mercredi 8 février 2017

Homélie sur les miracles de Notre-Dame du Laus

En notre sanctuaire, la Belle Dame avait annoncé à Benoîte que l’huile de la lampe du tabernacle, si l’on s’en appliquait avec foi et en ayant recours à son intercession, on serait guéri. Depuis lors, cette promesse n’a cessé de se vérifier ici. Chaque année, ce ne sont pas moins d’une trentaine de guérison physiques inexpliquées qui sont rapportées, et d’innombrables autres formes de guérisons spirituelles, relationnelles ou intérieures.
Alors, quand on proclame en cette basilique l’Evangile des vierges avec leurs lampes à huile, comment ne pas lire cette parabole à la lumière de l’expérience du Laus ?
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Tout d’abord, les lampes à huiles permettent de veiller : les dix jeunes filles doivent attendre l’époux, qui tarde à venir. Leurs lampes allumées sont comme des témoignages de leur vif désir de la rencontre.
Au sanctuaire, l’huile de la lampe a donc d’abord à voir avec notre désir de rencontrer Dieu. Il n’est pas possible de s’appliquer cette huile en souhaitant seulement une guérison, aussi légitime soit-elle. Déconnectée de la démarche d’attente du Seigneur, l’huile de la lampe du tabernacle perd cette heureuse tension vers un terme, un aboutissement, une plénitude que nous ne pouvons pas vivre pour l’instant.
Il est vraiment nécessaire, pour habiter le temps présent, d’accepter cette réalité : nous allons vers une plénitude, mais elle n’est pas pour ici-bas. Nous avons de forts désirs, de grandes aspirations, mais elles ne trouveront pas leur accomplissement total en ce monde. L’huile est donc là comme un signe de ce que nous ne possédons pas encore ; et elle nous aide à accepter que personne sur terre, et évidemment aucun bien matériel ni aucune activité, ne pourra jamais nous combler entièrement.
Alors, à l’instar des dix jeunes filles qui restent éveillées pour ne pas manquer la rencontre avec l’époux, l’huile de la lampe du tabernacle se révèle comme une huile pour patienter sans dormir, car c’est certain : le Seigneur va venir !
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Cependant, ce qui nous est donné pour l’instant n’est pas seulement une annonce de la présence du Seigneur, car Il est déjà là, avec nous.
D’ailleurs, l’huile de la lampe du Laus, comme toute lampe de tabernacle, a pour fonction de nous montrer le Christ présent dans l’Eucharistie. Il est bien là, notre Sauveur, réellement là ! La lampe du tabernacle éclaire cette présence.
Il est beau de venir dans cette basilique le soir, quand tout s’endort. Et que la seule lumière qui continue à briller dans la chapelle de Bon Rencontre, c’est la lampe du tabernacle. Car alors, cette délicate lumière, que nous voyons à peine ici tant la vasque qui l’abrite est imposante, éclaire vraiment la présence du Ressuscité, qui ne dort ni ne sommeille.
Lampe du sanctuaire où se trouve l'huile bénie par la présence
du Seigneur au tabernacle.
Par pitié, ne vous appliquez pas l’huile de la lampe sans regarder le tabernacle ou sans penser au mystère eucharistique. Ne séparez jamais la promesse de guérison par cette huile, de la Présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Car ce n’est pas la matière de l’huile qui nous guérit ici : c’est la rencontre corps à corps qu’elle annonce, celle de nos corps souffrants et faibles, avec le corps glorieux du Ressuscité ; une annonce qui se réalise déjà ici-bas, lorsque nous venons communier ou que nous vivons la communion de désir.
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Mais les dix jeunes filles vont finir par manquer d’huile ; il faut dire qu’elle n’est pas inactive, cette huile : elle se consume pour éclairer. Nous saisissons que Jésus nous appelle à une identification : ce n’est pas seulement l’huile qui doit brûler pour éclairer la venue de l’époux, ce sont les dix vierges elles-mêmes qui doivent brûler, se consumer d’amour pour l’époux.
Toute notre vie chrétienne et notre mission de baptisés est ici symbolisée : il est nécessaire que nous nous laissions consumer pour le Christ, afin d’éclairer sa venue.
Ce que reprochent nos contemporains – parfois avec raison – c’est de voir des chrétiens qui ne sont pas cohérents avec leur foi : seuls des croyants consumés touchent le cœur des autres. Ils sont marqués par un Abbé Pierre, une Sœur Emmanuelle, un Père Pedro, ou des parents dévoués. Ils sont touchés par des moines de Thibbérine restés fidèles ou par des prêtres qui chantent sans renier leur consécration. Ils sont interrogés par des religieuses et des religieux qui font de la prière le cœur de leur vie. Ils sont touchés par des chrétiens qui visitent les malades, nourrissent ceux qui ont faim et prennent du temps pour des personnes âgées qui n’intéressent plus personne.
Comme l’huile des dix vierges et l’huile de la lampe du tabernacle, brûlons de charité pour éclairer le Christ. Est-ce que nous allons y perdre quelque chose ? Oui, certainement, car l’huile se consume d’instant en instant ; elle disparaît au fur et à mesure. Mais ce n’est pas elle qui compte, c’est la lumière qu’elle produit en se donnant.
