jeudi 27 mai 2010

Jésus Souverain Prêtre


Certains lieux célèbrent aujourd'hui la fête du Sacerdoce éternel de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le cardinal Canizares, Préfet de la Sacrée Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, a récemment proposé au Souverain Pontife d'étendre cette célébration à l'Eglise universelle. Voici la lettre que le vénérable Henri-Marie Boudon écrivit vers 1654, avant d'être ordonné, à une amie religieuse à Rouen.

"DIEU SEUL. Madame, Je suis bien éloigné de dire la très-sainte messe en toutes façons. Pour offrir le redoutable sacrifice d'un Dieu anéanti sur nos autels pour l'amour de l'homme, il faut être sacrifié. Il n'est pas juste pendant qu'un Dieu s'anéantit pour rendre hommage à l'Être souverain du Père éternel, que la créature subsiste.
Aller sacrifier un Dieu et se vouloir conserver et demeurer en soi-même, c'est une chose effroyable. Comme donc ma méchante vie ne me permet pas d'entrer dans l'état d'hostie, je me vois entièrement incapable d'entrer dans le saint et divin état du sacerdoce. Mais ce qui est terrible, c'est que me voilà engagé presque, malgré toutes les oppositions que je porte pour un si angélique état, de l'accepter avec tous mes désordres. Il faut, à moins que je ne quitte l'archidiaconé, que je prenne les ordres sacrés. Je m'en vais à Évreux ; si la Providence ne nous fait changer de dessein, et j'espère y être les fêtes de la Pentecôte".
Monsieur Boudon, on le sait, avait été proposé comme successeur au grand-archidiaconat d'Evreux par son titulaire, le bienheureux François de Montmorency-Laval, pressenti pour un vicariat apostolique (évêché) en Nouvelle-France. C'est seulement par obéissance à leur commun directeur spirituel, le Père Bagot, que l'humble "mendiant de la rue de la Harpe" (à Paris) dut accepter d'être élevé à une dignité qui terrifia de nombreux saints, au point de les faire s'enfuir en apprenant qu'ils y étaient élevés.
Que cette si belle fête du Sacerdoce de notre Rédempteur nous voie prier toujours davantage pour que le Maître de la moisson nous envoie toujours de nombreux et saints ouvriers, et cela même si l'Année Sacerdotale se clôturera dans moins d'un mois...

jeudi 20 mai 2010

Ascension : Les saints Anges reçoivent triomphalement leur Roi

A l'occasion de la fin de ce Temps consacré à l'Ascension, voici une belle méditation de Dom Guéranger sur la royauté angélique de Notre-Seigneur Jésus-Christ

La royauté sur les hommes n’est pas le seul diadème que reçoit notre divin triomphateur dans son Ascension. L’Apôtre nous enseigne formellement que Jésus est aussi « Chef de toutes les Principautés et de toutes les Puissances » [46]. Au-dessus de la race humaine s’élèvent les degrés éblouissants de la hiérarchie angélique, l’œuvre la plus magnifique de la création. Après l’épreuve suprême, ces nobles et saintes milices décimées par la chute et la réprobation des rebelles, sont entrées dans la jouissance surnaturelle du souverain bien, et elles ont commencé le cantique sans fin qui retentit autour du trône de Dieu, et dans lequel elles expriment leurs adorations, leurs transports d’amour et leurs actions de grâces. Mais une condition jusqu’à présenta manqué à leur entière félicité. Ces innombrables Esprits si beaux et si lumineux, tout comblés qu’ils sont des dons de la munificence divine, attendent un complément de gloire et de bonheur. Lorsqu’ils eurent été appelés du néant à la vie, Dieu leur révéla qu’il devait créer encore d’autres êtres, des êtres d’une nature inférieure à la leur, et que parmi ces êtres composés d’une âme et d’un corps, il en devait naître un que le Verbe éternel unirait à sa nature divine en une seule et même personne. Il leur fut manifesté que cette nature humaine dont la gloire, avec celle de Dieu même, a été le but de la création, serait appelée « le premier-né de toute créature », et que tout Ange, ainsi que tout homme, devrait fléchir le genou devant elle, qui, après avoir été humiliée sur la terre, serait glorifiée dans les cieux ; qu’enfin le moment viendrait où toutes les hiérarchies célestes, jusqu’aux Principautés et aux Puissances, jusqu’aux Chérubins et aux Séraphins, l’auraient pour Chef.
Jésus fut donc attendu par les Anges, comme il le fut par les hommes. Par les Anges, il fut attendu comme le perfectionnement suprême de leurs hiérarchies, dont la multiplicité arriverait par lui à l’unité, et qui seraient reliées plus étroitement à Dieu au moyen de cet ineffable intermédiaire qui réunirait en sa personne une nature divine et une nature créée ; par nous autres hommes, il fut attendu comme le réparateur rendu nécessaire par, le péché qui nous avait fermé le ciel, et aussi comme le médiateur éternellement prédestiné à venir prendre la race humaine aux confins du néant, pour la réunir à Dieu qui avait résolu de lui communiquer sa gloire. Ainsi, tandis que sur la terre les justes qui vécurent avant le jour où le Verbe éternel fut conçu au sein de la plus pure des vierges, se rendaient agréables à Dieu en s’unissant à ce réparateur, ace médiateur qui devait venir ; de même, au ciel, les hommages des Anges à la Majesté divine montaient jusqu’à elle par l’offrande anticipée que lui adressaient ces Esprits bienheureux, s’unissant à ce Chef dont la mission non réalisée encore était présente dans les décrets éternels de l’Ancien des jours.
Enfin la plénitude des temps étant venue, comme parle l’Apôtre, « Dieu introduit sur la « terre son premier-né », l’archétype de la création, et à cette heure sacrée ce ne sont pas les hommes qui adorent les premiers ce Chef de leur race ; le même Apôtre nous rappelle que ce sont les Anges qui lui rendent les premiers leur hommage. David l’avait prédit dans son sublime cantique sur la venue de l’Emmanuel : et il était juste qu’il en fût ainsi ; car l’attente des Anges avait duré plus longtemps, et d’ailleurs ce n’était pas en qualité de réparateur qu’il venait pour eux, mais uniquement comme le médiateur fermement espéré, qui devait les rattacher plus étroitement à l’infinie beauté, objet de leurs délices éternelles, et combler, pour ainsi dire, l’intervalle qui n’avait été rempli jusqu’alors que par leurs aspirations à le voir enfin occuper la place qui lui était destinée.
Alors s’accomplit cet acte d’adoration envers le Dieu-Homme, cet acte exigé des Esprits célestes au commencement de toutes choses comme l’épreuve suprême, et qui devait, selon qu’il obtiendrait acquiescement ou refus, décider du sort éternel de ces nobles créatures. Avec quel amour et quelle soumission ne l’avons-nous pas vu rempli, à Bethléhem, par les Anges fidèles, lorsqu’ils virent leur Chef et le nôtre, le Verbe fait chair, reposant entre les bras de sa chaste mère, et qu’ils allèrent bientôt annoncer avec transport aux hommes représentés par les bergers l’heureuse nouvelle de l’arrivée de ce commun médiateur !
Mais aujourd’hui ce n’est plus sur la terre que les Esprits célestes contemplent le fils de Marie ; ce n’est plus sur la voie des humiliations et des souffrances par lesquelles il lui a fallu passer pour lever d’abord l’obstacle du péché qui nous privait de l’honneur de devenir ses heureux membres : c’est sur le trône préparé à la droite du Père qu’ils l’ont vu s’élever, qu’ils le contemplent désormais, qu’ils s’unissent à lui étroitement, en le proclamant leur Chef et leur Prince. A cet instant sublime de l’Ascension, un frémissement de bonheur inconnu parcourt toute la succession des célestes hiérarchies, descendant et remontant des brûlants Séraphins aux Anges qui avoisinent la nature humaine. Une félicité nouvelle, celle qui consiste dans la jouissance réelle d’un bien dont l’attente est déjà remplie de délices pour le cœur d’une créature, opère un renouvellement de béatitude dans ces êtres privilégiés, que l’on eût pu croire parvenus à l’apogée des joies éternelles. Leurs regards se fixent sur la beauté incomparable de Jésus, et ces Esprits immatériels s’étonnent de voir la chair revêtue d’une splendeur qui dépasse leur éclat par la plénitude de grâce qui réside en cette nature humaine. Leur vue, pour plonger plus avant dans la lumière incréée, traverse cette nature inférieure à la leur, mais divinisée par son union avec le Verbe divin ; elle pénètre à des profondeurs qu’elle n’avait pas sondées encore. Leurs désirs sont plus ardents, leur élan plus rapide, leurs concerts plus mélodieux ; car, ainsi que le chante la sainte Église, Anges et Archanges, Puissances et Dominations, Chérubins et Séraphins, ils louent désormais la majesté du Père céleste par Jésus-Christ son Fils : per quem majestatem tuam laudant Angeli.
Mais qui pourrait décrire les transports des Esprits célestes à l’arrivée de cette multitude d’habitants de la terre, membres comme eux du même Chef, se pressant sur ses pas et se partageant selon les diverses hiérarchies, là où la chute des mauvais anges laissait des places désertes ? La résurrection générale n’a pas encore restitué à ces âmes les corps auxquels elles furent unies ; mais, en attendant, leur chair n’est-elle pas déjà glorifiée en celle de Jésus ? Plus tard, à l’heure marquée, la trompette de l’Archange ayant retenti [52], ces âmes bienheureuses reprendront leur vêtement terrestre, désormais voué à l’immortalité. C’est alors que les saints Anges reconnaîtront avec un enthousiasme fraternel dans les traits d’Adam, notre ancêtre, ceux de Jésus son fils, ainsi que nous l’enseignent les plus anciens Pères, et dans les traits d’Ève, notre première mère, ceux de sa fille Marie ; mais la ressemblance sera plus parfaite au ciel qu’elle ne l’était sous les ombrages du jardin des Délices. Vienne donc ce jour glorieux, où le splendide mystère de l’Ascension sera réalisé dans ses dernières conséquences ; où les deux créations, angélique et humaine, s’embrasseront pour l’éternité dans l’unité d’un même Chef !

