Henri de
Germanie, deuxième du nom quant à la royauté, premier quant à l'empire, fut le
dernier représentant couronné de cette maison de Saxe issue d'Henri l'Oiseleur,
à laquelle Dieu, au dixième siècle, confia la mission de relever l'œuvre de
Charlemagne et de saint Léon III. Noble tige, où l'éclat des fleurs de sainteté
qui brillent en ses rameaux l'emporte encore sur la puissance dont elle parut
douée, quand elle implanta dans le sol allemand les racines des fortes
institutions qui lui donnèrent consistance pour de longs siècles.
L'Esprit-Saint, qui divise comme il veut ses dons (I Cor. XII, 11.),
appelait alors aux plus hautes destinées la terre où, plus que nulle part,
s'était montrée l'énergie de son action divine dans la transformation des
peuples. Acquise au Christ par saint Boniface et les continuateurs de son
œuvre, la vaste contrée qui s'étend au delà du Rhin et du Danube était devenue
le boulevard de l'Occident, sur lequel durant tant d'années elle avait versé la
dévastation et la ruine. Loin de songer à soumettre à ses lois les redoutables
tribus qui l'habitaient, Rome païenne, au plus haut point de sa puissance,
avait eu pour suprême ambition la pensée d'élever entre elles et l'Empire un
mur de séparation éternelle ; Rome chrétienne, plus véritablement souveraine du
monde, plaçait dans ces régions le siège même du Saint-Empire Romain
reconstitué par ses Pontifes. Au nouvel Empire de défendre les droits de la
Mère commune, de protéger la chrétienté contre les barbares nouveaux, de
conquérir à l'Evangile ou de briser les hordes hongroises et slaves, mongoles,
tartares et ottomanes qui successivement viendront heurter ses frontières.
Heureuse l'Allemagne, si toujours elle avait su comprendre sa vraie gloire, si
surtout la fidélité de ses princes au vicaire de l'Homme-Dieu était restée à la
hauteur de la foi de leurs peuples !
Dieu, en ce qui
était de lui, avait soutenu magnifiquement les avances qu'il faisait à la
Germanie. La fête présente marque le couronnement de la période d'élaboration
féconde où l'Esprit-Saint, l'ayant créée comme à nouveau dans les eaux de la
fontaine sacrée, voulut la conduire au plein développement de l'âge parfait qui
convient aux nations. C'est dans cette période de formation véritablement
créatrice que l'historien doit s'attacher principalement à étudier les peuples,
s'il veut savoir ce qu'attend d'eux la Providence. Quand Dieu crée en effet,
dans l'ordre de la vocation surnaturelle des hommes ou des sociétés coin nie
dans celui de la nature elle-même, il dépose dès l'abord en son œuvre le
principe de la vie plus ou moins supérieure qui doit être la sienne : germe
précieux dont le développement, s'il n'est contrarié, doit lui faire atteindre
sa fin ; dont par suite aussi la connaissance, pour qui sait l'observer avant
toute déviation, manifeste clairement à l'endroit de l'œuvre en question la
pensée divine. ~
Saint Henri et Sainte Cunégonde |
L'Esprit ne craint point de se répéter dans cette glorification de la divine
Mère; aux Clotilde, Radegonde et Bathilde, qui pour elle donnèrent en des temps
laborieux les Francs à l'Eglise, répondent sous des cieux différents, et
toujours à l'honneur de la bienheureuse Trinité, Mathilde, Adélaïde et
Chunégonde, joignant sur leurs fronts la couronne des saints au diadème de la
Germanie. Sur le chaos du dixième siècle, d'où l'Allemagne devait sortir, plane
sans interruption leur douce figure, plus forte contre l'anarchie que le glaive
des Othon, rassérénant dans la nuit de ces temps l'Eglise et le monde. Au
commencement enfin de ce siècle onzième qui devait si longtemps encore attendre
son Hildebrand, lorsque les anges du sanctuaire pleuraient partout sur des
autels souillés, quel spectacle que celui de l'union virginale dans laquelle
s'épanouit cette glorieuse succession qui, comme lasse de donner seulement des
héros à la terre, ne veut plus fructifier qu'au ciel ! Pour la patrie
allemande, un tel dénouement n'était pas abandon, mais prudence suprême ; car
il engageait Dieu miséricordieusement au pays qui, du sein de l'universelle
corruption, faisait monter vers lui ce parfum d'holocauste : ainsi, à l'encontre
des revendications futures de sa justice, étaient par avance comme neutralisées
les iniquités des maisons de Franconie et de Souabe, qui succédèrent à la
maison de Saxe et n'imitèrent pas ses vertus.
Sacre de S. Henri II |
Que la terre
donc s'unisse au ciel pour célébrer aujourd'hui l'homme qui donna leur
consécration dernière aux desseins de l'éternelle Sagesse à cette heure de
l'histoire ; il résume en lui l'héroïsme et la sainteté de la race illustre
dont la principale gloire est de l'avoir, tout un siècle, préparé dignement
pour les hommes et pour Dieu. Il fut grand pour les hommes, qui, durant un long
règne, ne surent qu'admirer le plus de la bravoure ou de l'active énergie grâce
auxquelles, présent à la fois sur tous les points de son vaste empire, toujours
heureux, il sut comprimer les révoltes du dedans, dompter les Slaves à sa
frontière du Nord, châtier l'insolence grecque au midi de la péninsule italique
; pendant que, politique profond, il aidait la Hongrie à sortir par le
christianisme de la barbarie, et tendait au delà de la Meuse à notre Robert le
Pieux une main amie qui eût voulu sceller, pour le bonheur des siècles à venir,
une alliance éternelle entre l'Empire et la fille aînée de la sainte Eglise.
Couronne de Saint Henri |
Époux vierge de
la vierge Cunégonde, Henri fut grand aussi pour Dieu qui n'eut jamais de plus
fidèle lieutenant sur la terre. Dieu dans son Christ était à ses yeux l'unique
Roi, l'intérêt du Christ et de l'Eglise la seule inspiration de son
gouvernement, le service de l'Homme-Dieu dans ce qu'il a de plus parfait sa suprême
ambition. Il comprenait que la vraie noblesse, aussi bien que le salut du
monde, se cachait dans ces cloîtres où les âmes d'élite accouraient pour éviter
l'universelle ignominie et conjurer tant de ruines. C'était la pensée qui, au
lendemain de son couronnement impérial, l'amenait à Cluny, et lui faisait
remettre à la garde de l'insigne abbaye le globe d'or, image du monde dont la
défense venait de lui être confiée comme soldat du vicaire de Dieu ; c'était
l'ambition qui le jetait aux genoux de l'Abbé de Saint-Vannes de Verdun,
implorant la grâce d'être admis au nombre de ses moines, et faisait qu'il ne
revenait qu'en gémissant et contraint par l'obéissance au fardeau de l'Empire.
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