lundi 28 janvier 2013

Saint Thomas d'Aquin, op.


Vitrail.
Saint Thomas écrivant la Somme Théologique.
Les Anges sont des créatures spirituelles, pures, saintes et parfaites, comme Adam et Ève avant la faute. Mais, créés libres, ils sont capables de se pervertir. Réfléchissons un peu sur cette question du Mal qui a fait de certains Anges, des Démons.

Pour cela, le Docteur Angélique, saint Thomas d’Aquin, illustre dominicain, le plus grand théologien de tous les temps, consacré comme le Docteur Commun par le dernier Concile, va nous aider quelque peu.


Somme Théologique, Ia pars, Question 63 :
Le mal des Anges quant à la faute

            Article 1 : Le mal de faute peut-il exister chez l’Ange ?

Nous lisons dans Job (Jb 4,18)  cette parole : « Dieu découvre du mal dans ses anges. »
      
Réponse : L'ange, aussi bien qu'une créature rationnelle quelconque, si on le considère dans sa seule nature, peut pécher ; et, s'il arrive qu'une créature ne puisse pécher, cela lui vient du don de la grâce et non de la condition de sa nature.

La raison en est que le péché n'est pas autre chose qu'une déviation par rapport à la rectitude de l'acte qu'on doit accomplir.

(…) Or la volonté divine seule est la règle de sa propre action, car elle n'est pas ordonnée à une fin supérieure. La volonté de la créature, au contraire, ne parvient à la rectitude de son acte qu'en se réglant sur la volonté divine à laquelle ressortit la fin dernière. Ainsi, le vouloir d'un inférieur doit-il se régler sur le vouloir du supérieur, le vouloir du soldat sur celui de son chef. Dans la seule volonté divine, par conséquent, il ne peut y avoir de péché. En retour, le péché peut exister dans n'importe quelle volonté créée, à ne considérer que sa condition naturelle.

            Article 2 : Quelles sortes de péché peut-il y avoir chez l’Ange ?

S. Augustin écrit que « le démon n'est ni fornicateur, ni ivrogne, ni rien de semblable ; il est cependant orgueilleux et envieux ».

Velasquez, XVIIe.
Saint Thomas soutenu par un bon Ange.
Réponse : Un péché peut se trouver chez un individu de deux manières : sous forme de culpabilité et sous forme d'attachement. Selon la culpabilité, il arrive que tous les péchés existent chez les démons, car, en portant les hommes à les commettre, ils encourent la culpabilité. Selon l'attachement, seuls les péchés qui ont rapport à la nature spirituelle se trouvent chez les anges. Une nature spirituelle, en effet, ne s'attache pas aux biens proprement corporels, mais aux biens qui peuvent se trouver dans les réalités spirituelles. Car on ne désire que ce qui peut convenir de quelque manière à sa propre nature. Or, il n'y a péché à s'attacher aux biens spirituels que si on le fait sans tenir compte de la règle établie par le supérieur. Et c'est un péché d'orgueil de ne pas se soumettre à son supérieur lorsqu'on le doit. C'est pourquoi le premier péché de l'ange ne peut être qu'un péché d'orgueil.

Mais, par voie de conséquence, il a pu y avoir chez lui un péché d'envie. Le même motif, en effet, qui porte l'affectivité à désirer quelque chose, lui fait aussi repousser tout ce qui s'y oppose. Or l'envieux se désole du bien d'autrui parce qu'il y voit un obstacle à son propre bien ; c'est ce qui arrive à l'ange mauvais qui, désirant une excellence singulière, voit cette singularité lui échapper du fait de l'excellence d'un autre. C'est pourquoi, après son péché d'orgueil, l'ange éprouve le péché d'envie, parce qu'il se désole du bien de l'homme ; il en veut même à l'excellence divine, car Dieu utilise ce bien à sa gloire et contrarie ainsi la volonté du diable.

            Article 3 : A cause de quel désir l’Ange a-t-il péché ?

Isaïe (Is 14,13-14)  fait dire au diable : « Je monterai au ciel, et je serai semblable au Très-Haut. » Et S. Augustin écrit que dans son orgueil, le diable « voulut être appelé Dieu ».