jeudi 13 mai 2010

Ascension : "Le Seigneur monte au Ciel et tout jubile, alléluia !"

Pour dignement célébrer cette grande fête de l'Ascension, quel meilleur moyen que la méditation de L'année liturgique de Dom Guéranger ?

Nous voici arrivés, pour ainsi dire, au point culminant de l’œuvre divine, et ce n’est véritablement qu’aujourd’hui qu’elle nous apparaît dans son entier. Chaque jour la sainte Église, dans l’auguste Sacrifice, à la suite des paroles sacrées qui ont amené sur l’autel celui qui est à la fois le Dieu et la victime, s’adressant à la majesté du Père, exprime ainsi les motifs de sa confiance : « Ayant donc présents a la pensée, nous vos serviteurs et votre peuple saint, la bienheureuse Passion de ce même Christ, votre Fils et notre Seigneur, sa Résurrection du tombeau, et aussi sa glorieuse Ascension dans les cieux, nous vous offrons cette hostie pure, sainte et immaculée ». Il ne suffit donc pas à l’homme de s’appuyer sur les mérites de la Passion du Rédempteur qui a lavé nos iniquités dans son sang ; il ne lui suffit pas de joindre à ce souvenir celui de la Résurrection qui a donné à ce divin Libérateur la victoire sur la mort ; l’homme n’est sauvé, n’est rétabli, que par l’union de ces deux mystères avec un troisième, avec le mystère de la triomphante Ascension de Celui qui est mort et ressuscité. Jésus, durant les quarante jours de sa vie glorieuse sur la terre, n’est encore qu’un exilé ; et nous demeurons exilés comme lui, jusqu’à ce que la porte du ciel, close depuis quatre mille ans, se rouvre pour lui et pour nous.
Dans son ineffable bonté, Dieu n’avait pas seulement appelé l’homme à la royauté sur tous les êtres dont cette terre est couverte ; il ne l’avait pas destiné seulement à connaître la vérité dans la proportion des besoins de sa nature, à réaliser le bien selon les forces de sa vie morale, à rendre un lointain hommage à son créateur. Par un dessein de sa toute-puissance unie à son amour, Dieu avait assignée cet être si chétif et si faible une fin au-dessus de sa nature.
Inférieur à l’Ange, et réalisant dans son être l’union de l’esprit et de la matière, l’homme était appelé à la même fin que l’Ange. Le ciel devait les recevoir l’un et l’autre ; l’un et l’autre étaient appelés à trouver éternellement leur bonheur dans la vue de Dieu face à face, dans la possession intime du souverain bien. La grâce, secours divin et mystérieux, devait les adapter à cette fin sublime que leur avait gratuitement préparée la bonté de leur créateur. Telle était la pensée dans laquelle Dieu s’était complu éternellement : élever jusqu’à lui ces fils du néant et verser sur eux, selon la mesure de leur être agrandi, les torrents de son amour et de sa lumière.
Nous savons quelle catastrophe arrêta tout à coup une partie des Anges sur le chemin de la béatitude suprême. Au moment de l’épreuve qui devait décider de l’admission de chacun d’eux au bonheur sans fin, un cri de révolte se fit entendre. Dans tous les chœurs angéliques il y eut des rebelles, des esprits qui refusèrent de s’abaisser devant le commandement de l’ordre divin ; mais leur chute ne nuisit qu’à eux-mêmes, et les Esprits fidèles admis en récompense à la vue et à la possession béatifiante du souverain bien, commencèrent leur éternité de bonheur. Dieu daignait admettre des êtres créés à la jouissance de sa propre félicité, et les neuf chœurs glorifiés s’épanouirent sous son regard éternel.
Créé plus tard, l’homme aussi tomba, et son péché brisa le lien qui l’unissait à Dieu. La race humaine n’était alors représentée que par un seul homme et une seule femme : tout avait donc sombré à la fois. Après la faute, le ciel demeurait fermé désormais à notre race ; car dans leur chute Adam et Ève avaient entraîné leur postérité future, à laquelle ils ne pouvaient transmettre un droit qu’ils avaient perdu. Au lieu de ce passage agréable et rapide sur la terre, auquel devait mettre fin une heureuse ascension vers le séjour éternel de la gloire, il ne nous restait plus qu’une courte vie remplie de douleurs, et, pour perspective, le tombeau où notre chair sortie de la poussière serait elle-même réduite en poussière. Quant à notre âme, créée pour le bonheur surnaturel, lors même qu’elle y eût aspiré, ce n’eût été que pour s’en voir à jamais frustrée. L’homme avait préféré la terre ; elle lui demeurait pour quelques jours, après lesquels il la laisserait à d’autres qui disparaîtraient également jusqu’à ce qu’il plût à Dieu d’en finir avec cette œuvre manquée.
