vendredi 4 avril 2014

Le portement de la Croix. Venez, nous dit le Seigneur, suivez-moi

Jérôme Bosh, Jésus portant sa Croix pour le Salut du monde.

Saint Alphonse-Marie de Liguori,

Considérations sur la Passion de Jésus-Christ



Chap. 3, III, Jésus porte sa croix

La croix commença à faire souffrir notre Sauveur avant qu'il y fût cloué; car, après la sentence prononcée par Pilate, on l'obligea à la porter jusqu'au Calvaire, où il devait mourir; et Jésus, sans résister, la chargea sur ses épaules (Jn 19, 17). Saint Augustin fait ici cette réflexion : "Si l'on considère la cruauté dont on usa envers Jésus-Christ, en le forçant de porter lui-même l'instrument de son supplice, ce fut une grande ignominie; mais, si l'on considère l'amour avec lequel ce divin Maître embrassa sa croix, ce fut un grand mystère" ; car, en portant sa croix, il a voulu, comme notre Chef, arborer l'étendard sous lequel devaient s'enrôler et combattre ceux qui voudraient le suivre, pour conquérir avec lui le royaume des cieux.

"Il a reçu l'empire sur les épaules" (Is 9, 5). Sur ce passage d'Isaïe, où le Prophète annonce que le Messie portera sur son épaule la marque de principauté, saint Basile observe que, tandis que les tyrans, pour accroître leur puissance, surchargent injustement leurs sujets, Jésus-Christ a voulu se charger de sa croix et la porter lui-même pour y sacrifier sa vie, afin de nous procurer le salut. Remarquons en outre que les rois de la terre fondent leur principauté sur la force des armes et l'accumulation des richesses; Notre-Seigneur, au contraire, a fondé la sienne sur la croix, c'est-à-dire, sur l'humiliation et la souffrance; et il s'est soumis volontairement à porter sa croix sur le chemin douloureux du Calvaire, pour nous encourager par son exemple, et pour engager chacun de nous à se charger de sa croix avec résignation et à le suivre, comme il le dit à tous ses disciples (Mt 16, 24).

Chemin de Croix par Tiepolo, la 3e chute.
Notons ici les beaux titres que saint Jean Chrysostome donne à la Croix dans son homélie sur ce sujet. Il l'appelle : "L'Espérance des chrétiens et Le Salut des désespérés". Quelle espérance de salut auraient eu les pécheurs sans la croix sur laquelle Jésus-Christ est mort pour les sauver?
"Le Guide des navigateurs". L'humiliation qui vient de la croix, c'est-à-dire de l'adversité, nous fait obtenir dans cette vie, qui ressemble à une mer remplie d'écueils, la grâce d'observer la loi de Dieu, et de nous amender lorsque nous l'avons transgressée, selon ce que dit le Psalmiste: "Seigneur, c'est un bien pour moi que vous m'ayez humilié, afin que j'apprenne à garder vos commandements" (Ps 118,71).
"Le Conseiller des Justes". L'adversité éclaire les justes et les porte à s'unir plus étroitement à Dieu.
"Le Repos des affligés". Où, en effet, ceux qui sont affligés trouvent-ils plus de consolation que dans la croix, sur laquelle ils voient mourir de douleur, pour l'amour d'eux, leur Rédempteur et leur Dieu ?
"La Gloire des Martyrs". Ce qui fait la gloire des Saints Martyrs, c'est d'avoir pu unir leurs souffrances et leur mort aux souffrances et à la mort de Jésus-Christ sur la croix. Aussi l'Apôtre disait-il qu'il ne voulait point être glorifié autrement (Ga 6, 14).
"Le Remède dans les maladies". Oh ! quel heureux remède que la croix pour bien des personnes atteintes de maladies spirituelles! Les tribulations les font rentrer en elles-mêmes et les détachent du monde.
"La Source qui désaltère ceux qui ont soif". La croix, c'est-à-dire, souffrir pour Jésus-Christ, c'est le désir, la soif des saints. Sainte-Thérèse disait : "Ou souffrir, ou mourir!" Sainte Marie-Madeleine de Pazzi allait plus loi, et s'écriait: "Souffrir, et ne pas mourir!" comme si elle eût refusé de mourir et d'aller jouir du paradis, pour souffrir plus longtemps sur la terre.

Du reste, généralement parlant, juste ou pécheur, chacun a sa croix. Quoique les justes jouissent de la paix du cœur, ils ont néanmoins leurs vicissitudes : ils sont tantôt consolés par les douces visites du Seigneur, et tantôt affligés par les contrariétés, les infirmités corporelles, et les dégoûts spirituels, par les scrupules, les tentations, et les craintes pour leur salut. Mais la croix des pécheurs est beaucoup plus pesante, à cause des remords de leur conscience, des terreurs qui les saisissent quand ils songent aux peines éternelles, et des tourments qu'ils éprouvent dans les adversités. Les saints, dans l'adversité, se résignent à la volonté divine, et supportent tout patiemment ; mais le pécheur, comment pourra-t-il trouver le repos dans la résignation à la volonté de Dieu, s'il est ennemi de Dieu ?

Les peines des ennemis de Dieu sont des peines sans mélange, sans consolation. C'est ce qui faisait dire à sainte Thérèse que celui qui aime Dieu embrasse sa croix de bon cœur et ne la sent pas, tandis que celui qui n'aime pas Dieu traîne la sienne par force et peut ainsi ne la sentir que trop


Vitrail de la Croix glorieuse, détail.
Eglise Saint-Leu - Saint-Gilles, Paris.

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