mardi 16 octobre 2012

16 octobre - Dédicace du Mont Saint-Michel


PREMIER SERMON POUR LA FÊTE DE SAINT MICHEL
par S. Bernard 


Saint Michel Archange
Enluminure de l'abbaye du Mont Saint-Michel

Des devoirs des Anges envers nous, et du respect que nous leur devons.


1. Nous faisons aujourd'hui la fête des saints anges, et vous réclamez de moi le sermon qui vous est dû, en pareille solennité. Mais que dirai-je des esprits angéliques, moi qui ne suis qu'un chétif ver de terre ? 


Je crois, et je tiens de foi certaine qu'ils ont le bonheur de jouir de la présence et de la vision de Dieu, et qu'ils sont comblés d'une félicité sans fin dans les biens du Seigneur que l'exil n'a point vus, dont l'oreille n'a point entendu parler, et dont le coeur de l'homme n'a pu même concevoir le désir. Qu'est-ce donc qu'un simple mortel peut dire sur ce sujet à des hommes mortels comme lui ? Il ne saurait se former lui-même une idée de ces choses-là, et, pour eux, ils ne sauraient les entendre, Assurément, si la bouche parle de l’abondance du coeur ; il faut que la langue se taise faute de pensées qui l’inspirent. 


Mais si c'est trop pour nous parler de l'éclat et de la gloire dont les saints anges jouissent en eux-mêmes, ou plutôt dont ils dépassent nos coeurs en Dieu, nous pouvons vous entretenir du moins de la grâce et de la charité que nous trouvons en eux. Car dans les esprits célestes, on rencontre non-seulement une dignité admirable, mais encore une condescendance pleine d'amabilité. Il est juste, en effet, mes frères, que, ne pouvant nous élever jusqu'à la compréhension de leur gloire, nous nous attachions d'autant plus étroitement à la miséricorde, dont nous savons, de science certaine, que les familiers de Dieu, les citoyens du Ciel, les princes du Paradis, sont remplis. D'ailleurs, l'Apôtre lui-même qui fut ravi jusqu'au troisième ciel, et qui vit, de ses yeux, la cour des bienheureux, et en connut les secrets, nous assure « que tous les anges sont des esprits qui tiennent lieu de serviteurs, et de ministres, et qui sont envoyés pour exercer leur ministère, en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut (He. I, 14). »


2. Il ne faut pas qu'on le trouve incroyable d'autant plus que le créateur, le roi même des anges est venu, non point pour être servi, mais pour servir, et pour donner son âme pour une foule d'hommes. Pourquoi donc se trouverait-il quelqu'un parmi les anges qui dédaignât un semblable ministère, quand ils s'y voient précédés par celui qu'ils servent eux-mêmes dans les cieux, avec une extrême ardeur et une félicité entière ? 

Vitrail, Saint Michel Archange
terrassant le démon

(...) 3. Il n'en est pas ainsi de ce serviteur plus sublime, et en même temps plus humble que tous les autres ; il s'est offert lui-même en sacrifice de louange, en donnant à son Père son âme, et à nous, tous les jours de la vie, sa propre chair. Grâce à cet illustre serviteur, il ne faut pas nous étonner si les saints anges se montrent pleins de bienveillance, d'empressement même à nous servir. Ils nous aiment, en effet, parce que Jésus-Christ nous a aimés. Il y a un dicton populaire qui dit : quiconque m'aime, aime aussi mon chien. 

Or, anges bienheureux, nous sommes les petits chiens de ce Seigneur que vous aimez tous, oui, de petits chiens qui désirons nous nourrir des miettes qui tombent de la table de nos maîtres qui ne sont autres que vous. Ce que je dis là, mes frères, c'est pour vous donner une plus grande confiance encore , dans les bienheureux anges, et pour que, dans vos besoins, vous invoquiez leurs secours avec plus d'amour ; c'est aussi pour que vous ayez plus fort à coeur de vivre convenablement en leur présence, de vous concilier tous les jours davantage leur faveur et leur bienveillance, et de vous assurer leur clémence. C'est dans la même pensée que je crois bon d'indiquer encore à votre charité les autres motifs que les saints anges ont de s'occuper de nous avec sollicitude; sans anxiété pour eux, il est vrai , mais noir point sans utilité pour irons sans rien perdre de leur propre bonheur, j'en conviens, mais non pas sans augmenter nos moyens de salut.


4. (...) Et il ne vous conviendrait pas, ô esprits bienheureux, de dédaigner au mépris du précepte de la charité, votre espèce que vous devez visiter, lors même qu'elle se trouve comme vous le voyez vous-mêmes, tombée dans un extrême abaissement. D'ailleurs, je ne puis croire non plus que vous voyiez avec plaisir, citoyens du ciel, les brèches faites à votre cité, et la ruine de vos murs patente à vos regards. Si vous désirez les voir relever, comme il n'est que trop juste, faites entendre fréquemment, je vous en supplie, au pied de trône de gloire, ce cri de prière : « Seigneur, traitez favorablement Sion, faites-lui sentir les effets de votre bonté, afin que les murs de Jérusalem soient rebâtis (Psal. L, 20). » 

Si vous aimez, ou plutôt puisque vous aimez la beauté de la maison de Dieu, manifestez votre zèle pour les pierres vivantes et raisonnables qui seules peuvent être employées avec vous, à la construction de cette maison. Voilà , mes chers frères, le triple bien qui attire vers nous du haut des cieux, pour nous consoler, nous visiter et nous aider, la suréminente charité des anges, pour Dieu , pour nous et pour eux-mêmes