Ainsi avions-nous mérité d’être traités ; mais telle ne fut pas cependant l’issue de notre création. Quelle que soit la haine que Dieu porte au péché, il avait appelé l’homme à jouir des trésors de sa gloire, et il ne consentit pas à déroger aux desseins sublimes de sa sagesse et de sa bonté. Non, la terre ne sera pas un séjour où l’homme ne fera que naître et s’éteindre bientôt. Lorsque la plénitude des temps sera arrivée, un homme paraîtra ici-bas, non point le premier d’une création nouvelle, mais un homme comme nous, de notre race, « fait de la femme », comme parle l’Apôtre. Or, cet homme à la fois céleste et terrestre s’associera à notre disgrâce ; comme nous il passera par la mort, et la terre le possédera trois jours dans son sein. Mais elle sera forcée de le rendre, et vivant, il apparaîtra aux regards éblouis des autres hommes. Nous l’avons vu, et nous qui sentons en nous-mêmes une « réponse de mort », nous nous sommes réjouis de voir la chair de notre chair, le sang de notre sang remporter une si belle victoire.
Ainsi donc les intentions divines n’auront pas été frustrées en tout. Voici que la terre présente au Créateur un second Adam qui, ayant vaincu la mort, ne peut plus s’arrêter ici-bas. Il faut qu’il monte ; et si la porte du ciel est fermée, il faut qu’elle s’ouvre pour lui. « Princes, élevez vos portes ; portes éternelles, élevez-vous, et le Roi de gloire entrera dans le séjour qui l’attend ». Oh ! S’il daignait nous attirer après lui ! Car il est notre frère, et nous savons que « ses délices ici-bas étaient d’être avec les enfants des hommes ». Mais qu’il monte, que son Ascension soit dès aujourd’hui. Il est le plus pur sang de notre race, le fils d’une mère sans tache ; qu’il aille nous représenter tous dans cet heureux séjour que nous devions habiter. C’est la terre qui l’envoie ; elle n’est plus stérile du moment qu’elle l’a produit ; car elle a enfin fructifié pour le ciel. Ne semble-t-il pas qu’un rayon de lumière est descendu jusqu’au fond de cette vallée de larmes, lorsque les portes du ciel se sont levées pour lui ouvrir passage ? « Élevez-vous donc, ô Seigneur des hommes ! Élevez-vous dans votre puissance, et nous, sur cette terre, nous chanterons les grandeurs de votre triomphe ! ». Père des siècles, recevez cet heureux frère que vos fils disgraciés vous envoient. Toute maudite qu’elle semblait être, « la terre a donné son fruit ». Oh ! s’il nous était permis de voir en lui les prémices d’une plus abondante moisson que votre majesté daignerait agréer, nous oserions penser alors que ce jour est celui où vous rentrez en possession de votre œuvre primitive.

Empruntons aujourd’hui la voix de l’Église arménienne, toujours si mélodieuse, et unissons-nous comme elle aux transports qu’éprouvèrent les saints Anges, au moment où ils virent s’élever de la terre l’homme nouveau qui venait s’asseoir au plus haut des cieux.
HYMNE
Les Puissances du ciel ont été émues en vous voyant monter, ô Christ ! Elles se disaient l’une à l’autre dans leur tremblement : « Quel est ce Roi de gloire ? »
— C’est le Dieu Verbe incarné, qui a anéanti le péché sur la croix, et qui, s’étant envolé avec gloire, vient au ciel, Seigneur qu’il est, dans sa force et sa vertu.
— C’est celui qui s’est levé du sépulcre et a détruit la mort ; aujourd’hui il monte avec gloire, et vient au Père : il est le Seigneur puissant dans les combats.
— C’est lui qui, par un pouvoir divin, est monté aujourd’hui sur le char de son Père, servi par les chœurs des Anges, qui chantaient et s’écriaient : « Princes, ouvrez vos portes, et le Roi de gloire entrera. »
Les Puissances célestes étaient dans l’étonnement, et se demandaient d’une voix tremblante : « Quel est ce Roi de gloire qui vient dans la chair et revêtu d’un si merveilleux pouvoir ? Princes, ouvrez vos portes, et le Roi de gloire entrera. »
Les Hiérarchies supérieures faisaient entendre un concert harmonieux ; elles chantaient un cantique nouveau, et disaient : « C’est le Roi de gloire, le sauveur du monde et le libérateur du genre humain. Princes, ouvrez vos portes, et le Roi de gloire entrera. »
Et nous, qui avons été entés sur toi par la ressemblance de ta mort, ô Fils de Dieu, rends-nous dignes d’obtenir aussi cette autre ressemblance, ô Roi de gloire ! Toutes les Églises des saints célèbrent ton triomphe par des cantiques spirituels.
Tu as crucifié avec toi le vieil homme, tu as brisé l’aiguillon du péché, tu nous as délivrés par ce bois vivifiant auquel tu fus attaché, et les gouttes de ton sang ont enivré le monde : toutes les Églises des saints célèbrent ton triomphe par des cantiques spirituels.
Dans ta compassion pour nous, ta nature divine a daigné s’incarner, et tu nous as fait participer à ton corps et à ton sang dans le Sacrifice d’agréable odeur que tu as offert à ton Père, en lui immolant ton corps, emprunté à notre nature. Ensuite tu es monté sur un nuage éclatant, à la vue des Puissances et des Principautés qui, dans leur admiration, se demandaient : « Quel est celui qui arrive d’Édom d’un pas si rapide ? » Et les membres de ton Église ont appris à connaître les ressources de ton infinie sagesse. Que toutes les Églises des saints célèbrent ton triomphe par des cantiques spirituels.

samedi 8 mai 2010

8 mai : Bonne Saint-Michel de printemps !

