Du saint Pape Jean Paul II, Dives in Misericordia, n.7
Les événements
du Vendredi Saint, et auparavant encore la prière à Gethsémani, introduisent
dans tout le déroulement de la révélation de l’amour et de la miséricorde, dans
la mission messianique du Christ, un changement fondamental. Celui qui «est
passé en faisant le bien et en rendant la santé» (Act. 10, 38), «en
guérissant toute maladie et toute langueur» (Mt. 9, 35), semble
maintenant être lui-même digne de la plus grande miséricorde, et faire
appel à la miséricorde, quand il est arrêté, outragé, condamné, flagellé,
couronné d’épines, quand il est cloué à la croix et expire dans d’atroces
tourments (Cf. Mc. 15, 37; 10. 19, 30). C’est alors qu’il est
particulièrement digne de la miséricorde des hommes qu’il a comblés de
bienfaits, et il ne la reçoit pas. Même ceux qui lui sont les plus proches ne
savent pas le protéger et l’arracher aux mains des oppresseurs. Dans cette
étape finale de la fonction messianique, s’accomplissent dans le Christ les paroles
des prophètes, et surtout celles d’Isaïe, au sujet du serviteur de Yahvé :
«Dans ses blessures, nous trouvons la guérison» (Is. 53, 5).
Le Christ, en
tant qu’homme qui souffre réellement et terriblement au jardin des Oliviers et
sur le Calvaire, s’adresse au Père, à ce Père dont il a annoncé l’amour aux
hommes, dont il a fait connaître la miséricorde par toutes ses actions. Mais la
terrible souffrance de la mort en croix ne lui est pas épargnée, pas même à lui :
«Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous» (2
Cor. 5, 21), écrira saint Paul, résumant en peu de mots toute la profondeur
du mystère de la croix et en même temps la dimension divine de la réalité de la
rédemption ~
Sainte Hélène trouve la sainte Croix, fresque du monastère de Stavrovouni, Chypre |
La croix
plantée sur le calvaire, et sur laquelle le Christ tient son ultime dialogue
avec le Père, émerge du centre même de l’amour dont l’homme,
créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, a été gratifié selon l’éternel
dessein de Dieu. Dieu, tel que le Christ l’a révélé, n’est pas seulement en
rapport étroit avec le monde en tant que Créateur et source ultime de
l’existence. Il est aussi Père : il est uni à l’homme, qu’il a appelé à
l’existence dans le monde visible, par un lien encore plus profond que celui de
la création. C’est l’amour qui non seulement crée le bien, mais qui fait
participer à la vie même de Dieu Père, Fils et Esprit Saint. En effet, celui
qui aime désire se donner lui-même.
La croix du
Christ au Calvaire se dresse sur le chemin de cette
admirable communication de Dieu à l’homme qui contient en
même temps l’appel qui lui est adressé à participer, en
s’offrant lui-même à Dieu et en offrant avec lui le monde visible, à la vie
divine : à participer en tant que fils adoptif à la vérité et à l’amour
qui sont en Dieu et proviennent de Dieu. Sur le chemin de l’élection éternelle
de l’homme à la dignité de fils adoptif de Dieu, surgit précisément dans
l’histoire la croix du Christ, Fils unique, qui, «lumière née de la lumière,
vrai Dieu né du vrai Dieu» (Credo de Nicée-Constantinople), est venu donner
l’ultime témoignage de l’admirable alliance de Dieu avec l’humanité, de
Dieu avec l’homme – avec chaque homme. Ancienne comme l’homme,
puisqu’elle remonte au mystère même de la création, puis rétablie bien des fois
avec un seul peuple élu, cette alliance est également l’alliance nouvelle et
définitive ; établie là, sur le Calvaire, elle n’est plus limitée à un
seul peuple, à Israël, mais elle est ouverte à tous et à chacun.
Reliquaire de la sainte Croix, chapelle "Mater Dolorosa" du Golgotha, basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem |
Que nous dit la
croix du Christ, qui est le dernier mot pour ainsi dire de son message et de sa
mission messianiques ? Certes, elle n’est pas encore la parole ultime du
Dieu de l’Alliance, qui ne sera prononcée qu’aux lueurs de cette aube où les
femmes d’abord puis les Apôtres, venus au tombeau du Christ crucifié, le
trouveront vide et entendront pour la première fois cette annonce : «Il
est ressuscité». Ils la rediront à leur tour, et ils seront les témoins du
Christ ressuscité. Toutefois, même dans la glorification du Fils de Dieu, la
croix ne cesse d’être présente, cette croix qui – à travers tout le témoignage
messianique de l’Homme-Fils qui a subi la mort sur elle – parle et ne
cesse jamais de parler de Dieu-Père, qui est toujours fidèle à son amour
éternel envers l’homme, car «Il a tellement aimé le monde – donc l’homme
dans le monde – qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui
ne périsse pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3, 16).
La Croix de Jérusalem, flottant sur le jardin des Oliviers à Gethsémani. |
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