dimanche 24 juillet 2016

Miséricorde, avez-vous dit ? Gardons-nous des caricatures qui nous détournent du Ciel !

Lu sur Benoit-et-moi.fr/2016

L’abbé M, un prêtre français, m’envoie cette réflexion que je publie avec grand plaisir, sur ce qu’il voit comme le plus grand danger auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui: la miséricorde évangélique authentique et ses caricatures antichristiques largement diffusées et répandues


Entre vraie et fausse Miséricorde


Abbé M., le 11 juillet 2016

Depuis maintenant des mois, l’ensemble du monde catholique vit au rythme de la dynamique jubilaire censée favoriser une prise de conscience salutaire de la centralité de la miséricorde divine
Mais qu’entend-t-on précisément par cette expression ? 

Mosaïques du choeur de la Basilique du Sacré-Cœur et du Christ-Roi,
appelée au le Vœu national, Montmartre, Paris.
Les divers discours et publications ne l’abordent souvent que de manière trop superficielle, comme pour en atténuer la portée où en réduire l’exigence. Aussi louable que soit la volonté du Pape de renouveler l’Eglise en la plongeant au cœur même du mystère de la foi, cette démarche n’est pas sans danger. En effet, si l’on n’a pas une compréhension globale et juste du mystère de la miséricorde divine, si la clarté théologique en vient à manquer ou, pire encore, si certains voudraient profiter de l’occasion pour lui donner de nouveaux contours, alors cette année risquerait de conduire le peuple de Dieu à une méprise fatale et aux confusions les plus funestes

Le très grave danger qui guette l’Eglise tient en la possibilité d’une promotion caricaturale du plus grand des attributs de Dieu. Si la tentation d’une miséricorde au rabais et dénaturée devenait effective, nous serions alors confrontés à une imposture substantiellement destructrice de l’ensemble de la vie chrétienne

La miséricorde divine est un tryptique où chaque élément est vitalement lié aux deux autres. Ce mystère débute avec la prise de conscience de sa propre misère, de son mal, de son péché. Le premier pas correspond à la reconnaissance lucide du péché présent dans sa vie. Ne pas être capable d’ouvrir les yeux sur son mal et ne pas vouloir poser un diagnostic adéquat, assimile le chrétien au malade qui nie sa maladie. Evidemment, sans maladie le médecin est aussi superflu que la Joconde exposée à la vue d’un aveugle. Le mystère de la miséricorde s’enracine donc dans l’humilité qui accueille et accepte, même douloureusement, la vérité. Qui fait la vérité vient à la lumière affirme le Christ... Cette première étape, absolument essentielle, fait malheureusement souvent défaut dans notre monde sécularisé. Pie XII ne constatait-il pas déjà de son temps la prégnance de l’orgueilleuse négation de la notion même de péché, de cet orgueil qui prétend ne plus avoir besoin du Christ Sauveur ? 

Sainte Marie Madeleine, exemple de tous les Pénitents
qui reçoivent en acte et en vérité la Miséricorde divine.
Le second temps consiste à aller auprès du Seigneur, chargé de son fardeau écrasant, pour implorer humblement son pardon et sa guérison. Seule une disposition intérieure d’ouverture à la Vérité permet à Dieu de déverser sa miséricorde dans le cœur humain de manière à en extirper la gangrène du péché. Il ne peut pleinement agir selon son plan de salut qu’avec le concours de la liberté humaine. La toute-puissance de son Amour infini peut être littéralement muselée par une liberté qui n’en veut pas. Sans le "oui" lucide et confiant de l’homme, Dieu ne peut pratiquement rien pour lui

Le dernier pas consiste en la décision ferme et persévérante de conformer concrètement sa vie à la volonté de Dieu exprimée par ses Commandements. Autrement dit, la miséricorde divine doit nous convertir au sens le plus fort et nous faire prendre le chemin de la sainteté. Zachée a été transformé par cet amour miséricordieux du Christ au point de réparer ses torts au quadruple. A la pécheresse adultère, le Christ a enjoint de ne plus pécher...

Or, il appert qu’aujourd’hui l’accent est mis presque exclusivement sur un seul de ces trois éléments - l’amour miséricordieux de Dieu. Mais l’oubli de l’exigence de la Vérité et l’occultation implicite de l’impératif de notre correspondance aux Commandements divins, font courir à l’Eglise le risque de formuler une conception de la miséricorde sans relation aucune avec sa compréhension bi-millénaire

L’enjeu de cette année est donc immense. L’Eglise ne serait-elle pas dans l’obligation de devoir choisir entre la fidélité au véritable mystère de la miséricorde et sa caricature antichristique ? Entre la fidélité intransigeante à la volonté divine et la manufacturation d’une doctrine sur mesure, compatible avec l’égoïsme étroit du vieil homme ? Une miséricorde qui ne fait plus porter à l’homme des fruits de sainteté ne serait rien de moins que la perversion la plus subtile et la plus destructrice de la foi catholique. Si un peu de levain fait monter toute la pâte, une erreur affectant la pièce maîtresse ruine l’ensemble de l’édifice. Pour le bien du peuple de Dieu, il est donc urgent de démasquer la logique mensongère de cette miséricorde amputée où se mêlent confusément vérité et erreur. Quelle est cette logique?

Elle part de l’affirmation de l’amour infini de Dieu pour nous. C’est vrai ! Elle continue en disant que Dieu aime inconditionnellement l’homme, tel qu’il est et quoi qu’il fasse. C’est encore vrai ! Elle renchérit en faisant remarquer que Dieu fait tout contribuer au plus grand bien de l’homme. C’est toujours vrai !

La parabole du riche et du pauvre Lazare. On peut être infiniment riche
de l'amour de Dieu et Le mépriser. Puisque nous sommes libres,
libres à nous de recevoir en acte et en vérité l'amour de Dieu ou 
de le refuser. Mais à nos risques et périls. Dieu est bon, nous 
sommes libres...
De cela, on en vient à conclure que l’on peut continuer à vivre sans avoir à se convertir, sans devoir changer de vie puisque de toute façon Dieu continue d’aimer le pécheur d’un même amour. Cette miséricorde d’un nouveau type va même jusqu’à admettre que ceux qui vivent en contradiction objective avec la volonté divine peuvent confortablement continuer sur le même chemin. Cela signifie que tout en continuant à vivre dans un état objectif de péché on pourrait bénéficier des grâces divines... Erreur fatale ! Cette conception complètement erronée de la miséricorde est aux antipodes de l’Evangile qui nous dit "convertissez-vous!". Elle contredit deux milles ans d’enseignement chrétien et de pratique pastorale. Si cette vision de la miséricorde s’imposait dans l’Eglise, elle signerait sa reddition sans condition à l’esprit du monde. 

Si la miséricorde dans sa version 2016 devient le prétexte qui cautionne les choix les plus peccamineux et prétend libérer la vie chrétienne des Commandements de Dieu, il faut avoir le courage de dire haut et fort que cette doctrine reflète le visage de l’Antichrist. Cela n’a jamais été le message de l’Evangile et ne le sera jamais.

"C’est ici la persévérance des saints, de ceux qui gardent les Commandement de Dieu et la foi en Jésus" (Ap 14, 12).



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