L'Archiconfrérie est heureuse de célébrer aujourd'hui avec la Sainte Eglise la "Saint-Michel de printemps", commémorant l'Apparition du Grand Archange sur le Mont Gargan en 492, lui que la sainte Liturgie appelle "le préposé au Paradis, et que les concitoyens des Anges honorent". Il s'agissait également de la Fête propre de l'Ordre royal de saint Michel, fondé par Louis XI.
Voici le récit de l'Apparition :

Cette apparition eut lieu le 8 mai 492, sous le pontificat de Gélase Ier, sur le mont Gargan, aujourd'hui San-Angelo (non loin de San Giovanni Rotondo, la cité de saint Padre Pio), dans le royaume de Naples.
Un riche habitant de Siponte avait ses troupeaux sur les flancs du mont Gargano. Un jour, se dérobant à l'œil des bouviers, un taureau disparut. Après bien des recherches, on le retrouva enfin sur la cime la plus escarpée de la montagne, à l'entrée d'une grotte, et les cornes embarrassées dans de fortes lianes.
Furieux contre les obstacles qui le retenaient sur place, l'animal se débattait si violemment que personne ne put l'approcher. Alors on lança vers lui une flèche ; mais, chose étrange, cette flèche se retourna à mi-chemin de sa course, et alla frapper celui qui l'avait tirée. Ce fait extraordinaire remplit d'une telle crainte les bouviers, qu'ils s'éloignèrent immédiatement de la grotte.
Cet évènement émut la ville de Siponte, et l'évêque, Lorenzo Maiorano, ordonna des prières publiques. Trois jours après, saint Michel apparut au prélat et lui dit : « Je suis l'archange Michel, un de ceux qui se tiennent sans cesse devant le Seigneur. J'ai choisi ce lieu pour être vénéré sur la terre ; j'en serai le protecteur à jamais ».
L'évêque et les habitants se rendirent processionnellement jusqu'à la grotte du mont Gargano, et prièrent en l'honneur de l'Archange.
A quelque temps de là, Siponte vit ses ennemis dévaster ses campagnes et menacer la ville. La bataille s'engagea, et Siponte paraissait vaincue, quand, tout à coup, une formidable secousse ébranla le mont Gargano ; de son sommet, couvert d'une noire vapeur, jaillirent des éclairs et des foudres qui portèrent la terreur et la mort dans le camp ennemi.
Triomphante par le secours miraculeux de saint Michel, la ville de Siponte se montra reconnaissante à son puissant protecteur. Elle exécuta aussitôt des travaux gigantesques, afin de pouvoir accéder plus facilement sur le mont Gargano, et sur la grotte naturelle qu'elle fit revêtir intérieurement de marbres précieux, elle bâtit une belle église dont la dédicace solennelle eut lieu le 29 septembre 522, par le pape saint Boniface. Cette église est depuis le rendez-vous de nombreux pèlerinages, et de grands miracles s'y sont opérés par la puissante intercession de saint Michel.
Notons que l'Archange y laissa selon la tradition l'empreinte d'un pas ainsi qu'un morceau de pallium rouge. Les clercs du Mont Saint-Michel envoyés par saint Aubert vinrent chercher au Mont Gargan des reliques pour la future Merveille de l'Occident.

jeudi 6 mai 2010

Triple alleluia !

Ce jeudi 6 mai est l'occasion pour l'Archiconfrérie d'une triple célébration :
- tout d'abord une fête propre à son calendrier et au diocèse d'Evreux : celle du bienheureux François de Montmorency-Laval (1623-1708), grand-archidiacre d'Evreux et ainsi immédiat prédecesseur, fidèle ami et quasi-exact contemporain de notre Fondateur, M. Boudon (1624-1702). Ce premier vicaire apostolique, puis évêque de Québec, et même gouverneur de Nouvelle-France, mourut en effet dans sa cité épiscopale le 6 mai 1708, il y a 302 ans, à l'âge de 85 ans, en récitant les litanies de la Sainte Famille.
Bienheureux François de Laval, priez pour le diocèse d'Evreux et obtenez la béatification de votre ami Henri-Marie Boudon !
L'intendant Jacques Raudot nota : « Aussitôt après son décès les peuples l’ont pour ainsi dire canonisé, ayant eu la même vénération pour son corps qu’on a pour ceux des saints, étant venus en foule de tous côtés pendant qu’il a été exposé sur son lit de parade et dans l’église, lui faire toucher leurs chapelets et leurs heures. Ils ont même coupé des morceaux de sa robe, que plusieurs ont fait mettre dans de l’argent, et ils les regardent comme des reliques ». Il repose dans la cathédrale-basilique Notre-Dame de Québec. Vous trouverez dans la colonne de droite un lien vers le site qui lui est consacré.

-Ensuite la fête de S. Jean à la Porte-Latine, où le bien-aimé Apôtre de Notre Seigneur fut plongé dans une marmité d'huile bouillante et en ressortit sain et sauf. L'évangéliste était cher à M. Boudon, et comment ne le serait-il pas, après les marques d'amitié que lui témoigna Notre-Seigneur. En ce Temps Pascal, souvenons-nous qu'il fut le seul des Apôtres à rester courageusement au pied de la Croix, et reçut au nom des Chrétiens la Bienheureuse Vierge Marie comme Mère.

-Enfin, en cet avant-dernier Premier Jeudi du mois de l'Année Sacerdotale, redoublons de prière pour la "sanctification, l'exemplarité et la régularité du Clergé", et offrons pour notre Saint-Père le Pape nos bonnes oeuvres méritoires, afin qu'il n'ait "pas peur devant les loups" mais qu'il conduise la barque de l'Eglise jusqu'au port du salut, après avoir récupéré le plus de naufragés possible. La Sainte Eglise accorde d'ailleurs aujourd'hui une indulgence plénière aux fidèles confessés qui communient et prient pour la sanctification des Prêtres. Mon Dieu, donnez-nous beaucoup de saints Prêtres !

