mardi 13 août 2019

Dévotions et pèlerinages


« Vie nouvelle de Henri Marie Boudon », par S.Exc.R. Mgr Matthieu, Archevêque de Besançon

Quelque excessives que fussent les persécutions suscitées à Boudon nous l’avons vu supporter sans murmure et sans trouble les peines de tout genre qu’elles lui attirèrent abandonner en quelque sorte sa réputation à ceux qui voulaient la flétrir et la perdre et soumettre son cœur au renoncement de ce qu’il y a de plus cher à la nature sans se permettre aucune démarche qui pût justifier son innocence.

Cette inaction apparente pourrait sembler d’abord le résultat d’un abattement extrême ou d’une sorte de désespoir de gagner sa cause. Cependant jamais l’espérance ne fut plus assurée et plus ferme dans le cœur de Boudon qu’alors qu’il se courbait ainsi sans rien faire pour les parer sous les coups multipliés qui l’accablaient comme cette espérance n’avait point d autre fondement que Dieu seul rien de ce qui lui arrivait de la part des hommes ne pouvait en altérer la douceur il les laissait se livrer au mensonge et à l’intrigue pour l’humilier et le perdre, bien persuadé que tous leurs efforts seraient vains aussitôt que le temps marqué par la volonté divine pour la durée de son épreuve serait écoulé et que ses peines cesseraient dès que celle qu’il avait choisie dans le ciel pour protectrice et pour mère aurait dit.

Reliquaire de saint Taurin, premier évêque d'Evreux
C’est assez. Il avait rapporté de ses fréquentes communications avec Dieu un secret pressentiment que cet instant n’était pas éloigné mais en attendant il adorait avec plus d’amour et de résignation que jamais l’accomplissement de ses desseins sur lui. A mesure que tout lui manquait dans le monde il se perdait avec un abandon plus absolu dans le sein de cet être adorable qui semble jeter des regards plus miséricordieux et plus tendres sur l’âme affligée et se plaire à lui faire sentir d’une manière aussi sensible qu’efficace la douceur de sa présence.

Il s’efforçait aussi de se dédommager par les suffrages des amis qu’il invoquait dans le ciel de l’inconstance et de l’ingratitude de ceux qui l’abandonnaient sur la terre. Ses pèlerinages étaient plus fréquents, ses pratiques de dévotion envers la sainte Vierge et les Saints plus longues et plus ferventes, il allait souvent prier la mère de Dieu à Notre Dame de Chartres et, lorsqu’il était à Evreux, il visitait presque tous les jours les autels de sa dévotion ; on le voyait fréquemment aussi sur le tombeau du premier apôtre de ce diocèse saint Taurin. Il y allait souvent, selon les expressions de M Bosguérard, épancher son cœur dans les détresses dont il était abîmé. Ce furent son exemple et la protection éclatante qu’il en obtint qui ranimèrent alors à Evreux la dévotion de ce saint évêque qui était tombée dans un oubli profond.
Voile de la Vierge Marie, Cathédrale de Chartres

La vue de Boudon prosterné avec tant de confiance et de foi devant ces précieuses reliques y attira quelques âmes affligées qui cherchaient aussi du secours dans leurs peines. Bientôt leur nombre s’accrut tellement qu’il eut la consolation de voir ce saint tombeau aussi fréquenté qu’il était auparavant désert. Il n’omit rien dans la suite pour entretenir cette confiance des âmes pieuses il écrivit une vie de saint Taurin : il conseilla plusieurs pratiques de dévotion en son honneur et si sa fête est maintenant célébrée à Evreux avec tant de solennité, si l’affluence y est si considérable et les grâces qu’on en retire si nombreuses et si efficaces, on doit avec justice l’attribuer à Boudon.

Enfin tandis qu’on le jugeait indigne de travailler pour Dieu, il s’y livrait au contraire avec plus de zèle et d’application que jamais, il s’abandonnait à son esprit pour composer des ouvrages où on retrouve presque à chaque page l’empreinte d’une foi si vive d’un amour si sublime qu’on ne peut se défendre en les lisant d’un attendrissement secret d’une douce et intime persuasion.




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