Pour Dieu d'abord, dont ils imitent, comme il n'est que trop juste, les entrailles de miséricorde à notre égard ; pour nous, en qui ils reconnaissent, avec un sentiment de commisération, leur propre ressemblance ; pour eux enfin, car leur plus grand désir est de parvenir à recruter, parmi nous, assez d'hommes pour combler les vides de leurs rangs. Car c'est de la bouche des enfants qui ne se nourrissent encore que de lait, non d'aliments solides, que doit être complétée la louange qui appartient à sa majesté, cette louange dont les esprits angéliques ont les prémices qui les couvrent d'un bonheur extrême. Mais plus ils nous attendent pour cela avec impatience, plus ils sont pressés du désir et du besoin d'en voir la consommation.

Saint Gabriel, Annonciation, par le Maître
du Bambino Vispo, XVe, Avignon
5. Puisque les choses sont ainsi, songez, mes bien chers frères, avec quel soin nous devons travailler à nous rendre dignes de leur commerce, et quelle vie nous devons mener en présence des anges, de peur de blesser la sainteté de leurs regards. Malheur, en effet à nous, si nos péchés nous rendent indignes à leurs yeux de recevoir leurs visites et de jouir de leur présence, car il ne nous restera plus qu'à pleurer et à nous écrier avec le Prophète : « Mes amis et mes proches se sont levés et déclarés contre moi ; ceux qui étaient proches de moi, s'en sont tenus éloignés, et ceux qui cherchaient à m'ôter la vie, usaient de violence pour me la ravir (Psal XXXVIII, 12). » 

Oui, ceux qui, par leur présence, pouvaient nous protéger et tenir notre ennemi à l'écart, se sont bien éloignés de nous. Si nous avons un tel besoin que les anges nous honorent de leur amicale assistance, nous devons éviter avec le plus grand soin de les offenser, et nous exercer particulièrement à la pratique des vertus que nous savons leur plaire. Il y a bien des choses qu'ils ont pour agréable et qu'ils sont charriés de trouver en nous, telles sont, par exemple, la sobriété, la chasteté, la pauvreté volontaire, de fréquents gémissements poussés vers-le ciel, des larmes mêlées aux prières dans un coeur attentif ; ce que les anges de la paix aiment trouver en nous par dessus tout, c'est la paix et l'union. Comment n'aimeraient-ils pas avec délices, en nous, les choses mimés qui sont comme la forme de leur cité sainte et leur font admirer une Jérusalem nouvelle sur la terre ? Je vous dirai donc que, dé même que toutes les parties de cette cité saints ont une parfaite union entre elles (Psal. CXXI, 3), ainsi doit-il en être de nos pensées et de nos discours, il ne faut point qu'il y ait de schismes entre nous, mais, au contraire, nous ne devons faire qu'un seul corps en Jésus-Christ, et nous montrer comme étant les membres les uns des autres.


Saint Raphaël guidant le jeune Tobie
6. Aussi n'est-il rien qui offense plus les anges et excite davantage leur courroux que les discussions et les scandales qu'ils peuvent remarquer parmi nous. Écoutez, à ce sujet, les paroles de saint Paul aux Corinthiens : « Puisqu'il y a parmi vous des jalousies, des disputes et des divisions, n'est-il pas visible que vous êtes charnels, et que vous vous conduisez selon le vieil homme (I Cor. III, 3) ? » Dans l'épître de l'apôtre saint Jude, nous lisons également : « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes des hommes sensuels qui n'ont point l'esprit de Dieu (Jud. I, 19). » 

(...) De tous ceux qui se séparent de l'unité, on ne peut douter que l'esprit de vie ne se retire d'eux. C'est donc avec vérité que les apôtres appellent ceux qui se séparent eux-mêmes et sèment la division, des hommes charnels et animaux, et disent qu'ils n'ont point l'esprit de Dieu. Ces saints anges, ces esprits bienheureux disent donc, quand ils trouvent quelque part des dissensions et des scandales : que peut-il y avoir de, commun entre nous et cette génération dépourvue de l'esprit de Dieu ? Si cet esprit se trouvait là présent, il y répandrait la charité et empêcherait le lien de l'unité de se rompre ; nous ne saurions, au grand jamais, demeurer parmi de tels hommes, ils sont tout charnels. Quel rapport peut-il y avoir entre la lumière et les ténèbres ? Nous sommes habitants d'un royaume de paix et d'union, et nous espérions que ces hommes entreraient dans notre paix et notre union, mais comment pourraient-ils ne faire qu'un avec nous quand ils sont divisés entre eux ? 

Vous voyez comme l'Évangile de ce jour a été bien choisi pour une telle solennité, il nous détourne, en effet, du scandale des petits (Matt. XVIII, 6), comme étant odieux aux anges. Si quelqu'un, dit l'Écrivain sacré, est un sujet de scandale pour un de ces petits... combien dures à entendre sont les paroles qui suivent ! Mais l’heure est passée, il faut maintenant que nous allions célébrer nos messes. Pardonnez-moi donc de remettre la suite de mon discours à un autre jour ; peut-être cet ajournement ne vous sera-t-il point inutile, si je continue ce sujet du mieux qu'il me sera possible une autre fois.



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