Nous vous laissons méditer l'homélie que S.Em. le cardinel Ouellet, 23e successeur du Bienheureux, prononçait il y a deux ans pour le 3e centenaire de sa précieuse mort, sur le thème du Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, et qui résume si bien la triple célébration d'aujourd'hui :
Beaucoup d’initiatives et d’événements rappellent la figure et l’oeuvre de François de Laval, premier évêque de Québec, en cette année jubilaire. Aujourd’hui, en ce 300e anniversaire de sa mort, nous faisons mémoire de sa pâque, de son passage de l’histoire humaine à l’éternité de Dieu et rien ne peut fournir un cadre plus approprié que la célébration de la Sainte Eucharistie, mémorial de la Pâque du Seigneur. Saint Paul nous enseigne que « chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons à cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ».
François de Laval a célébré quotidiennement le saint sacrifice de la Messe, manière courante de désigner l’Eucharistie à son époque. Sa vie fut marquée par la dimension sacrificielle de l’Eucharistie qu’il incarnait dans ses pénitences et ses mortifications étonnantes, voire excessives, qu’on ne saurait imiter aujourd’hui de la même manière. Jeûnes, veilles, prières, privations, incommodités multiples, dépouillement de ses biens en faveur des pauvres, sa vie et sa mort témoignent d’une existence toute mortifiée qui a impressionné ses contemporains.
Quelques semaines après sa mort, son fidèle serviteur des vingt dernières années, le Frère Hubert Houssart, a voulu laisser un récit de cette impression que lui a faite le Bienheureux François de Laval. Il écrit : « La consolation qui s’est mêlée parmi la tristesse en voyant un saint mourir en saint après avoir vécu en saint, a été un très grand soulagement à ma peine, aussi bien qu’à celle de tout le Séminaire et de tous les peuples du Canada ». Le bon frère donne beaucoup d’exemples de son abnégation et de ses mortifications qui culminent avec son offrande finale en sacrifice « six jours avant son saint trépas, pour porter la peine de tous les péchés du Séminaire ». Le témoin ajoute : « Sa Grandeur ayant été exaucée par le redoublement de ses douleurs qui furent excessives depuis ce jour-là jusqu’à sa mort, nous avons tous lieu de croire qu’il nous a acquis par ses souffrances des grâces particulières pour éviter le péché et pratiquer la vertu ». Un dicton populaire affirme qu’il n’y a pas de grand homme pour son valet. Frère Houssart fit mentir ce dicton, subjugué qu’il était par les vertus de son maître, par l’intensité et l’immensité de sa charité pastorale.
Dans sa lettre à Timothée, saint Paul dresse un portrait exigeant du pasteur zélé qu’il souhaite voir réalisé chez son disciple : Audace, courage, patience, persévérance, bon sens et disponibilité à souffrir et à porter jusqu’au bout le ministère. Sa description colle parfaitement à la peau de François de Laval, disciple du Crucifié, qui ne recule devant rien pour suivre le Christ jusqu’au bout. Durement éprouvé par certaines décisions de son successeur, il écrit : « La Providence de Dieu dispose toute chose suavement et toutes ces contrariétés et avortements de nos desseins et projets nous doivent beaucoup servir pour faire mourir en nous tous les mouvements déréglés d’une nature trop impétueuse».
Il avait appris à l’école de saint Ignace, que mourir par la mortification des désirs, même dans les bonnes choses, est un chemin sûr vers la sainteté. « Il nous faut mourir aux trop grands désirs des bonnes choses, même de la gloire de Dieu et du salut des âmes ». Il sait par expérience que le Malin se déguise parfois en ange de lumière pour attirer les âmes ardentes vers des prouesses excessives qui les éloignent de la volonté de Dieu au quotidien, préparant ainsi leur chute dans l’orgueil et le découragement.
Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. Il connaît ses brebis et ses brebis le connaissent. François donna sa vie jour après jour, pendant cinquante ans, cherchant à connaître et à aimer ses brebis. S’il était si ardent à se mortifier de mille et une façons, outre un certain rigorisme de l’époque, n’est-ce pas parce qu’il était possédé par l’Amour divin dont il voulait rayonner la présence et le don ? Familier de Marie de l’Incarnation et de Marie-Catherine de Saint-Augustin, François de Laval se savait habité lui aussi par le mystère trinitaire qu’il voyait reflété dans la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Il confesse humblement : « c’est toute ma paix, mon bonheur en cette vie que de ne (vouloir) point d’autre paradis. C’est le royaume qui est au-dedans de l’âme qui fait notre centre et notre tout ».
« Je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ». Quel mystère abyssal se cache en cette comparaison ! Le bon pasteur connaît, c’est-à-dire aime ses brebis et se laisse aimer par elles, du même amour dont il aime le Père et qu’il est aimé de Lui. L’échange d’amour entre le Père et le Fils dans le Saint Esprit s’écoule pour ainsi dire dans la relation pastorale authentique et lui confère sa beauté, sa joie et sa fécondité. Ce mystère pastoral sied bien à François de Laval, qui a été avare de confidences sur sa vie mystique, mais qui n’avait d’autre idéal que de tout faire pour Dieu seul et d’accomplir en tout Sa sainte volonté.
En ce jour anniversaire de sa mort, le 300e, contemplons en lui la grâce de Dieu à l’oeuvre dans sa vie, sa mort et dans les oeuvres pérennes qu’il nous a laissées. François de Laval, évêque missionnaire, édifie l’Église du nouveau monde sur la Parole de Dieu, proclamée à temps et à contretemps, pour édifier, dénoncer, corriger mais toujours pour instruire dans les vérités de la foi. La vie intérieure qui l’animait depuis ses années de formation le rendait capable d’action et de passion, d’audace et d’humilité, de courage et de générosité, pour nourrir les âmes et secourir les pauvres dans leur détresse. À la fin de sa vie, ayant distribué tous ses biens aux pauvres, et constatant qu’il ne lui restait plus rien, François de Laval s’exclamait ne plus pouvoir vivre puisqu’il n’avait plus rien à donner aux pauvres.
Cet évêque fondateur a posé aussi comme fondement de l’Église locale son Séminaire, une famille de prêtres bien dotée et soudée par les liens de la fraternité sacerdotale, au service de l’Unique Prêtre, Jésus-Christ, Juge des vivants et des morts. Je salue très cordialement cette digne famille sacerdotale, bien enracinée au coeur du presbyterium de Québec, qui porte toujours le flambeau de la foi des pionniers et dont l’enthousiasme pour la refondation du petit Séminaire diocésain constitue un nouveau signe d’espérance pour l’avenir du Séminaire de Québec et de l’Église au Québec.
Comme évêque en exercice ou comme Monseigneur l’Ancien [c'est le titre qu'on donnait à Mgr de Laval après la nomination de son successeur Mgr de Saint-Vallier], François de Laval tendait résolument vers la sainteté. Son intense vie de prière en fait foi. Sa sainteté fut pastorale, tout au long de sa longue vie dépensée au service de l’Église. D’abord vécue dans un ministère très actif, elle devint plus passive avec les années mais toujours plus féconde à travers l’épreuve, la maladie, les mortifications, le détachement, l’abandon et la mort. Sa mort vécue et célébrée au Temps pascal témoigne éloquemment de la Résurrection du Seigneur. Il voulait que son Séminaire perpétue cet esprit de sainteté et il était prêt à payer de sa propre personne les fautes et les manquements de ses collaborateurs. Quelle générosité à notre égard ! Nous en faisons mémoire avec une gratitude particulière en ce jour anniversaire, le 300ème, de sa mort. N’est-ce pas pour nous l’occasion privilégiée de renouveler notre engagement à la sainteté, à la suite du Christ, dans l’Esprit eucharistique de François de Laval, premier évêque de Québec ?
À la veille du Congrès eucharistique international, rendez-vous historique de l’Église universelle à Québec, confions la réalisation de cette grande mission à l’intercession de notre bienheureux Fondateur, avec l’offrande renouvelée de nos vies, de nos joies et de nos croix. Que l’Esprit de la Sainte Famille continue d’inspirer et de façonner l’Église fondée par François de Laval pour le salut des âmes et pour la plus grande gloire de Dieu. Amen !
+ Marc Cardinal Ouellet
Archevêque métropolitain de Québec et Primat du Canada.

