samedi 31 août 2013

31 août - Naissance au Ciel du vénérable abbé Henri-Marie Boudon, notre fondateur

Le Ciel, coupole de la Cathédrale de Parme

« Vie de Monsieur Boudon », grand Archidiacre d’Evreux, Livre II, chap. 45, par Pierre Collet

Il récita son office jusqu’au samedi qui précéda le jour de sa mort. Pour y supplée en quelque sorte, et s’armer pour le combat des derniers moments, il se fit apporter les reliques de quelques saints qu’il avait toujours spécialement honorés. Et comme, au sortir d’une grande faiblesse, il eut aperçu que sa chambre était pleine de monde, il adressa à un ecclésiastique, qui était auprès de lui, ces paroles qu’il ne pouvait faire entendre à la compagnie :
« Dites à ces messieurs que je les exhorte de tout mon cœur à servir et à aimer Dieu de toutes leurs forces, et que dans la région de Dieu seul où je vais, on reconnaît, et souvent trop tard, qu’il n’y avait que cela à faire dans le monde. »

Enfin, comme on lui eut demandé s’il n’avait besoin de rien : « Non », répondit-il, « je ne veux plus que Dieu seul, tout seul» Ce furent ces dernières paroles.

Un moment après il expira, le jeudi, dernier jour d’août, sur le midi. Il était dans la 79e année de son âge.


Dès que le bruit se fut répandu, on vit tout Evreux fondre dans sa maison, comme pour réparer par un hommage volontaire le peu d’égards qu’on avait eu pour lui dans le temps de sa persécution.

Les grands, aussi bien que les petits, révérèrent comme un saint cet homme que la calomnie leur avait fait regarder comme un malheureux, indigne de vivre. C’était à qui lui baiserait les pieds et les mains, et qui pourrait se saisir de quelque chose qui lui eût appartenu, à qui lui ferait toucher des linges et des chapelets. On ne se laissait point de voir ce corps, qui était le temple de l’Esprit Saint, et qui, à peu près comme celui de saint Paul, portait encore les glorieuses marques de Jésus-Christ. Enfin le concours du peuple, qui venait à flots dans sa chambre, fut si grand, qu’il fallut en laisser la porte ouverte jusqu’à onze heures du soir.

Chapelle des Saints-Anges parée pour la Messe solennelle en l'honneur
de Notre-Dame des Anges du 2 août dernier
Il y eut les chanoines de la Cathédrale et les directeurs du Séminaire une pieuse contestation à qui aurait son corps.
Saint François de Sales
Visitation de Bourg-en-Bresse
Ceux-ci devaient leur établissement à ses instances ; et d’ailleurs il les avait prié par son testament de l’enterrer sous les degrés du grand portail de leur église. Ceux-là l’avaient vu occuper pendant plus de 45 ans une des premières dignités de leur Cathédrale. C’était des droits de part et d’autre, et la cupidité n’y entrait pour rien. Jacques Potier de Novion, qui pour lors était Évêque d’Evreux, termina le différend : il adjugea le corps au chapitre, et le cœur au Séminaire.

Les obsèques du défunt se firent le lendemain avec toute la solennité possible. Il fut enterré dans la chapelle des Saints-Anges, au pied de ce même autel où depuis tant d’années il célébrait si religieusement les divins mystères.

Pour ce qui est de son cœur, il fut placé à côté de la chapelle de Saint-François de Sales (la chapelle de Séminaire qui est actuellement la cour d’assise), dans un lieu élevé, d’où il semble encore annoncé, et aux jeunes ecclésiastiques qui se forment dans cette maison, et aux fidèles qui vont y prier, qu’il n’y a que Dieu seul qui mérite d’être et servi et d’être aimé.

