Annonciation à Notre-Dame de la Garde |
Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
"Dieu
seul ou le saint esclavage de l’admirable Mère de Dieu"
À la Vierge fidèle
Souveraine reine des anges et des hommes, abîmé dans mon néant, et me
reconnaissant entièrement indigne de paraître en votre sainte présence, j’ose
néanmoins, appuyé sur vos maternelles
bontés, le sujet ordinaire de mes plus douces espérances, vous consacrer
cet ouvrage qui ne respire que votre honneur et votre gloire, pour la seule
gloire et le seul honneur de Dieu seul, qui est l’unique chose que je désire,
et que je veux rechercher en toutes choses.
L’oblation entière et irrévocable que je
vous ai faite il y a longtemps de tout ce que je suis en l’être et en l’ordre
de la nature, et de la grâce et
de tout ce qui en dépend, de toutes les actions naturelles, indifférentes et
bonnes que j’opérerai à jamais, m’ôte tout le pouvoir d’en user autrement. Ma vie, tant intérieure qu’extérieure, et
généralement tout ce qui est mien, est plus à vous qu’à moi-même, et même, ô ma
divine princesse ! n’ayant plus rien à moi, tout ce que j’ai vous
appartient par mon état et condition de servitude, et je veux et désire de tout
mon cœur aujourd’hui, dans un jour tout dédié en l’honneur du glorieux archange
saint Michel et de tous les anges, en présence de tous ces esprits bienheureux
que j’invoque avec les soumissions les plus respectueuses à mon secours, vous
parlant avec l’un de vos plus véritables esclaves, et m’unissant à la sainteté
de ses intentions, que vous ayez une puissance spéciale sur mon âme, sur mon
état, sur ma vie, sur mes actions, comme sur des choses qui vous appartiennent
tout de nouveau par un droit particulier, en vertu de l’élection que je
renouvelle de dépendre entièrement de votre maternité et souveraineté, m’abandonnant
à tous vos vouloirs, me livrant à tous vos pouvoirs et à tous les effets de
votre souveraineté.
Tout mon regret est de n’avoir qu’un cœur
et une vie pour vous donner.
Mais, s’il m’est permis de donner quelque liberté à mes désirs, je voudrais
avoir autant de cœurs et de vies qu’il y a d’étoiles au ciel, de gouttes d’eau
dans la mer, d’étincelles au feu, de brins d’herbes sur la terre, pour vous les
donner, pour vous les consacrer dans l’ordre de votre Fils bien-aimé et pour sa
pure gloire. Mais au moins, puisque cela n’est pas en mon pouvoir, je ferai tout
et je n’oublierai rien en la vertu de Notre-Seigneur Jésus-Christ, votre Fils
adorable, pour vous gagner des cœurs et vous acquérir des esclaves.
Aimable Vierge, il est vrai que mon cœur
se sent plus pressé que jamais de vous aimer, et, si je l’ose dire, il me
semble qu’il vous aime, et il me paraît qu’il voudrait disputer avec tous les
cœurs de votre amour.
Mais, hélas ! que peut faire un misérable et chétif cœur comme il
est ? Il appelle donc à son secours
tous les neuf chœurs des anges, tous les cœurs des saints, et veut vous aimer
par tous leurs amours ; et, comme tout cela ne le contente pas, il veut
vous aimer par le divin cœur de Jésus. Je conjure ce cœur très aimable d’anéantir,
par sa puissance et miséricorde, tout ce qui est contraire dans tous les cœurs
à l’établissement de son règne, toutes les oppositions que les hommes y
forment, tous les obstacles qu’ils y apportent, toute la force et les ruses des
démons qui le combattent, pour y établir l’empire de son amour, afin que les
hommes étant parfaitement assujettis à ses lois, vivant dans un état de
servitude perpétuelle, ils soient, ô glorieuse Vierge, ses véritables esclaves
et les vôtres.
Bénissez
donc, ô Mère de bonté, cet ouvrage qui tend uniquement à cette fin, qui n’a
point d’autre but que de vous donner des esclaves en l’honneur de l’état et
forme de serviteur que le Verbe éternel a prise, s’anéantissant dans vos pures
entrailles, et se rendant votre sujet. Bénissez-le de vos plus amoureuses
bénédictions, afin qu’il serve efficacement à votre gloire. Mais que tous les esprits du ciel et de la terre
vous bénissent, vous louent, vous aiment, vous remercient pour toutes vos
grandes et innombrables miséricordes sur ma très chétive âme, pour les soins
charitables qu’il vous a plu de prendre par l’excès d’une bonté incroyable de
tout ce qui me regarde, par la très douce, très miséricordieuse et continuelle
protection que vous m’avez donnée durant tout le cours de ma vie.
Couronnement de Marie, par Gianeselli |
Votre très aimable cœur, ciel de gloire et
de triomphe, image très accomplie du divin cœur de Jésus, trésor presque
immense de toutes sortes de biens, m’a toujours été une source inépuisable de
faveurs et de bénédictions.
Ce cœur tout d’amour m’a toujours servi d’un doux asile dans toutes mes
misères, dans tous les périls où j’ai été, dans tous les dangers où je me suis
trouvé. Votre précieux cœur, ô Mère de
la belle dilection, a été la douceur de ma vie, ma joie et ma consolation.
Votre saint nom, comme la tour de David d’où
pendent mille boucliers et toute l’armure des plus forts, m’a servi de
forteresse contre tous mes ennemis, et de lieu de retraite assurée pour y vivre
dans une profonde paix parmi la guerre des hommes et des démons ; et de quelque côté que je me
tourne, en quelque manière que je me regarde, je ne vois rien de bon en moi, je
ne remarque aucune grâce qui ne vienne de vos libérales mains. Je vous ai, ma divine princesse, autant d’obligations
que j’ai vécu de moments, il n’y a pas un seul instant de ma vie qui ne soit
marqué de vos faveurs. En quelque lieu que j’aille, vos miséricordes me
suivent, elles me préviennent, elles m’accompagnent ; et en quelque état
que je puisse être, quelque chose qui m’arrive, vous me faites ressentir les
aimables secours de votre puissante protection.
Ah !
que ma langue s’attache plutôt au palais de ma bouche, que de cesser jamais de
publier partout les infinies et incroyables obligations que j’ai à vos
amoureuses bontés. Que je m’oublie plutôt de ma droite, que d’en perdre le
souvenir. Tant que j’aurai une langue,
je dirai partout que vous êtes la Vierge fidèle, et je voudrais que tous les
membres de mon corps fussent changés en autant de bouches et de langues pour le
dire plus à mon aise. Ah ! Que vive l’aimable ciel, qui me donnera
lieu de le dire sans distraction, durant toute la bienheureuse éternité, à
jamais, à jamais.
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