En notre
sanctuaire, la Belle Dame avait annoncé à Benoîte que l’huile de la lampe du
tabernacle, si l’on s’en appliquait avec foi et en ayant recours à son
intercession, on serait guéri. Depuis lors, cette promesse n’a cessé de se
vérifier ici. Chaque année, ce ne sont pas moins d’une trentaine de guérison
physiques inexpliquées qui sont rapportées, et d’innombrables autres formes de
guérisons spirituelles, relationnelles ou intérieures.
Alors, quand on
proclame en cette basilique l’Evangile des vierges avec leurs lampes à huile,
comment ne pas lire cette parabole à la lumière de l’expérience du Laus ?
* * *
Tout d’abord,
les lampes à huiles permettent de veiller : les dix jeunes filles doivent
attendre l’époux, qui tarde à venir. Leurs lampes allumées sont comme des
témoignages de leur vif désir de la rencontre.
Au sanctuaire,
l’huile de la lampe a donc d’abord à voir avec notre désir de rencontrer Dieu.
Il n’est pas possible de s’appliquer cette huile en souhaitant seulement une
guérison, aussi légitime soit-elle. Déconnectée de la démarche d’attente du
Seigneur, l’huile de la lampe du tabernacle perd cette heureuse tension vers un
terme, un aboutissement, une plénitude que nous ne pouvons pas vivre pour
l’instant.
Il est vraiment
nécessaire, pour habiter le temps présent, d’accepter cette réalité : nous
allons vers une plénitude, mais elle n’est pas pour ici-bas. Nous avons de
forts désirs, de grandes aspirations, mais elles ne trouveront pas leur
accomplissement total en ce monde. L’huile est donc là comme un signe de ce que
nous ne possédons pas encore ; et elle nous aide à accepter que personne
sur terre, et évidemment aucun bien matériel ni aucune activité, ne pourra
jamais nous combler entièrement.
Alors, à
l’instar des dix jeunes filles qui restent éveillées pour ne pas manquer la
rencontre avec l’époux, l’huile de la lampe du tabernacle se révèle comme une
huile pour patienter sans dormir, car c’est certain : le Seigneur va
venir !
* * *
Cependant, ce
qui nous est donné pour l’instant n’est pas seulement une annonce de la
présence du Seigneur, car Il est déjà là, avec nous.
D’ailleurs,
l’huile de la lampe du Laus, comme toute lampe de tabernacle, a pour fonction
de nous montrer le Christ présent dans l’Eucharistie. Il est bien là, notre
Sauveur, réellement là ! La lampe du tabernacle éclaire cette présence.
Il est beau de
venir dans cette basilique le soir, quand tout s’endort. Et que la seule
lumière qui continue à briller dans la chapelle de Bon Rencontre, c’est la
lampe du tabernacle. Car alors, cette délicate lumière, que nous voyons à peine
ici tant la vasque qui l’abrite est imposante, éclaire vraiment la présence du
Ressuscité, qui ne dort ni ne sommeille.
Lampe du sanctuaire où se trouve l'huile bénie par la présence du Seigneur au tabernacle. |
Par pitié, ne
vous appliquez pas l’huile de la lampe sans regarder le tabernacle ou sans penser
au mystère eucharistique. Ne séparez jamais la promesse de guérison par cette
huile, de la Présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Car ce n’est pas la
matière de l’huile qui nous guérit ici : c’est la rencontre corps à corps
qu’elle annonce, celle de nos corps souffrants et faibles, avec le corps
glorieux du Ressuscité ; une annonce qui se réalise déjà ici-bas, lorsque
nous venons communier ou que nous vivons la communion de désir.
* * *
Mais les dix
jeunes filles vont finir par manquer d’huile ; il faut dire qu’elle n’est
pas inactive, cette huile : elle se consume pour éclairer. Nous saisissons
que Jésus nous appelle à une identification : ce n’est pas seulement
l’huile qui doit brûler pour éclairer la venue de l’époux, ce sont les dix
vierges elles-mêmes qui doivent brûler, se consumer d’amour pour l’époux.
Toute notre vie
chrétienne et notre mission de baptisés est ici symbolisée : il est
nécessaire que nous nous laissions consumer pour le Christ, afin d’éclairer sa
venue.
Ce que
reprochent nos contemporains – parfois avec raison – c’est de voir des
chrétiens qui ne sont pas cohérents avec leur foi : seuls des croyants consumés
touchent le cœur des autres. Ils sont marqués par un Abbé Pierre, une Sœur
Emmanuelle, un Père Pedro, ou des parents dévoués. Ils sont touchés par des
moines de Thibbérine restés fidèles ou par des prêtres qui chantent sans renier
leur consécration. Ils sont interrogés par des religieuses et des religieux qui
font de la prière le cœur de leur vie. Ils sont touchés par des chrétiens qui
visitent les malades, nourrissent ceux qui ont faim et prennent du temps pour
des personnes âgées qui n’intéressent plus personne.
Comme l’huile
des dix vierges et l’huile de la lampe du tabernacle, brûlons de charité pour
éclairer le Christ. Est-ce que nous allons y perdre quelque chose ? Oui,
certainement, car l’huile se consume d’instant en instant ; elle disparaît
au fur et à mesure. Mais ce n’est pas elle qui compte, c’est la lumière qu’elle
produit en se donnant.