Gargouille. Carcassonne
Réponse : Sans aucun doute l'ange a péché en désirant être comme Dieu. Mais cela peut s'entendre d'une double manière : soit par égalité, soit par similitude.

(...) Quant à désirer être comme Dieu par similitude, cela peut se produire de deux façons.
Premièrement, quand un être désire avec Dieu la similitude à laquelle l'ordonne sa nature. En ce sens, il ne pèche pas, à condition toutefois que ce désir soit dans l'ordre, c'est-à-dire l'incline à recevoir de Dieu cette similitude. Il y aurait péché au contraire à considérer comme un droit d'être semblable à Dieu comme si cela dépendait de ses propres forces et non de la Toute-puissance divine.

A un second point de vue, on peut désirer acquérir avec Dieu une ressemblance qui ne nous est pas naturelle, c'est le cas de celui qui voudrait être capable de créer le ciel et la terre, pouvoir qui est propre à Dieu. Un tel désir serait un péché. Et c'est en ce sens que le diable a désiré être comme Dieu ; non pas qu'il ait prétendu n'être, comme Dieu, soumis à qui que ce soit, car en ce cas il eût désiré ne pas être, puisqu'aucune créature ne peut être que soumise à Dieu et participant de lui l'existence. Mais l'ange a désiré ressembler à Dieu en désirant comme fin ultime de sa béatitude ce à quoi il pourrait parvenir par ses forces naturelles, et en détournant son désir de la béatitude surnaturelle qu'il ne pouvait recevoir que de la grâce de Dieu.

Ou bien, s'il a désiré comme fin ultime cette ressemblance avec Dieu que donne la grâce, il a voulu l'avoir par les forces de sa nature, et non la tenir de l'intervention de Dieu et selon les dispositions prises par lui. Et cette opinion est conforme à la manière de voir de S. Anselme pour qui l'ange a désiré ce à quoi il fût parvenu s'il était resté droit. D'ailleurs, les deux opinions reviennent au même ; car dans les deux cas l'ange a désiré posséder sa béatitude dernière par ses propres forces, ce qui n'appartient qu'à Dieu.

Enfin, étant donné que ce qui est par soi est principe et cause de ce qui est dérivé, il suit de là que l'ange a désiré également une certaine principauté sur les créatures, en quoi il a voulu d'une façon perverse s'assimiler à Dieu. Par ce que nous venons de dire, nous avons répondu à toutes les objections.

            Article 8 : Le péché du premier Ange a-t-il causé le péché des autres ?

Il est dit dans l'Apocalypse que le dragon a entraîné avec lui « le tiers des étoiles du ciel ».

Réponse : Le péché du premier ange fut cause du péché des autres, non par mode de coaction, mais par une sorte de suggestion persuasive.
Le signe en est que tous les démons sont soumis au démon suprême, comme le montre manifestement le Seigneur quand il dit (Mt 25,41) : « Allez, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges. » Cela relève de la justice divine en effet, que celui qui a consenti aux suggestions de quelqu'un dans la faute, soit soumis à sa puissance dans le châtiment, selon cette parole de l'Écriture (2P 2,19) : « On est esclave de celui par qui on s'est laissé vaincre. »

Chute des Anges.
Très riches Heures du Duc de Berry. Enluminures.
            Article 9 : Y a-t-il autant d’Anges déchus que d’Anges restés fidèles ?

Il est dit dans l'Écriture (2R 6,16) : « Ceux qui sont avec nous sont plus nombreux que ceux qui sont avec eux », parole que l'on applique aux bons anges qui nous portent secours, et aux mauvais qui nous sont contraires.

Réponse : Il y eut plus d'anges fidèles que de pécheurs. Car le péché va à l'encontre de l'inclination naturelle de la créature ; or, ce qui est contre la nature ne se produit qu'accidentellement dans un petit nombre de cas. La nature, en effet, obtient son résultat soit toujours, soit le plus souvent.


Ière Epître de S. Pierre, chap.5, vv.7-9 

   Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisque le Seigneur s'occupe de vous. 
Soyez sobres, soyez vigilants : votre adversaire, le démon, comme un lion qui rugit, va et vient, à la recherche de sa proie. 
Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances.



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