.
Bartolo se rend à Pompéi en octobre 1872 et s’y
installe. Il décide de restaurer
l’église en ruines : Je ne quitterai pas ce pays
avant d’y avoir répandu le chapelet. Il lui faudra deux ans pour
désarmer la méfiance des habitants ; en novembre 1875, il obtient l’appui
de l’évêque qui lui montre un champ en lui demandant d’y construire une nouvelle église : Voilà l’endroit où doit
s’ériger un sanctuaire pour Pompéi.
Une église pour la Reine du Rosaire ? Bartolo se
rend aussitôt à Naples chez le Père Radente et se fait offrir une image de la
Madone du Rosaire : cette peinture du XVIIème siècle,
de l’école de Luca Giordano, représentant une Vierge à l’Enfant remettant le Rosaire
à St Dominique et à Ste Catherine de Sienne, est enlaidie par un épais laquage.
Elle arrive à Pompéi sur une charrette à fumier le 13 novembre 1875. En la
voyant, une amie de Marianna s’écrie : On la croirait peinte pour ôter
toute envie de lui adresser nos dévotions !
« Je suis guérie ! »
Le 13 février 1876, la Madone est exposée à la
vénération des fidèles dans la vieille église. Tout un monde de pauvres et de
petites gens viennent implorer sa protection. Bartolo prie spécialement pour
une orpheline de 12 ans gravement atteinte d’épilepsie : Mère, tu as désiré avoir une église à Pompéi. Donne confirmation
de ton désir et guéris Clorinda… Il prie jour et nuit sans manger ni
boire et le neuvième jour, la fillette court vers sa tante : Je suis guérie, la Madone m’a délivrée de mes maux. En
l’espace d’un mois ont lieu huit
guérisons miraculeuses.
Les dons affluent alors pour la construction du
sanctuaire et le célèbre peintre Federico Maldarelli se propose pour restaurer
la peinture : miraculeusement, sous son pinceau, le visage de Marie se met
à rayonner d’amour. Le 3 mars 1884, une jeune fille à l’article de la mort,
Fortuna Agrelli, reçoit une vision en qui elle reconnaît la Reine du Rosaire de
Pompéi dont on lui a offert la médaille. Elle se met à pleurer : J’ai déjà fait une neuvaine mais je n’ai pas été exaucée, ô ma
Mère ! Viens à mon secours ! Elle entend ces
mots : Sous ce titre de Reine du Rosaire qui me plaît particulièrement,
je ne peux plus te refuser la faveur que tu m’as demandée. Fais encore trois
neuvaines et tu auras tout. Le 8 mai, en effet, Fortuna est
guérie et se rend un mois plus tard à Pompéi.
Une cité mariale
Aidé par Marianna de Fusco, Bartolo qui continue son œuvre est en butte aux calomnies et aux
persécutions dont l’une concerne, justement, ses relations avec sa bienfaitrice.
Elle est veuve, il est célibataire, les mauvaises langues jasent !
Ensemble, ils demandent une audience à Léon XIII qui règle aussitôt
l’affaire : Arrivés à Rome en amis, nous en sommes revenus
fiancés. Ils se marient dans la joie en 1885. Tout en récoltant les
fonds pour la construction du sanctuaire, Bartolo s’occupe des orphelins et des
enfants de la rue abandonnés. Une petite cité d’une trentaine de maisons
s’élève bientôt et le sanctuaire de Notre-Dame du Rosaire en est le
couronnement, inauguré le 8 mai 1887 en présence d’une immense foule.
Bartolo fonde la
congrégation des Filles du Rosaire pour s’occuper des orphelins qu’il
recueille dans les rues et dans les
quartiers miséreux. Ce qui le préoccupe aussi, c’est la situation alarmante
des enfants de détenus : la fausse théorie de la prédestination déferle
alors sur l’Italie et l’on considère le fils d’un criminel comme étant
lui-même un criminel en herbe. Bartolo prend contact avec des
responsables d’établissements
pénitentiaires et en trois mois, ce sont 120 prisonniers qui le supplient
de prendre en charge leurs enfants. Le premier de ses protégés que Bartolo
nomme les enfants de mon cœur deviendra prêtre.
Le dernier baiser
Calomnies, trahisons, Bartolo continue à être la cible
d’infernales attaques. En 1905, un
décret papal lui retire la gestion du sanctuaire. Bartolo obéit, brisé : Le Pape me considère comme un voleur… Plus tard, Pie X
reconnaît qu’il a été trompé et rend visite à Bartolo, lui offrant une relique
de la Couronne d’épines : Puisse cette épine vous guérir
des blessures que tant d’épines ont faites à votre cœur, y compris les miennes.
La dernière épine qui le transperce est la mort de Marianna, son aide et sa
fidèle compagne, le 9 février 1924 : Je suis pauvre et ne possède
plus rien.
Bartolo s’éteint à 85
ans le 4 octobre 1926, tandis qu’un prêtre célèbre la messe dans la chambre
voisine. Il écrivait dans
sa Supplique à Notre-Dame de Pompéi : « À
vous le dernier baiser de la vie qui s’éteint. Le dernier mot sur nos lèvres
sera votre nom très doux. »
Le bienheureux Bartolo
Le 26 octobre 1980, Bartolo Longo est béatifié par le
pape Jean-Paul II. Voici quelques extraits de l’allocution du Saint-Père :
« Bartolo
Longo fut l’épée de la Providence pour la défense de la foi chrétienne et le
témoignage de cette foi ; il fut le
flambeau de la glorification de la Très Sainte Vierge Marie dans la douloureuse
époque du scepticisme et de la guerre contre l’Église. »
« Il peut
être considéré comme un apôtre marial
car c’est son amour pour Marie qui en a fait un écrivain apôtre de l’Évangile, un propagateur du chapelet et le
fondateur du célèbre sanctuaire ; le créateur d’institutions de charité,
un mendiant pour les enfants des pauvres ; et la patiente victime des
tracasseries et des diffamations, sans l’éloigner un seul instant de sa
confiance en la Providence ni de son obéissance à l’Église. »
Bartolo Longo et Padre Pio
L’amour filial du Padre Pio pour la Très Sainte Vierge
du Rosaire de Pompéi le conduisit au moins trois fois en pèlerinage à ce
Sanctuaire. Il écrivait en 1915 : « Je désire que vous me recommandiez au Seigneur en faisant les neuvaines
à Notre-Dame de Pompéi en la protection de qui j’ai confiance et espère. »
Bartolo Longo s’adressa
à Padre Pio en 1921 pour lui
demander un conseil au sujet d’une maison appartenant à sa femme et qu’elle
hésitait à donner pour en faire un orphelinat ; Padre Pio l’encouragea : « Qu’elle soit bien certaine que la Vierge ne laissera pas sans
récompense une si belle action faite en son honneur. »
Le 20 septembre 1968, jour anniversaire des stigmates
visibles, le Padre Pio reçoit une corbeille de 50 roses rouges ; il en
retire une et charge un de ses fils spirituels de l’apporter devant l’image de
la Vierge du Rosaire au sanctuaire de Pompéi. Il meurt trois jours plus tard et à Pompéi, la rose, toujours fraîche et
parfumée, est déposée parmi les souvenirs du Sanctuaire.
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