samedi 13 février 2016

Samedi après les Cendres. Jeûner ? Sens et obligation pour celui qui aime Dieu

Le jeûne n'a de sens que si nous prions plus pour aimer plus.
N'est-ce pas cela être disciple de Jésus-Christ ?
Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Dieu inconnu »

La corruption du siècle est si extrême que, dans le temps même qui est destiné entièrement à la pénitence comme celui du carême et des autres jours de jeûnes, on en viole impatiemment les plus saintes règles. Et l’aveuglement à ce sujet est si surprenant que l’on tombe dans ce dérèglement sans y faire réflexion, ce qui arrive fréquemment dans les maisons des riches où, très souvent, l’on excède les bornes dans les collations des jours de jeûnes sous prétexte que l’on ne mange que des mets dont on use au dessert.

Quel abus dans ces jours de mortification de voir les tables pleines de toutes sortes de fruits et de confitures, et de tout ce qui peut contenter plus délicieusement le goût. Mais si la pénitence est bien rare, l’humilité que le Fils de Dieu demande pour entrer dans le ciel l’est encore davantage, quoique notre Maître nous dise : « En vérité je vous dis que si vous ne vous convertissez, et ne devenez comme des enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. »



De Sa Sainteté le Pape Paul VI, audience générale
du Mercredi 8 février 1978

Les temps qui se succèdent durant le cycle chronologique annuel ont toujours constitué pour l'Eglise une importante base normative: elle y distribue avec grande rigueur sa pédagogie tant spirituelle qu'ascétique. Le Carême qui, cette année, commence liturgiquement aujourd'hui est une période spéciale, un temps fort. II est nécessaire que nous prenions conscience de cette discipline traditionnelle de l'Eglise qui confère au calendrier une autorité particulière et attribue une signification spirituelle au temps qui passe. Un fidèle ne saurait être indifférent. ~

Le Carême est un temps de préparation sacramentelle. Au Sacrement du Baptême, d'abord, pour les néophytes. Pour les chrétiens déjà baptisés, il ne sera pas seulement un simple souvenir du premier et grand sacrement purificateur et régénérateur déjà reçu, mais il sera une rénovation psychologique et morale opérée par le baptême même, lequel comporte, avec l'acceptation de la foi, un style de vie conforme à celle-ci, en vertu du principe logique et mystique que "le juste vivra de la foi", selon la célèbre parole de Saint Paul (Rm 1, 17). C'est là une opération toujours en voie d'accomplissement et d'exercice. Puis, le Carême est orienté vers la réconciliation des pénitents. Toute la doctrine concernant le péché commis après le baptême a ici son école et tout autant son ineffable conclusion qui se concentre dans la paix de l'âme, rendue à l'amitié de Dieu grâce au sacrement de la pénitence. La préparation quadragésimale se couronne ainsi, prédisposant aux pâques, lorsque le sacrifice eucharistique admettra le fidèle à la communion avec le Christ lui-même "notre pâque immolée pour nous" (1 Co5, 7).

Basilique Saint-Apollinaire, Rome.
Mosaïques de la Croix glorieuse et de la Sainte Face
Et autour de ces Sacrements, la vie des fidèles s'exerce et se transforme. Elle se caractérise par une accentuation de sentiment religieux, d'ascèse, de charité. L'écoute de la Parole divine se fait plus attentive, plus assidue; et si, aujourd'hui, les foules chrétiennes sont moins portées à suivre les prédications régulières de Carême, tout chrétien réfléchi devrait trouver le moyen et le temps pour participer au moins à une préparation pascale prêchée par quelque groupe particulier, étant donné que cette forme de prédication s'est, par bonheur, tellement diffusée et qu'elle est devenue d'accès très facile. Et ainsi la lampe de la prière — devenue instinctivement, ou plutôt par une mystérieuse rencontre avec l'Esprit, présente dans l'âme — se rallumera et conférera, sa propre lumière à un climat quadragésimal où règnent en même temps la tristesse et la joie.

Quant à l'obligation du jeûne et de l'abstinence pendant le Carême, qu'en reste-t-il aujourd'hui ? jadis si importante, si sévère et, pour ainsi dire, devenue si rituelle, n'en subsisterait-il plus rien aujourd'hui ? A part les deux journées de jeûne qui s'imposent encore aux vertueux (le mercredi des cendres, aujourd'hui donc, et le Vendredi-Saint "la grande et amère journée"), l'obligation formelle des temps passés a été abrogée par l'Eglise, toujours sensible aux nouvelles conditions et exigences des mœurs modernes, mais pour les esprits vigoureux et fidèles, ce qui en reste est d'autant plus digne de notre vigilante mémoire. Cela se ramène au double devoir qui accompagnait déjà le jeûne d'autrefois: austérité personnelle, dans la nourriture, dans les distractions, dans le travail... et charité à l'égard du prochain, de celui qui souffre, qui a besoin d'aide, de celui qui attend notre secours ou notre pardon...

Tout ceci subsiste, comme subsiste aussi l'obligation de l'abstinence chaque vendredi du Carême. Et même il s'impose que ce programme changé, mais pas toujours facile, obtienne spontanément notre adhésion et nos efforts d'austérité. C'est l'austérité seule qui rend authentique et forte notre vie chrétienne.

Que l'austérité soit, contre la mollesse aujourd'hui à la mode, l'exercice sans ostentation (cf. Mt 6, 1 et ss), mais sincère et fortifiant, de notre pénitence chrétienne !

Avec notre bénédiction apostolique.

Paul VI, pp.


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