Dom
Ludovic Baron, le temps de l’Avent
Notre Dame de l'attente. Vierge enceinte, icône. |
L’Avent représente, dans
l’Année liturgique, les temps qui ont précédé la venue du Messie ; ce fut une
période d’attente pénible, mais aussi de désir, d’espoir et déjà de joie.
Nous
avons à la revivre. Nous avons, nous aussi, attendre le Messie et à attendre
dans la même ferveur que les Prophètes, le peuple juif, Notre Dame, Elisabeth,
Zacharie...
Il
semble que cela devrait se faire comme naturellement, car les textes sont là -
et plus encore peut-être, la mélodie - qui nous meuvent d'un sentiment à
l’autre, selon le jeu des scènes et des personnages ; nous n’avons qu’à nous
laisser mener.
En
fait, il n'en va pas ainsi.
Beaucoup trouvent difficile de
réaliser sur le champ, en plénitude et vérité, ces sentiments d’attente; car le
Messie est déjà venu et, par le fait, les mots d’espoir et de désir par
lesquels ils l’appellent ne sont pour eux qu’artificiels, ils ne correspondent
à aucune réalité ; on ne saurait appeler quelqu’un qui est là, ni désirer que
vienne celui qui est déjà venu.
A cette
difficulté il existe trois solutions.
La
première est d’ordre historique, si l’on peut dire. Il est bien certain que,
pour nous, la naissance du Christ étant un fait passé, nous ne saurions diriger
vers cet événement historique nos espoirs, nos désirs et nos appels. Mais, pour Dieu, à qui tout est présent, il
n'y a ni passé, ni futur. Il est au-dessus du temps. Au moment où les Juifs
de l’Ancien Testament prononçaient les paroles qui composent la liturgie
actuelle de l’Avent, Il les entendait;
mais, dans le même acte, Il entendait aussi tous ceux qui, dans la suite des
siècles, les rediraient, et toutes, celles des juifs d’hier et celles des
chrétiens d’aujourd’hui et de tous les temps, avaient sur lui l’influence
réelle qu’Il a bien voulu leur donner dans la disposition des causes secondes.
En deux mots, nos supplications qui, pour nous, sont postérieures à
l’Incarnation, pour Lui, ne le sont pas.
Dès
lors, nous pouvons les dire en toute vérité et sincérité. Dans la liturgie de l’Avent, sur notre plan temporel, nous jouons des
personnages historiques; et sur le plan de Dieu, nous vivons la réalité, la
grande réalité du drame éternel, étant ainsi, en toute vérité, et du passé et
du présent.
La
seconde solution est d’ordre mystique.
Ce
n’est pas seulement pour les hommes de son temps qui le virent dans la chair,
que le Christ est venu: c’est pour tous les hommes de tous les temps. Il continue donc de venir. Les textes sont
là indéniables : « Je ne vous
laisserai pas orphelins, je reviendrai vers vous... Si quelqu’un m’aime, il
gardera ma parole et mon Père l’aimera et nous viendrons en lui... » Il vient en chacun de ceux qui veulent bien
le recevoir, selon un mode spirituel, mystérieux, mais réel.
Les
voies qu'il emprunte sont multiples. Il a lui-même institué la principale : les sacrements, l’Eucharistie, entre tous,
le premier. Il en a inspiré une autre: la liturgie.
Sous le
symbolisme des mystères de sa vie qui se déroulent tout au long de l’année, il revit, et ses paroles et ses gestes, à
travers l’Eglise, produisent, dans l’âme bien disposée, l’augmentation de
charité qui le fait venir à un titre nouveau et nous établit nous-mêmes, avec
lui, en des rapports plus intimes.
A Noël,
il vient donc en toute vérité dans l’Eglise et dans les âmes. Il s’ensuit que
notre attente, nos désirs, nos appels peuvent être réels et contribuer
efficacement à le faire venir avec plus de plénitude.
La
troisième solution est basée sur la
venue du Christ dans la gloire à la fin du monde. Vers ce dernier acte de sa
royauté terrestre, toute créature soupire.
Sa naissance à Bethléem en a
été le prélude, sa venue dans les âmes, par les sacrements et la liturgie, en
est la préparation; tout va vers là comme vers sa fin. Les textes liturgiques de
l’Avent peuvent donc être entendus dans le sens de cet ultime avènement. Aussi
bien, les prophètes l’avaient-ils vu en même temps que le premier.
Ici il n’y a plus aucune
difficulté : nous pouvons espérer, désirer, appeler le Christ, car en vérité il
viendra.
De ces
trois solutions, laquelle choisir ? Si le texte n’en impose aucune, chacun est
libre de son choix. Le mieux est de les prendre toutes les trois car elles se
complètent l’une l’autre. Réunissant
ainsi, dans un même acte, le désir du Christ qui est venu, du Christ qui vient
et du Çhrist qui doit venir, on a alors l’idée splendide du Christ total :
Heri, hodie… et in sæcula ;
et les textes prennent tout leur sens et toute leur vie. La mélodie aussi ; car
il n’y a aucun doute que celui qui l’a composée ne les compris de la sorte.
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