Elle peut être
fière, cette huile qui part en fumée : car elle a éclairé la vie des
autres, elle a montré le Christ. Préférez-vous être une huile rance, que l’on
jette parce qu’elle est restée inutile et qu’elle sent mauvais, ou une huile
consumée, brûlée par amour ?
Chers pèlerins,
en vous appliquant l’huile du Laus, ne manquez pas de désirer vous consumer
pour éclairer la vie des autres en montrant la présence du Christ !
* * *
Et puis, dans la
parabole que nous offre le Seigneur, les jeunes filles n’attendent pas
n’importe qui. Chacune espère pouvoir conquérir l’époux, celui qui va les
aimer, les étreindre, les caresser. Et voilà que leur huile devient le signe de
ce qu’elles attendent : huile de douceur pour le corps, elle annonce la
relation tendre et délicate que chacune espère avec son époux.
Au sanctuaire du
Laus, c’est ce que nous voyons quotidiennement : en s’appliquant l’huile
ou en l’appliquant à quelqu’un, les pèlerins sont « obligés », si
l’on peut dire, de faire un geste délicat. L’huile ne s’applique pas avec
violence, elle s’appose telle une caresse.
L’huile de la
lampe nous oblige à une bienveillance et une tendresse à l’égard de notre
propre corps, alors que nous pouvons peut-être le percevoir comme un ennemi qui
nous perturbe. Malade ou vieillissant, ne correspondant sans doute pas aux
canons de beauté dont nous rêvons, notre corps est parfois maltraité par
nous-mêmes.
Mais voilà ce
geste de l’huile, comme une caresse du Seigneur, comme une tendresse de Marie
sur nos corps meurtris. Et c’est toute la dignité du corps humain qui est ici
mise en valeur : le corps n’est ni notre ennemi, ni une marchandise :
il est l’espace de la caresse divine. Chers pèlerins, en vous appliquant
l’huile du Laus, soyez bons avec votre corps !
Maître-autel de la chapelle Notre-Dame du Laus |
Mais cette
onction peut aussi devenir un geste de réparation pour tous les outrages faits
au corps humain, dans la pornographie, les relations sexuelles déviantes,
l’avortement, l’euthanasie, ou certaines recherches médicales. Que l’huile
descende en abondance, comme sur la barbe d’Aaron, pour restaurer ce qui est abîmé par le péché.
* * *
Et devant tant
de délicatesse du Seigneur, comment ne pas vouloir entrer davantage dans la
relation d’amour ? L’huile de la lampe du tabernacle, comme l’huile des
lampes des dix vierges, vise à permettre la rencontre avec l’époux. S’il y en a
trop peu, le rendez-vous sera manqué ; c’est ce qui arrive à cinq de ces
jeunes filles. Alors nous, ne manquons pas d’huile ; versons-en avec
surabondance sur toute notre vie.
Ainsi, l’huile
si précieuse pour dégripper des rouages, versons-là abondamment sur tout ce qui
a besoin en nous d’être dégrippé : des relations difficiles avec certains,
des blocages de tous ordres, des hésitations à nous convertir, des manques de
confiance en Dieu. Versons l’huile de la grâce, pour que tout, en nous,
fonctionne plus limpidement.
Le bon samaritain versant l'huile et le vin dans les plaies du malheureux |
En
assaisonnement, aussi, l’huile retire l’amertume ; dans nos rapports aux
autres et sans doute également notre regard sur l’Eglise, n’avons-nous pas
besoin de chasser ce poison de l’amertume, qui nous fait tout voir négativement
et qui nous paralyse ? Versons-nous l’huile du Laus, pour évacuer toutes
nos amertumes et les remplacer par de la douceur et de la bienveillance.
Versons-là
aussi, cette huile, comme une huile sur les coups de soleil. Laissons le Christ
apaiser ce qui est trop brûlant en nous : nos orgueils, nos rancunes
envers certains, nos mauvais désirs sensuels. Combien de pèlerins, en
s’appliquant l’huile du Laus, ont-ils été libérés d’impuretés sexuelles qui les
rendaient malheureux et qui contristaient le Ciel ? Osez vous appliquer
cette huile en priant le Seigneur d’apaiser les brûlures de l’âme, du corps, de
la mémoire.
* * *
Frères et sœurs
pèlerins, même si certains n’ont pas besoin de ce conseil, permettez-moi de le
proposer à tous : en ce jour où le Seigneur nous montre ces dix jeunes
filles qui veillent la venue l’époux, prenez le temps, à la fin de cette messe,
pour faire la démarche auprès de l’huile, ici, dans la chapelle de Bon
Rencontre. Il faut un peu d’humilité pour le faire ; mais surtout une
grande foi en la présence du Seigneur qui nous apaise, nous caresse et nous
guérit.
Les vierges sages et les vierges folles. |
Et comme près de
30 000 flacons de cette huile sont envoyés chaque année à travers le
monde, soyez, vous aussi, des missionnaires de l’huile du Laus. En prenant soin
de bien l’expliquer pour qu’elle ne soit jamais détournée de sa finalité (qui
lui ferait perdre d’ailleurs toute efficacité), soyez des missionnaires de la
douceur de Dieu et de la prévenance de Marie, jusqu’au jour où, dans
l’Eternité, l’huile d’allégresse coulera à flot sur tous les sauvés. Amen.
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