mercredi 5 mai 2010

S. Pie V, priez pour nous

"O Dieu, qui, afin d’écraser les ennemis de votre Église, et de réformer le culte divin, avez daigné choisir pour Pontife suprême le bienheureux Pie, faites que nous ressentions le secours de sa protection, et que nous nous attachions à votre service de telle sorte qu’après avoir triomphé de toutes les embûches de nos ennemis, nous goûtions les joies de l’éternelle paix" (collecte de la Fête liturgique)

Voici sa vie par Dom Guéranger (L'Année liturgique) :

La vie entière de Pie V a été un combat. Dans les temps agités où il fut placé au gouvernail de la sainte Église, l’erreur venait d’envahir une vaste portion de la chrétienté, et menaçait le reste. Astucieuse et souple dans les lieux où elle ne pouvait développer son audace, elle convoitait l’Italie ; son ambition sacrilège était de renverser la chaire apostolique, et d’entraîner sans retour le monde chrétien tout entier dans les ténèbres de l’hérésie. Pie défendit avec un dévouement inviolable la Péninsule menacée. Avant d’être élevé aux honneurs du pontificat suprême, il exposa souvent sa vie pour arracher les villes à la séduction. Imitateur fidèle de Pierre Martyr, on ne le vit jamais reculer en présence du danger, et partout les émissaires de l’hérésie s’enfuirent à son approche. Placé sur la chaire de saint Pierre, il sut imprimer aux novateurs une terreur salutaire, il releva le courage des souverains de l’Italie, et, par des rigueurs modérées, il vint à bout de refouler au delà des Alpes le fléau qui allait entraîner la destruction du christianisme en Europe, si les États du Midi ne lui eussent opposé une barrière invincible. Le torrent de l’hérésie s’arrêta. Depuis lors, le protestantisme, réduit à s’user sur lui-même, donne le spectacle de cette anarchie de doctrines qui eût désolé le monde entier, sans la vigilance du Pasteur qui, soutenant avec un zèle indomptable les défenseurs de la vérité dans tous les États où elle régnait encore, s’opposa comme un mur d’airain à l’envahissement de l’erreur dans les contrées où il commandait en maître.
Un autre ennemi, profitant des divisions religieuses de l’Occident, s’élançait en ces mêmes jours sur l’Europe, et l’Italie n’allait être que sa première proie. Sortie du Bosphore, la flotte ottomane se dirigeait avec fureur sur la chrétienté ; et c’en était fait, si l’énergique Pontife n’eût veillé pour le salut de tous. Il sonne l’alarme, il appelle aux armes les princes chrétiens. L’Empire et la France, déchirés par les factions que l’hérésie a fait naître dans leur sein, entendent l’appel, mais ils restent immobiles ; l’Espagne seule, avec Venise et h petite flotte papale, répondent aux instances du Pontife, et bientôt la croix et le croissant se trouvent en présence dans le golfe de Lépante. Les prières de Pie V décidèrent la victoire en faveur des chrétiens, dont les forces étaient de beaucoup inférieures à celles des Turcs. Nous retrouverons ce grand souvenir sur le Cycle, en octobre, à la fête de Notre-Dame du Rosaire. Mais il faut rappeler aujourd’hui la prédiction que fit le saint Pape, sur le soir de la grande journée du 7 octobre 1 571. Depuis six heures du matin jusqu’aux approches de la nuit, la lutte durait entre la flotte chrétienne et la flotte musulmane. Tout à coup le Pontife, poussé par un mouvement divin, regarda fixement le ciel ; il se tint en silence durant quelques instants, puis se tournant vers les personnes qui étaient présentes : « Rendons grâces à Dieu, leur dit-il ; la victoire est aux chrétiens. » Bientôt la nouvelle arriva à Rome ; et dans toute la chrétienté on ne tarda pas à savoir qu’un Pape avait encore une fois sauvé l’Europe. La défaite de Lépante porta à la puissance ottomane un coup dont elle ne s’est jamais relevée ; l’ère de sa décadence date de cette journée fameuse.
Les travaux de saint Pie V pour la régénération des mœurs chrétiennes, l’établissement de la discipline du concile de Trente, et la publication du Bréviaire et du Missel réformés, ont fait de son pontificat de six années l’une des époques les plus fécondes dans l’histoire de l’Église. Plus d’une fois les protestants se sont inclinés d’admiration en présence de ce vigoureux adversaire de leur prétendue réforme. « Je m’étonne, disait Bacon, que L’Église Romaine n’ait pas encore canonisé ce grand homme. » Pie V ne fut, en effet, placé au nombre des Saints qu’environ cent trente ans après sa mort : tant est grande l’impartialité de l’Église Romaine, lors même qu’il s’agit de décerner les honneurs de l’apothéose à ses chefs les plus respectés.
La gloire des miracles couronna dès ce monde le vertueux Pontife : nous rappellerons ici deux de ses prodiges les plus populaires. Traversant un jour, avec l’ambassadeur de Pologne, la place du Vatican, qui s’étend sur le sol où fut autrefois le cirque de Néron, il se sent saisi d’enthousiasme pour la gloire et le courage des martyrs qui souffrirent en ce lieu dans la première persécution. Il se baisse, et prend dans sa main une poignée de poussière dans ce champ du martyre, foulé par tant de générations de fidèles depuis la paix de Constantin. Il verse cette poussière dans un linge que lui présente l’ambassadeur ; mais lorsque celui-ci, rentré chez lui, ouvre le linge, il le trouve tout imprégné d’un sang vermeil que l’on eût dit avoir été versé à l’heure même : la poussière avait disparu. La foi du Pontife avait évoqué le sang des martyrs, et ce sang généreux reparaissait à son appel pour attester, en face de l’hérésie, que l’Église Romaine, au XVIe siècle, était toujours celle pour laquelle ces héros avaient donné leur vie sous Néron.
La perfidie des hérétiques tenta plus d’une fois de mettre fin à une vie qui laissait sans espoir de succès leurs projets pour l’envahissement de l’Italie. Par un stratagème aussi lâche que sacrilège, secondés par une odieuse trahison, ils enduisirent d’un poison subtil les pieds du crucifix que le saint Pontife avait dans son oratoire, et sur lequel il collait souvent ses lèvres. Pie V, dans la ferveur de sa prière, se prépare à donner cette marque d’amour au Sauveur des hommes sur son image sacrée ; mais tout à coup, ô prodige ! Les pieds du crucifix se détachent de la croix, et semblent fuir les baisers respectueux du vieillard. Pie V comprit alors que la malice de ses ennemis avait voulu transformer pour lui en instrument de mort jusqu’au bois qui nous a rendu la vie.
Un dernier trait encouragera les fidèles, par l’exemple du grand Pontife, à cultiver la sainte Liturgie dans le temps de l’année où nous sommes. Au lit de la mort, jetant un dernier regard sur l’Église de la terre qu’il allait quitter pour celle du ciel, et voulant implorer une dernière fois la divine bonté en faveur du troupeau qu’il laissait exposé à tant de périls, il récita d’une voix presque éteinte cette strophe des Hymnes du Temps pascal : « Créateur des hommes, daignez, en ces jours remplis des allégresses de la Pâque, préserver votre peuple des assauts de la mort [2]. » Ayant achevé ces paroles sacrées, il s’endormit paisiblement dans le Seigneur.

