mercredi 11 novembre 2020

Saint Martin de Tours, apôtre des Gaules, priez pour la France et la paix


D’après « Le Petit Journal » du 12 novembre 1918

 

Comme les horloges tintaient onze coups, hier matin, le ciel fut soudain ébranlé. « Ecoutez !... C’est le canon !... » Et puis les cloches égrenèrent leur carillon joyeux... La Savoyarde, du haut du Sacré-Cœur donnait le branle... Et désormais Paris, tout Paris savait ! Alors... Oh alors !... Ce fut une transfiguration. Une stupeur commença, une envie de pleurer, puis une joie profonde, infinie, qui montait du cœur débordé. Les canons et les cloches célébraient dans le brouillard léger le mariage de leurs sons. Mille canons et mille cloches tonnant et sonnant ensemble ! C’était la grande berloque de la fin de la guerre.

Paris s’est rajeuni de quatre ans en une minute. Il a repris son sourire d’autrefois. Il palpite et vibre. Dans la mer humaine qui roule ses vagues noires et drues de la Bastille à la Concorde, par rangs de cent personnes, qui prennent toute la largeur des boulevards et suppriment la circulation des voitures, il y a des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui chantent, qui rient, qui sautent, qui se pressent, qui se bousculent, s’entourent, se suivent, en groupes surmontés de drapeaux le jour, de lampions la nuit. J’ai vu des gens très sérieux chanter à tue-tête La Madelon. D’autres lancer à pleine voix – et de quel coeur – un refrain nouveau : « Guillaume II à Charenton / Ton taine / Guillaume II à Charenton / Ton ton. » Beaucoup de succès, cette chanson !

Paris a hissé son grand pavois. Les maisons ruissellent de drapeaux alliés. On en voit partout, même dans les cours les plus reculées où personne ne va. Vers 11 heures, lorsque le canon parla, un tas de gens qui faisaient queue pour acheter des pommes de terre désertèrent l’épicerie pour le bazar. Et l’on fit queue pour acheter des drapeaux. Les prix varièrent suivant les heures : à 10 heures, 3fr90 ; à 11 heures, 6 francs ; à 11h30, 10 francs.

 

C’est la fin. Chacun l’exprime à sa manière.

– Vive la classe ! crie un poilu.

– Vive l’armistice ! crie un gosse.

– Je vais rentrer en Amérique, prononce un sammie.

 

Et un ouvrier qui ignore tout de la langue de Mark Twain dit à un Américain qu’il ne connaît pas et à qui il serre vigoureusement la main : « Terminus ! » Ca, c’est l’anglais tel qu’on le parle. La devise de Foch : Veni, vidi, vici. C’est un poilu qui me l’a dit.

Les autobus de la Madeleine-Bastille et Saint-Lazare-Gare de Lyon sont détournés par la rue de Provence et les voies latérales. Des cortèges s’organisent spontanément. Des chants s’élèvent. La Marseillaise frémit, clamée par des milliers de bouches. Des vivats s’entrecroisent.

 

– Vive la France !

– Vive Clemenceau !

– Vive Foch !

– Vive l’armée !

 

Car on ne l’oublie pas la Grande Muette qui a tant saigné pour nous gagner ce jour de gloire ! Ah ! Les soldats sont choyés ! On les embrasse, on les félicite. Ils l’ont si bien gagné ! ~ Et devant de grouillement formidable d’êtres humains on pense instinctivement aux premiers jours de la mobilisation. L’évocation est fidèle. Et les drapeaux ! Les fenêtres, à partir de 11 heures, se sont transformées en bouquets d’étendards. Il y en avait partout. Qui donc disait qu’il n’y avait pas de drapeaux ?

Les taxis, les fiacres, les voitures diverses sont décorés de petits étendards. Les camions militaires anglais et américains dévalent à toute vitesse, recouverts d’un immense drapeau qui fait une bâche multicolore, et leurs capots sont drapés d’étoiles blanches sur fond bleu. Des gens s’abordent avec joie et effusion. On se serre les mains plus longtemps, comme si l’on se retrouvait après une longue absence ~ ou après un danger couru.

 

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