jeudi 24 mars 2011

90 ans de la fête de S. Gabriel

Annonciation par Le Greco
La fête de saint Gabriel est entrée à cette date dans le Missel romain seulement sous Benoît XV, en 1921. Elle revendiquait pourtant en sa faveur des précédents historiques, puisqu'elle apparaît déjà dans le plus ancien Calendrier copte le 18 décembre, et dans le Lectionnaire syrien elle est mentionnée le 26 mars. Dans l'un et l'autre cas, elle est, comme l'on voit, en relation avec la fête de l'Annonciation de la Très Sainte Vierge, et c'est ainsi que le jour assigné finalement à saint Gabriel dans le Calendrier romain se rattache à la tradition orientale la plus antique. 

Sermon de saint Béde le Vénérable sur la vision du prophète Daniel dans la sainte Bible (Daniel, Cap. 9, 20-27):


"L’Ange apparut à Zacharie, debout à droite de l’autel de l’encens. C’est bien justement que cet Ange se montre, et dans le temple, et près de l’autel et du côté droit, puisqu’il annonce, et l’avènement du véritable prêtre, et le mystère du sacrifice universel, et la joie du don céleste. Souvent en effet, comme la gauche indique les biens présents, ainsi la droite fait-elle .présager les biens éternels. Cette interprétation est conforme à ce qui se trouve chanté dans l’éloge de la Sagesse : La longue durée des jours est dans sa droite, et dans sa gauche sont les richesses et la gloire. L’Ange rassure Zacharie, rempli de crainte, car de même qu’il est naturel à la fragilité humaine de se troubler à fa vue d’une créature purement spirituelle, il convient à la bonté des Anges de consoler bien vite par de douces paroles les mortels qui tremblent à leur aspect. Au contraire, il est propre à la cruauté des démons, d’abattre toujours plus par une impression d’horreur ceux qu’ils voient effrayés de leur présence, aussi n’est-il nul meilleur moyen de les mettre en fuite qu’une foi intrépide.

L’Ange, affirmant à Zacharie que sa prière a été exaucée, lui promet aussitôt le prochain enfantement de son épouse. Non point que ce prêtre entré dans le sanctuaire pour offrir une oblation au nom du peuple, eût fait abstraction des vœux publics pour demander plutôt la grâce d’avoir des enfants, d’autant que nul n’implore une faveur qu’il désespère d’obtenir, (Zacharie, se souvenant de l’âge et de la stérilité de son épouse, désespérait tellement de se voir naître un fils qu’il ne devait même pas croire à la parole de l’Ange le lui promettant). Mais ce que dit le messager céleste : Ta supplication a été exaucée, s’entend de la prière de ce prêtre pour la rédemption du peuple ; et quand l’Ange ajoute : Ta femme t’enfantera un fils, cette promesse se rattache à l’économie de la rédemption, en ce sens que le fils naissant à Zacharie devait comme un héraut préparer la voie au Rédempteur de ce peuple. En affirmant à Zacharie que sa prière pour le peuple n’est pas restée sans fruit, l’Ange enseigne suivant quel ordre ce même peuple doit être sauvé et rendu parfait, c’est-à-dire en faisant pénitence à la prédication de Jean et en croyant au Christ.

S. Gabriel apparaissant à S. Zacharie dans le Temple de Jérusalem.

Zacharie hésitant à cause de la grandeur de telles promesses, demande un signe pour pouvoir y ajouter foi, alors que la seule vue ou les paroles d’un Ange devaient lui suffire comme signe. Aussi subit-il la peine méritée par sa défiance, en devenant muet. Le silence même qui lui est imposé devient pour lui, et le signe qu’il a demandé pour croire, et la juste peine de son infidélité. Il faut comprendre que si de telles promesses avaient été formulées par un homme, Zacharie eût pu, sans s’attirer aucun châtiment, réclamer un signe ; mais, quand un Ange promet, il ne convient pas de douter. Gabriel accorde le signe sollicité, en sorte que celui qui a parlé pour émettre un doute apprend maintenant à croire en se taisant. On doit remarquer ici ce que l’Écriture atteste, à savoir que cet Ange se tient devant Dieu et aussi qu’il est envoyé porter la bonne nouvelle à Zacharie ; semblablement, quand les Anges viennent à nous, ils remplissent ainsi un ministère extérieur, sans cependant jamais interrompre leur contemplation intérieure. Ils sont envoyés et ils restent présents devant Dieu car si un esprit angélique n’est point infini, l’Esprit suprême qui est Dieu n’a point de bornes. Les Anges se trouvent donc devant lui, quand même ils sont envoyés, car quel que soit le lieu où ils remplissent une mission, ils se meuvent en lui".

Homélie de saint Bernard sur l'Evangile selon saint Luc. Chap. 1, 26-38 : "En ce temps-là : l'Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, auprès d'une vierge fiancée à un homme de la maison de David, nommé Joseph ; et le nom de la vierge était Marie".

"Je ne pense pas qu’il soit ici question d’un de ces Anges de moindre dignité, qui viennent souvent sur la terre y remplir une mission pour un motif quelconque. Le contraire est donné clairement à entendre par son nom que l’on dit signifier Force de Dieu, et se conclut aussi de cette particularité rapportée qu’il est envoyé, non par quelque autre esprit, probablement supérieur, comme cela a lieu d’ordinaire, mais par Dieu même. C’est donc sans doute pour attirer notre attention sur la dignité de l’envoyé céleste qu’ont été mis ces mots : De Dieu. Ou bien il a été dit, de Dieu, pour qu’il ne nous semble pas que Dieu, avant de révéler son dessein à la Vierge, en ait fait part à un des esprits bienheureux qu’à l’Archange Gabriel qui seul entre ses compagnons de gloire fut jugé digne de porter un tel nom et un tel message.

Le nom s’harmonise bien avec le message. Par qui convenait-il mieux que fut annoncé le Christ, vertu de Dieu, que par cet ange qui a l’honneur d’avoir avec lui une similitude de nom ? Et la force, qu’est-elle sinon la vertu ? N’allez pas croire qu’il n’était, ni digne ni convenable que le Maître et l’envoyé portassent un nom analogue, car si tous deux s’appellent de même, cette appellation "semblable n’a cependant pas une raison d’être commune de part et d’autre. En effet c’est sous des rapports différents que le Christ et l’Ange sont nommés force ou vertu de Dieu : l’Ange ne l’est que nominalement, mais le Christ l’est substantiellement.

Le Christ est appelé et est en effet la vertu de Dieu ; il est ce plus fort qui survient et, de son bras puissant, terrasse le fort armé qui jusque-là avait gardé sa maison en paix, et lui enlève ainsi les dépouilles de la captivité. Quant à l’Ange, s’il est appelé la force de Dieu, c’est, ou parce qu’il a pour office d’annoncer la venue de cette force elle-même, ou bien parce qu’il devait rassurer une vierge naturellement timide, simple et pudique, que la nouvelle du miracle qui devait s’accomplir en elle allait troubler. « Ne craignez pas, Marie, lui dit-il, vous avez trouvé grâce devant Dieu ». Ce n’est donc pas sans motif que Gabriel est choisi pour ce message, ou plutôt parce qu’il a reçu cette mission, il est désigné à bon droit sous un tel nom".