samedi 24 septembre 2011

Discours du bienheureux Jean Paul II à la population du Mont Saint-Ange

Monte Sant'Angelo (Foggia)
Dimanche 24 mai 1987


Chers frères et sœurs,

1. Je suis heureux de me retrouver au milieu de vous à l’ombre de ce Sanctuaire de Saint Michel Archange, qui depuis 15 siècles est un lieu de pèlerinage et un point de référence pour tous ceux qui cherchent Dieu et désirent se mettre à la suite du Christ, par le moyen duquel « ont été créées toutes choses, celles du ciel et celles de la terre, les visibles et invisibles : Trônes, Dominations, Principautés et Puissances » (1).

   Je vous salue tous cordialement, pèlerins, qui êtes venus des régions qui entourent ce magnifique promontoire du Gargano qui offre au regard du visiteur les délices de son doux paysage, fleuri et avec ces groupes caractéristiques d’oliviers tordus poussant sur la roche. Je salue en particulier les autorités civiles et religieuses qui ont contribuées à rendre possible cette rencontre pastorale ; je salue l’Archevêque de Manfredonia, Monseigneur Valentino Vailati, à qui vont mes remerciements pour les paroles qui ont introduites cette manifestation de foi. Je salue aussi tout particulièrement les Pères bénédictins de l’Abbaye de Montevergine qui ont la charge spirituelle de ce Sanctuaire. Et aussi, d’une manière spéciale leur Abbé Dom Tommaso Agostino Gubitosa, j’exprime ma gratitude pour l’animation chrétienne et pour le climat spirituel qui assurent à tous ceux qui viennent de pouvoir plonger leur esprit aux sources de la foi.

2. En ce lieu, déjà visité par tant de mes Prédécesseurs sur le siège de Pierre, je suis venu, moi aussi, pour jouir un instant de l’atmosphère propre de ce Sanctuaire, atmosphère faite de silence, de prière et de pénitence ; je suis venu pour vénérer et invoquer l’Archange Saint Michel, pour qu’il protège et défende la Sainte Eglise, en un moment difficile pour rendre un authentique témoignage chrétien sans compromis et sans accommodements.

   Depuis que le Pape Gélase Ier eut concédé, en 493, son approbation pour la dédicace de la grotte de l’apparition de l’Archange Saint Michel comme lieu de culte et y fit sa première visite, concédant l’indulgence du « Pardon angélique », une série de Pontifes romains s’est mis sur ses traces pour vénérer ce lieu sacré. S’en sont souvenus Agapet Ier, Léon IX, Urbain II, Innocent II, Célestin III, Urbain VI, Grégoire IX, saint Pierre Célestin et Benoît IX. Et de nombreux saints sont venus ici pour recevoir force et réconfort. Je me souviens de saint Bernard, de saint Guillaume de Vercelli, fondateur de l’Abbaye de Montevergine, de saint Thomas d’Aquin, de sainte Catherine de Sienne ; et parmi ces visites sont restées justement célèbres celles faites par saint François d’Assise, venu durant la préparation au Carême de 1221. La tradition dit que ce dernier, ressentant son indignité d’entrer dans la grotte sacrée, se sentant immobilisé à l’entrée, traça un signe de croix sur une pierre.

   Cette fréquentation vive et interrompue de pèlerins illustres et humbles qui du haut Moyen-âge jusqu’à nos jours a fait de ce Sanctuaire un lieu de rencontre, de prière et de raffermissement de la foi chrétienne montre que la figure de l’Archange Michel, qui est le protagoniste de tant de pages de l’Ancien comme du Nouveau Testament, fut écoutée et invoquée par le peuple et l’Eglise quant ils avaient besoin de sa céleste protection : c’est lui qui est présenté dans la Bible comme le grand lutteur contre le Dragon, le chef des Démons. Nous lisons dans l’Apocalypse : « Alors survint une guerre dans le Ciel : Michel et ses anges combattaient contre le Dragon. Le Dragon combattait avec ses anges, mais ils ne purent prendre le dessus et ils furent rejetés du ciel. Le grand Dragon, l’antique Serpent, celui que l’on appelle le Diable et Satan et qui a séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre et ses anges furent précipités avec lui. » (2) L’auteur sacré nous présente dans cette description dramatique l’évènement de la chute du premier Ange, qui fut séduit par l’ambition de devenir « comme Dieu ». Il nous raconte aussi la réaction de l’Archange Michel, dont le nom hébreu « Qui est comme Dieu ? », revendiqua l’unicité de Dieu et son inviolabilité.

