Les Pères grecs nous expliquent le verset de
l’Apôtre que nous venons de citer en cette manière. Pour nous, en qui le visage découvert du Seigneur imprime sa gloire
comme dans un miroir, nous sommes transformés en son image, notre gloire venant
de la sienne comme de l’esprit du Seigneur ; car ainsi qu’un miroir
exposé à la lumière la reçoit parfaitement, de même la gloire de Jésus-Christ se répand et s’imprime comme dans un
miroir en l’âme qui est purifiée dans le feu et les flammes de son pur amour.
Ainsi l’âme étant resplendissante de la gloire du
Seigneur, de cette réflexion il arrive qu’elle est transformée en son image,
qu’elle perde son obscurité et prend la forme de sa splendeur. Sainte Thérèse se vit un jour comme un
miroir très clair en qui elle découvrait Notre Seigneur dans une clarté
admirable qui venait de sa divinité et la remplissait toute entière, elle ne
voyait donc plus en elle que Jésus Christ en qui elle était saintement
transformée ; aussi elle disait ordinairement : Je ne sais plus ce
que je suis devenue. Notre Seigneur lui
fit voir pour lors comme les péchés, et même les plus petits obscurcissaient la
clarté admirable que Dieu répand en l’âme ; jamais cette sainte n’en avait
commis de griefs et cependant, quand elle pensait dans cette vue à ses légères
offenses, elle s’écriait : Je demeure si honteuse que je ne saurais où me
mettre.
Oh ! qui pourrait faire entendre ceci à ceux
qui s’engagent si facilement dans les péchés. Mon Dieu dans quel aveuglement ai-je été ! J’en suis saisie de
frayeurs lorsque j’y pense et ne vous en étonnez pas, mais plutôt de ce que je
peux vivre, y faisant réflexion.
Or, si
les clartés lumineuses et ardentes de la gloire de Dieu manifestée par la foi,
accompagnée du don d’entendement et de sagesse du Saint Esprit brûlent si
délicieusement les âmes pures et les transforment en l’image de Jésus Christ, jusqu’à
quel degré de cette amoureuse
transformation pensons-nous que le P. Seurin soit arrivé, lui qui dès sa
jeunesse avait connu cette gloire du Seigneur par une lumière spéciale et extraordinaire dans une vue si parfaite
qu’il en était tombé dans une sainte défaillance.
Plusieurs fois Dieu lui a donné à connaître ses
perfections divines et la splendeur infinie qui accompagnait cette vue lui ravissait l’esprit et le cœur
et le consumait saintement dans les pures flammes du divin amour ; il
se sentait pressé de dire de temps en temps : Ah ! Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus Christ qui vit en moi.
Il lui semblait que cet adorable Sauveur s’était saisi de son âme et de son
corps comme de choses par lesquelles et dans lesquelles il agissait et, de vrai,
il y opérait de grandes choses, mais la moindre réflexion qu’il y faisait, la
nature pouvant alors y mettre quelque mélange, donnait de l’interruption à cette opération sainte : il suffisait qu’insensiblement il eût la
volonté de faire faire quoi que ce soit par son propre mouvement pour donner
lieu à l’Esprit de Jésus Christ de se cacher.
O mon
Dieu ! Combien grande est la pureté de votre grâce ! Combien votre
Esprit est-il pur et saint ! Je ne suis pas surpris si les
cieux et les esprits les plus purs ne sont pas nets en votre présence, si nos
justices à vos yeux ne sont souvent que des ordures ; mais enfin il est
vrai que Jésus, vivant et opérant dans
une âme, il faut que ses actions soient bien saintes et divines, puisqu’elles
viennent d’un tel principe.
Ah !
si le Chrétien savait ce qu’il fait quand il fait non seulement une action
criminelle, mais aussi purement naturelle, il ne pourrait jamais en prendre la
résolution. J’ai entendu dire au digne auteur du Chrétien intérieur
qu’il lui aurait été plus supportable de voir une désolation générale dans tout
ce qui le regardait, que d’agir purement
par la nature quand ce ne serait que pour un instant ; car c’est tomber,
disait ce grand homme de Dieu, de l’infini dans le fini, c’est se tirer de
l’opération d’un Dieu pour se réduire à l’opération de l’homme ; c’est empêcher qu’un Dieu n’agisse pour
donner lieu à l’action de la créature !
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