Carl Bloch, l'ensevelissement du Fils de Dieu |
De
Paul Claudel
Tu ne saurais effacer
de ton cœur une certaine image,
Et cette image n’est
autre que celle imprimée sur le linge de Véronique.
C’est une face fine et
longue et la barbe entoure le menton d’une triple touffe.
L’expression en est si
austère qu’elle effraie, et si sainte
Que le vieux
péché, en nous organisé,
Frémit jusque dans sa
racine originelle, et la douleur qu’elle exprime est si profonde
D'après la sainte Face du Saint Suaire de Turin |
Qu’interdits, nous
sommes comme des enfants qui regardent pleurer, sans comprendre, le père : il
pleure !
Tu voudrais en vain, ô
Ivors, déployer devant ces yeux la gloire et l’éclat de ce monde.
Ces yeux qui, en se
levant, d’un regard ont créé l’Univers,
Sont maintenant
baissés, et de sévères larmes en descendent;
Du front suintent des
gouttes de sang.
Mais, considère, ô mon
fils, la bouche de ton Dieu, la bouche, ô mon fils, du Verbe.
Quelle amertume elle
savoure, quelle parole à elle-même ineffable elle goûte.
Car les lèvres au coin
droit s’entr’ouvrent en un sourire atroce.
Comme il pleure de tout
son être laissant échapper la salive comme un enfant !
Il n’y a point de pain
pour nous, ô mon fils, tandis qu’il nous restera cette douleur à consoler.
C’est la douleur du
Fils de l’Homme qui a voulu goûter et revêtir notre crime.
C’est la douleur du
Fils de Dieu
De ne pouvoir présenter
à son Père tout l’homme dans le mystère de l’Ostension.
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