C'est ce précieux Missel qui réjouit le vénérable Henri-Marie Boudon lorsqu'il célébrait les saints Mystères, notamment dans la chapelle des saints Anges de la cathédrale d'Evreux. Merci, grand Pontife, d'avoir étendu au monde entier le Missel de la Curie de Rome, trésor dont ont été abreuvés tant de nos Saints ! Qu'à leur école et à la vôtre, notre vie soit de plus en plus fondée sur la sainte Liturgie que nous propose notre Sainte Mère l'Eglise.

mardi 4 mai 2010

1er mardi du mois de Marie

Aujourd'hui à nouveau, les confrères gravissent le "Petit Mont Saint-Michel" d'Evreux, pour rendre à Dieu leur tribut de louanges et de prières, lors du petit pèlerinage institué par M. Boudon. Ce soir est célébrée la Messe de l'Archiconfrérie pour la France. Rappelons également que nos membres font régulièrement dire des Messes aux intentions de leurs confrères vivants et défunts.
Pèlerinage de la Cathédrale à Saint-Michel-des-Vignes cet après-midi, comme tous les premiers mardis du mois. En entrant dans la Cathédrale Notre-Dame d'Evreux, la chapelle des saints Anges se situe à droite (la deuxième chapelle).

Poursuivons nos instructions sur les saints Anges avec le vénérable Archidiacre d'Evreux et sa Dévotion aux saints Anges.

PREMIER MOTIF d'amour et de dévotion aux saints Anges : Les perfections admirables de ces sublimes intelligences