Elle peut être fière, cette huile qui part en fumée : car elle a éclairé la vie des autres, elle a montré le Christ. Préférez-vous être une huile rance, que l’on jette parce qu’elle est restée inutile et qu’elle sent mauvais, ou une huile consumée, brûlée par amour ?
Chers pèlerins, en vous appliquant l’huile du Laus, ne manquez pas de désirer vous consumer pour éclairer la vie des autres en montrant la présence du Christ !
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Et puis, dans la parabole que nous offre le Seigneur, les jeunes filles n’attendent pas n’importe qui. Chacune espère pouvoir conquérir l’époux, celui qui va les aimer, les étreindre, les caresser. Et voilà que leur huile devient le signe de ce qu’elles attendent : huile de douceur pour le corps, elle annonce la relation tendre et délicate que chacune espère avec son époux.
Au sanctuaire du Laus, c’est ce que nous voyons quotidiennement : en s’appliquant l’huile ou en l’appliquant à quelqu’un, les pèlerins sont « obligés », si l’on peut dire, de faire un geste délicat. L’huile ne s’applique pas avec violence, elle s’appose telle une caresse.
L’huile de la lampe nous oblige à une bienveillance et une tendresse à l’égard de notre propre corps, alors que nous pouvons peut-être le percevoir comme un ennemi qui nous perturbe. Malade ou vieillissant, ne correspondant sans doute pas aux canons de beauté dont nous rêvons, notre corps est parfois maltraité par nous-mêmes.
Mais voilà ce geste de l’huile, comme une caresse du Seigneur, comme une tendresse de Marie sur nos corps meurtris. Et c’est toute la dignité du corps humain qui est ici mise en valeur : le corps n’est ni notre ennemi, ni une marchandise : il est l’espace de la caresse divine. Chers pèlerins, en vous appliquant l’huile du Laus, soyez bons avec votre corps !
Maître-autel de la chapelle Notre-Dame du Laus
Mais cette onction peut aussi devenir un geste de réparation pour tous les outrages faits au corps humain, dans la pornographie, les relations sexuelles déviantes, l’avortement, l’euthanasie, ou certaines recherches médicales. Que l’huile descende en abondance, comme sur la barbe d’Aaron, pour restaurer ce qui est abîmé par le péché.
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Et devant tant de délicatesse du Seigneur, comment ne pas vouloir entrer davantage dans la relation d’amour ? L’huile de la lampe du tabernacle, comme l’huile des lampes des dix vierges, vise à permettre la rencontre avec l’époux. S’il y en a trop peu, le rendez-vous sera manqué ; c’est ce qui arrive à cinq de ces jeunes filles. Alors nous, ne manquons pas d’huile ; versons-en avec surabondance sur toute notre vie.
Ainsi, l’huile si précieuse pour dégripper des rouages, versons-là abondamment sur tout ce qui a besoin en nous d’être dégrippé : des relations difficiles avec certains, des blocages de tous ordres, des hésitations à nous convertir, des manques de confiance en Dieu. Versons l’huile de la grâce, pour que tout, en nous, fonctionne plus limpidement.
Le bon samaritain versant l'huile et le vin dans les plaies
du malheureux
En assaisonnement, aussi, l’huile retire l’amertume ; dans nos rapports aux autres et sans doute également notre regard sur l’Eglise, n’avons-nous pas besoin de chasser ce poison de l’amertume, qui nous fait tout voir négativement et qui nous paralyse ? Versons-nous l’huile du Laus, pour évacuer toutes nos amertumes et les remplacer par de la douceur et de la bienveillance.
Versons-là aussi, cette huile, comme une huile sur les coups de soleil. Laissons le Christ apaiser ce qui est trop brûlant en nous : nos orgueils, nos rancunes envers certains, nos mauvais désirs sensuels. Combien de pèlerins, en s’appliquant l’huile du Laus, ont-ils été libérés d’impuretés sexuelles qui les rendaient malheureux et qui contristaient le Ciel ? Osez vous appliquer cette huile en priant le Seigneur d’apaiser les brûlures de l’âme, du corps, de la mémoire.
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Frères et sœurs pèlerins, même si certains n’ont pas besoin de ce conseil, permettez-moi de le proposer à tous : en ce jour où le Seigneur nous montre ces dix jeunes filles qui veillent la venue l’époux, prenez le temps, à la fin de cette messe, pour faire la démarche auprès de l’huile, ici, dans la chapelle de Bon Rencontre. Il faut un peu d’humilité pour le faire ; mais surtout une grande foi en la présence du Seigneur qui nous apaise, nous caresse et nous guérit.
Les vierges sages et les vierges folles.

Et comme près de 30 000 flacons de cette huile sont envoyés chaque année à travers le monde, soyez, vous aussi, des missionnaires de l’huile du Laus. En prenant soin de bien l’expliquer pour qu’elle ne soit jamais détournée de sa finalité (qui lui ferait perdre d’ailleurs toute efficacité), soyez des missionnaires de la douceur de Dieu et de la prévenance de Marie, jusqu’au jour où, dans l’Eternité, l’huile d’allégresse coulera à flot sur tous les sauvés. Amen.


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