lundi 12 octobre 2020

Un saint confesseur

« Vie de Boudon », par Collet

Jamais aussi le vice ne trouva d’agresseur plus intrépide pour l’affronter ni d’ennemi plus vigoureux pour l’atteindre, le combattre de pied ferme, le forcer jusque dans ses derniers retranchements.

Le pécheur qui trouvait dans la vie de ce saint prêtre un censeur inexorable trouvait dans ses discours un feu et des éclairs qui lui annonçaient la foudre dont il allait être frappé. Il n’y eut ni crime ni criminel qui trouvât grâce devant lui et, quoique l’orgueil, l’avarice et l’impudicité soient les désordres qu’il a le plus combattus, on a dit de lui, comme du restaurateur de Jérusalem, qu’il avait rempli d’effroi tous les ouvriers d’iniquité.

Mais s’il était terrible à l’égard des endurcis, il était plein de bonté pour les âmes faibles, il les portait dans son sein, il éclaircissait leurs doutes, il relevait leur courage par la confiance et par la vue des bontés de Dieu. Il présentait la vertu sous une face si belle, si charmante, il en aplanissait le chemin avec tant d’habileté, il démêlait avec tant d’intelligence et il détruisait avec tant de succès les obstacles qui en fermaient les avenues, qu’il l’a fait embrasser à des milliers de personnes de tout âge, de tout sexe, de toute condition, souvent même à celles que le seul nom de vertu révoltait et qui avaient pour elle l’aversion la plus décidée.

~ Sa morale tenait un juste milieu entre les deux extrémités. S’il ne fut jamais d’une inflexible rigidité, il ne fut jamais assez faible pour plier l’Evangile au gré du pécheur. La facilité d’absoudre sans avoir vu d’assez près si le cœur est bien réformé était, à son avis, et la perte des confesseurs et la ruine des pénitents. Il s’étudiait d’abord à découvrir dans la conscience du pécheur les principes de son mal afin d’y remédier peu à peu et il examinait dans une juste balance si tel mouvement venait de la grâce ou de la nature qui se plaît quelquefois à la contrefaire.

~ Il était persuadé qu’un directeur, pour conduire les âmes à la perfection, ne doit pas compter sur sa science, mais se donner tout entier à l’oraison et que, sans elle, le plus habile docteur peut n’être propre qu’à retarder dans une âme l’opération céleste dont les ressorts ouverts quelquefois à la simplicité d’une villageoise sont inaccessibles à la spéculation des savants.

En général, il voulait que ses pénitents s’attachassent au solide à l’esprit de foi, à l’amour du mépris des souffrances, de la sainte pauvreté, à la haine d’eux-mêmes si recommandée dans l’Evangile mais si profondément ignorée. Sur ce principe, loin de courir après les brebis de son voisin, il laissait à celle-là même qui s’était donnée à lui une pleine liberté de s’adresser à d’autres, bien persuadé qu’en ce point une sorte de gêne est la source des plus grands maux. Sur ce principe encore il ne s’attachait jamais aux personnes qui étaient sous sa conduite et il ne pouvait souffrir qu’elles s’attachassent à lui. Il disait à ce propos qu’il faut veiller et veiller beaucoup sur l’inclination qui nous porte quelquefois à secourir les personnes qui nous reviennent plus que d’autres.

Surtout il voulait qu’on retranchât sans miséricorde toute liaison avec les personnes d’un sexe différent. Le danger, poursuivait-il, est d’autant plus grand que l’amitié se pare des prétextes de la reconnaissance et même du plus grand bien de la pénitente. Rien de plus aisé à l’amour propre que de se mettre de la partie. Si le confesseur n’y prend garde, il satisfera beaucoup plus la nature qu’il ne remplira son ministère, et il ne trouvera au jugement de Dieu qu’un vide épouvantable.



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