Les excellences des anges sont comme un océan sans fond, et d'une étendue presque immense. Nous l'avons déjà dit, c'est un abîme où il faut que l'esprit se perde. Les âmes éclairées connaissent bien que ce qu'elles en disent est bien éloigné de ce qu'elles en pensent, et ce qu'elles en pensent de ce qu'ils sont ; car il est vrai que leurs grandeurs surpassent toutes les pensées des hommes, aussi bien que leurs paroles. La nature angélique est un monde tout entier de perfections ; et lorsqu'on y ajoute l'état de la grâce et de la gloire, elle est tout à fait admirable. C'est une chose bien assurée, que la nature de l'homme, quelque parfaite qu'elle soit, est au-dessous des anges, puisque la divine parole nous l'apprend ; mais un grave théologien a enseigné, ce qui à la vérité n'est pas l'opinion commune, que le dernier des anges, dans l'état de la gloire, est au-dessus du plus grand des saints ; et c'est dans ce sens qu'il expliquait les paroles de l'Écriture, qui disent que celui qui est le dernier dans le royaume des cieux est plus grand que Jean-Baptiste. Mais outre l'incomparable Mère de Dieu, qui, sans aucun doute, est élevée au-dessus du chœur des anges, il exceptait le glorieux saint Joseph, à raison qu'il a été dans un autre ordre que le reste des saints, par la part extraordinaire qu'il a eue à l'union hypostatique, ayant possédé la qualité d'époux de la Mère de Dieu, celle de père putatif de ce Dieu-Homme, et en quelque manière la qualité de sauveur du Sauveur.
Au moins est-il très vrai que les anges sont des substances spirituelles, incorruptibles de leur nature, parfaitement dégagées de la matière et entièrement libres de toutes ces misères qui nous environnent de toutes parts. Ce sont des esprits tout de clarté : ils connaissent toute la nature ; et ce qu'il y a eu de plus caché aux plus grands esprits qui aient jamais été leur est parfaitement connu, et ils connaissent les choses sans aucune difficulté, et des choses innombrables en même temps, et en un moment, sans aucun doute ni obscurité. Ils ne se servent pas de discours comme les hommes, et ne comprennent pas ce qu'ils savent, comme nous, en raisonnant d'une chose à l'autre ; à la première vue qu'ils en ont, ils l'entendent : c'est pourquoi on les appelle par excellence des intelligences. L'Écriture leur donne un vêtement éclatant et de feu, pour nous marquer leurs lumières ; elle leur donne dans l'Apocalypse un habit semblable à celui des anciens pontifes, pour nous faire savoir que les plus saints mystères de la religion leur sont révélés ; enfin elle nous les représente couverts de nues, pour nous apprendre que leurs lumières sont trop brillantes pour pouvoir être supportées par nos esprits ; on ne les peut considérer que voilées ; les vues des hommes ne sont pas assez fortes pour les envisager. Les plus savants hommes du monde ne sont que des enfants, comparés à ces pures intelligences.
Leur puissance est aussi incroyable. Un seul ange pourrait défaire des millions d'hommes mis en bataille, et tous les hommes du monde ensemble ; il pourrait faire des changements merveilleux aux éléments, aux villes, aux provinces et aux royaumes. Les anges peuvent faire souffler les vents, tomber la pluie, gronder les tonnerres, exciter des tempêtes, des tremblements de terre, arrêter les fleuves, donner l'abondance ou la famine, guérir de toutes sortes de maladies ou en donner d'incurables, former des corps, et quantité d'autres merveilles dont les hommes ignorent les causes, et tout cela presque en un moment. On les peint avec des ailes pour marquer leur vitesse qui surpasse celle des cieux et des vents ; en un instant, ils passent d'un bout du monde à l'autre bout, étant ainsi partout, comme parle Tertullien.
Mais leurs beautés sont tout à fait ravissantes ; les plus charmantes de la terre ne sont que de vilaines laideurs, comparées à ces beautés célestes. Les anges ne sont que beauté, et le moindre de tous est plus beau que toutes les beautés du monde mises ensemble. Ici l'esprit se perd dans la pensée d'une infinité de beautés qui se rencontrent parmi ces chœurs angéliques ; car si tous les anges sont différents en espèce, et par conséquent de différente beauté, et que le plus petit en ait plus que toutes les autres créatures de la terre ; que, d'autre part, leur nombre soit comme infini, ne pouvant être compté des hommes, mais de Dieu seul ; ô mon Dieu, que de beautés en la sainte Sion ! Mais jusqu'où doit arriver celle des premiers esprits de cette glorieuse cité ? On rapporte ordinairement sur ce sujet le sentiment de saint Anselme [du Bec], qui, pour nous donner quelque idée de ces vérités par quelque chose qui tombe sous les sens, dit que, si Dieu mettait un ange à la place du soleil, et qu'il l'environnât d'autant de soleils qu'il y a d'étoiles, et qu'il permît à cet esprit bienheureux de faire écouler dans un corps emprunté quelque rayon de ses lumières, il éclipserait toutes les clartés de ces soleils et les rendrait invisibles à nos yeux. Un savant homme a estimé que le soleil-même, qui éclaire cet univers, n'a point d'autre lumière que celle qu'il reçoit de l'ange qui le meut et le tourne ; car, disait-il, quoique l'ange n'informe pas cet astre et ne lui soit qu'une forme assistante, il peut bien lui communiquer toutes ses clartés, comme le sang du corps humain, dans l'opinion de ceux qui pensent qu'il ne soit pas animé, ne laisse pas de recevoir de l'âme un certain éclat, qu'il perd lorsqu'elle est séparée du corps.
Enfin tout est charmant dans ces aimables esprits. Un ange paraît à saint François [d'Assise], et, pour le récréer, touche un instrument de musique ; il ne le toucha qu'une fois, mais il le fit si mélodieusement que ce saint assurait qu'il eût fallu mourir de douceur s'il eût redoublé. Cet oiseau miraculeux, dont le chant occupa autrefois si agréablement un religieux serviteur de Dieu, dans une solitude, qu'il y passa plusieurs siècles sans aucun ennui, avec un tel plaisir qu'il croyait n'y avoir été qu'un quart d'heure, Dieu l'y conservant miraculeusement, c'était sans doute un ange qui se servait de la figure d'un oiseau. Le P. Corneille de la Pierre témoigne qu'ayant voulu examiner la vérité de ce miracle, il s'était transporté tout exprès sur les lieux où l'on disait qu'il était arrivé, et au monastère dont était le susdit religieux, et qu'après avoir examiné le tout avec soin il en avait trouvé des témoignages très assurés.
C'est aussi une raison pour laquelle les anges ont été créés dans le ciel empyrée : il était bien raisonnable que de si nobles et si parfaites créatures prissent leur origine dans un ciel, le séjour de la félicité et de tout bonheur. Toutes ces pierres précieuses, qui furent autrefois montrées au prophète Ézéchiel, nous figuraient les différentes perfections des anges. Les saints Pères se surpassent eux-mêmes lorsqu'il est question de leur donner des titres et des éloges. L'on peut dire, en un mot, que ce sont de belles et pures glaces qui représentent la Divinité ; ils en sont les miroirs éclatants et les plus vives images : aussi leurs excellences sont sans imperfection. Hélas ! Ce n'est pas comme le peu de perfection que l'on voit ici-bas sur la terre, et qui ne s'y trouve que dans un mélange pitoyable de défauts et de misères. La noblesse des anges est sans bassesse ; leur science, sans ignorance ; leurs lumières, sans ténèbres ; leur puissance, sans faiblesse ; leur beauté, sans le moindre petit défaut ; leur amour, sans mélange ; leur volonté, sans inconstance ; leur paix, sans trouble ; leur action, sans relâche ; leur opération continuelle, sans aucun travail ; leurs desseins, sans peine ; leur bonheur, sans crainte ; leur félicité, achevée de tout point et sans le moindre mal.
Il est rapporté, dans le livre des Juges (XIII, 18), que Manué demandant le nom à un ange qui lui apparaissait, il répondit que son nom était Admirable. Au chapitre XVI de la Genèse (V, 13), Agar appela, dit l'Écriture, le nom du Seigneur qui lui parlait : Vous êtes le Dieu qui m'avez vue. Or c'était un ange qui lui parlait pour lors ; mais on leur donne cette qualité, parce qu'ils représentent Dieu d'une manière admirable. De là vient qu'en la même Genèse, au chapitre XXXII, v. 30, Jacob dit qu'il a vu le Seigneur face à face, à raison de l'ange qui lui avait apparu. Après toutes ces perfections, les hommes pourront-ils bien se dispenser de l'amour qui est dû aux anges, ces hommes qui sont si portés à aimer ce qui est beau, ce qui est noble, ce qui est parfait ? Cette vérité mérite bien d'être considérée à loisir, pour la gloire de Dieu, l'auteur de toutes ces excellences et de toutes ces perfections.