vendredi 11 novembre 2011

Saint Martin de Tours, apôtre des Gaules. De "La légende dorée" de Mgr de Voragine


     « Saint Martin, un jour de fête, allant à l’église, fut suivi par un pauvre qui était nu. Le saint ordonna à son archidiacre de revêtir cet indigent ; mais celui-là ayant tardé à le faire, Martin entra dans la sacristie, donna sa tunique au pauvre en lui commandant de sortir aussitôt. Or, comme l’archidiacre l’avertissait qu'il était temps de commencer les saints mystères, saint Martin répondit qu'il n'y pouvait aller avant que le pauvre n'eût reçu un habit. C'était de lui-même qu'il parlait. L'archidiacre qui ne comprenait pas, parce qu'il voyait saint Martin revêtu de sa chape de dessus, sans se douter qu'il eût été nu sur lui, répond qu'il n'y a pas de pauvre. Alors le saint dit : « Qu'on m’apporte un habit, et il n'y aura pas de pauvre à vêtir. » L'archidiacre fut forcé d'aller au marché et prenant pour cinq pièces d'argent une tunique sale et courte, qu'on appelle pénule, comme on dirait presque nulle, il la jeta en colère aux pieds de Martin, qui se retira à l’écart pour la mettre : or, les manches de la pénule n'allaient que jusqu'au coude et elle descendait seulement à ses genoux. Néanmoins, Martin s'avança ainsi revêtu pour célébrer la messe.

     Mais pendant le saint Sacrifice, un globe de feu apparut sur sa tête, et beaucoup de personnes l’y remarquèrent. C'est pour cela qu'on dit qu'il était l’égal des apôtres. A ce miracle, Maître Jean Beleth ajoute que le saint levant les mains vers Dieu à la préface de la messe, comme c'est la coutume, les manches de toile venant à retomber sur elles-mêmes, parce que ses bras n'étaient ni gros, ni gras et que la tunique dont il vient d'être parlé, n'allait que jusqu'aux coudes, ses bras restèrent nus. Alors des bracelets miraculeux, couverts d'or et de pierreries, sont apportés par des anges pour couvrir ses bras avec décence.

     (…) Martin connut longtemps d'avance l’époque de sa mort, qu'il révéla aussi à ses frères. Sur ces entrefaites, il visita la paroisse de Candé pour apaiser des querelles. Dans sa route, il vit, sur la rivière, des plongeons qui épiaient les poissons et qui en prenaient quelques-uns :  « C'est, dit-il, la figure des démons : ils cherchent à surprendre ceux qui ne sont point sur leur garde ; ils les prennent sans qu'ils s'en aperçoivent ; ils dévorent ceux qu'ils ont saisis ; et plus ils en dévorent moins ils sont rassasiés.» Alors il commanda à ces oiseaux de quitter ces eaux profondes et d'aller dans des pays déserts.

     Etant resté quelque temps dans cette paroisse, ses forces commencèrent à baisser, et il annonça à ses disciples que sa fin était prochaine. Alors tous se mirent à pleurer : « Père, lui dirent-ils, pourquoi nous quitter, et à qui confiez-vous des gens désolés ? Les loups ravisseurs se jetteront sur votre troupeau. » Martin, ému par leurs prières et par leurs larmes, se mit à prier ainsi en pleurant lui-même : « Seigneur, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse point le travail ; que votre volonté soit faite. » Il balançait sur ce qu'il avait à préférer ; car il ne voulait pas les quitter comme aussi il ne voulait pas être séparé plus longtemps de Jésus-Christ. La fièvre l’ayant tourmenté pendant quelque temps, ses disciples le priaient de leur laisser mettre un peu de paille sur le lit où il était couché sur la cendre et sous le silice : « Il n'est pas convenable, mes enfants, leur dit-il, qu'un chrétien meure autrement que sous un silice et sur la cendre si je vous laisse un autre exemple, je suis un pécheur. » 

     Toujours les yeux et les mains élevés au ciel, il ne sait pas donner de relâche à son esprit infatigable dans la prière ; or, comme il était toujours étendu sur le dos et que ses prêtres le suppliaient de se soulager en changeant de position : « Laissez, dit-il, mes frères, laissez-moi regarder le ciel plutôt que la terre, afin que l’esprit se dirige vers le Seigneur. » Et en disant ces mots, il vit le diable auprès de lui : « Que fais-tu, ici, dit-il, bête cruelle ? tu ne trouveras en moi rien de mauvais : c'est le sein d'Abraham qui me recevra. » En disant ces mots, sous Ariade et Honorius, qui commencèrent à régner vers l’an du Seigneur 395, et de sa vie la quatre-vingt-unième, il rendit son esprit à Dieu. Le visage du saint devint resplendissant ; car il était déjà dans la gloire. Un chœur d'anges se fit entendre, dans l’endroit même, de beaucoup de personnes. 

     A son trépas les Poitevins comme les Tourangeaux se rassemblèrent, et il s'éleva entre eux une grande contestation. Les Poitevins disaient : « C'est un moine de notre pays ; nous réclamons ce qui nous a été confié. » Les Tourangeaux répliquaient : « Il vous a été enlevé, c'est Dieu qui nous l’a donné. » Mais au milieu de la nuit, les Poitevins s'endormirent tous sans exception ; alors les Tourangeaux faisant passer le corps du saint par une fenêtre, le transportèrent dans une barque, sur la Loire, jusqu'à la ville de Tours, avec une grande joie. Saint Séverin, évêque de Cologne, faisait par un dimanche, selon sa coutume, le tour des lieux saints, quand, à l’heure de la mort du saint homme, il entendit les Anges qui chantaient dans le ciel, et il appela l’archidiacre pour lui demander s'il entendait quelque chose. Sur sa réponse qu'il n'entendait rien, l’archevêque l’engagea à prêter une sérieuse attention ; il se mit donc à allonger le cou, à tendre les oreilles et à se tenir sur l’extrémité de ses pieds en se soutenant sur son bâton : Et tandis que l’archevêque priait pour lui, il dit qu'il entendait quelques voix dans le ciel, et l’archevêque lui dit : « C'est mon seigneur Martin qui est sorti de ce monde et en ce moment les anges le portent dans le ciel. Les diables se sont présentés aussi, et voulaient le retenir, mais ne trouvant rien en lui qui leur appartînt, ils se sont retirés confus. » Alors l’archidiacre prit note dit jour et de l’heure et il apprit qu'à cet instant saint Martin mourait. 

     Le moine Sévère, qui a écrit sa vie, s'étant endormi légèrement après matines, comme il le raconte lui-même dans une épître, vit lui apparaître saint Martin revêtu d'habits blancs, le visage en feu, les yeux étincelants, les cheveux comme de la pourpre et tenant, à la main droite le livre que Sévère avait écrit sur sa vie : et comme il le voyait monter au ciel, après l’avoir béni, et qu'il souhaitait y monter avec lui, il s'éveilla. Alors, des messagers vinrent lui apprendre que, saint Martin était mort cette nuit-là. »

***

Prions le saint Evêque de bénir notre terre de France, particulièrement nos Evêques, nos diocèses et nos paroisses. Prions-le pour les successeurs des archidiacres, les Vicaires généraux. Puissent-ils être comme le vénérable Henri Marie Boudon. Et prions saint Martin pour nous-mêmes, que la divine Eucharistie que nous recevons avec foi et pureté de cœur nous donne de porter de saints fruits de charité chrétienne. 
Et en ce 11 novembre, n'oublions pas ceux qui, comme saint Martin de Tours, ont donné et donnent leur vie pour la paix. 


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