3. Nombreux sont les fragments et les notices de la Révélation éloquents sur la personnalité et le rôle de Saint Michel. Il est l’Archange (3) qui revendique les droits inaliénables de Dieu. C’est l’un des princes du Ciel élu à la charge du Peuple de Dieu (4), duquel sortira un Sauveur. Il est aussi celui du nouveau peuple de Dieu, c’est-à-dire de l’Eglise. Voici la raison pour laquelle elle le considère comme son propre protecteur et celui qui la soutient dans toutes les luttes pour la défense et la diffusion du règne de Dieu sur la terre. Il est vrai que « les portes de l’enfer ne prévaudront pas » selon l’assurance du Seigneur (5), mais cela ne signifie pas que nous soyons exemptés d’épreuves et de batailles contres les embûches du malin. Dans cette lutte, l’Archange Michel est à côté de l’Eglise pour la défendre contre toutes les iniquités du monde, pour aider les croyants à résister au Démon qui « comme un lion qui rugit va et vient cherchant qui dévorer » (6).

   Cette lutte contre le Démon, qui caractérise la figure de l’Archange Michel, est actuelle aussi pour notre temps, parce que le Démon est toujours actif et agissant dans le monde. En fait le mal qu’il est en lui-même, le désordre qui se rencontre dans la société, l’incohérence de l’homme, la fracture intérieure dont nous sommes les victimes n’est pas seulement la conséquence du péché originel, mais aussi de l’effet de l’action néfaste et obscure de Satan qui affecte l’équilibre de l’homme, lui que Saint Paul n’hésite pas à appeler « le dieu de ce monde » (7), et qui se manifeste comme un charmeur astucieux qui s’insinue dans le jeu de notre action pour nous introduire dans tant de déviations nocives qui ont l’apparence conforme de nos aspirations instinctives. C’est pour cela que l’Apôtre des Gentils mettait les chrétiens en garde contre les embûches du Démon et de ses innombrables satellites, quand il exhortait les habitants d’Ephèse à se revêtir « de l’armure de Dieu pour pouvoir affronter les embûches du Diable, puisque notre lutte n’est pas seulement contre le sang et la chair, mais contre les Principautés et les Puissances, contre les Dominations des ténèbres, contre les esprits malins qui peuplent les airs » (8).

   A cette lutte se rattache la figure de l’Archange Saint Michel que l’Eglise, tant en Orient qu’en Occident, n’a jamais cessé d’attribuer un culte spécial. Le premier Sanctuaire qui lui fut attribué fut celui de Constantin à Constantinople : c’est le célèbre Michaëlion, et la nouvelle capitale de l’Empire s’ornât de nombreuses églises dédiées à l’Archange. En Occident, le culte de Saint Michel, depuis le Ve siècle, s’était diffusé dans de nombreuses cités comme Rome, Milan, Plaisance, Gênes, Venise ; et dans tant de lieux de cultes dont le plus connus est celui du mont Gargano. L’Archange est représenté en train d’abattre le Dragon infernal sur la porte de bronze fondu en 1076 venant de Constantinople. C’est ce symbole que l’art représente et que la liturgie nous fait invoquer. Nous nous souvenons tous de la prière que nous récitions il y a quelques années encore à la fin de la Sainte Messe : « Sancte Michaël Archangele, defende nos in prœlio » ; nous la redirons dans quelques instants au nom de toute l’Eglise.

   Mais avant de faire une telle prière, je vous donne à tous qui êtes ici présent, à vos familles et à toutes les personnes qui vous sont chères ma bénédiction, que j’étends aussi à ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme.

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(1) Col. 1, 16.
(2) Apoc. 12, 7-9.
(3) Cfr. Iud. 1, 9.
(4) Cfr. Dan. 12, 1.
(5)Matth. 16, 18.
(6) 1 Petr. 5, 8.
(7) 2 Cor. 4, 4.
(8) Eph. 6, 11-12.




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