On y a depuis quelques années mis cette inscription (S.Exc.R. Mgr. Bourlier, Évêque d'Evreux, le 6 juillet 1812) :

J.M.J
SOLI DEO.
Hic quiescit
Cor
Venerabilis sacerdotis Henrici Maria
BOUDON,
Doctoris Theologi, Archidiaconi Ebroicencis.
Cor
Jesu et Mariæ immaculatae, et SS. Angelis 
devotissimum.
In variis tribulationibus patientissimum,
In caritate perfectum,
Pretiosum depositum,
Huic Templo sacratissimo Cordi dicato,
Legavit moriens vir juxta cor Dei.
Cui semper in mente, in ore, in scriptis,
Solus Deus, solus Deus, solus Deus.
Obiit pridie kalendas Septembris anno
MDCCII Ætalis LLXIX.


Armoiries de S.Exc.R. Mgr Jean Baptiste Bourlier
Évêque d'Evreux
J(ésus). M(arie). J(oseph)
DIEU SEUL.
Ici repose
le Cœur
du Vénérable prêtre Henri Marie
BOUDON,
Docteur en Théologie, Archidiacre d'Evreux.
Dévôt des Cœurs de Jésus et de Marie immaculée et des Saints Anges.
Patient en toutes ses tribulations,
parfait en charité,
a légué un précieux dépôt,
en mourant selon le Cœur de Dieu,
son cœur à ce temple dédié au Très Sacré Cœur.
"Dieu seul, Dieu seul, Dieu seul"
était toujours dans ses pensées, sa bouche et ses écrits.
Il mourut la veille des Calendes de Septembre,
l'an 1702, âgé de 79 ans



Cœur de Monsieur BOUDON,
en qui l'amour Divin à
triomphé par la Croix.

Les saints Évêques d'Evreux, panneau de bois peint dans la sacristie de la Cathédrale.

Requiescat in pace



dimanche 25 août 2013

25 août - Saint Louis, roi de France, ouverture du 8e centenaire de sa naissance

8ème centenaire de la naissance de Saint Louis


Saint Louis, roi de justice et de paix,
ramenant la Sainte Couronne d'épines confiée
à la garde des Chevaliers de l'Ordre du Saint-
Sépulcre de Jérusalem
Ce grand roi est né à Poissy le 25 avril 1214 à Poissy et rendit son âme au Christ, le Roi des rois, à Tunis, durant la 8e Croisade, le
25 août 1270.

Le dimanche 25 août 2013 marquera l'ouverture de l'année du 8ème centenaire de la naissance de Saint Louis IX de France.


A cette occasion S. Excellence R. Mgr. Aumônier, Evêque de Versailles, célèbrera une Messe pontificale dans sa Cathédrale le dimanche 25 août à 11h, Messe pour laquelle il a invité les chevaliers du Saint Sépulcre et les chevaliers de Malte à assister en délégations.

Prions pour la France !




S. Eminence le Cardinal Pie,
Evêque de Poitiers
Panégyrique de S. Louis, roi de France, prêché par le cardinal Pie

Prononcé dans la cathédrale de Blois, le dimanche 29 août 1847 et dans la cathédrale de Versailles le dimanche 27 août 1848.


Les croisades, mes Frères, on nous demande de les désavouer ! Eh ! quoi donc ? le détracteur des croisades est-il encore chrétien ? est-il encore Français ? lui qui jette un outrage à dix siècles de l'histoire de l'Église, à dix siècles de l'histoire de France.

Godefroy de Bouillon,
Avoué du Saint-Sépulcre de Jérusalem
Les croisades ? Mais, sans avoir toujours porté ce nom, elles n'ont jamais été interrompues depuis Charles Martel jusqu'à Sobieski ; et entre ces deux grands noms sont venus se ranger les noms de Charlemagne, de Godefroy de Bouillon, de Tancrède, de Philippe-Auguste, de saint Louis, et mille autres noms couronnés par ceux du grand-maître La Valette, et de Don Juan vainqueur sur le golfe de Lépante.   

Les croisades ? Mais c'est l'œuvre de la papauté et des conciles, depuis Urbain II et son incomparable discours dans le concile de Clermont, jusqu'à saint Pie V et son ardente prière suivie d'une céleste révélation ; c'est l'œuvre qu'ont applaudie, encouragée tous les saints, depuis saint Bernard enflammant l'ardeur de Louis le Jeune et de tous les évêques et barons assemblés dans la cathédrale de Chartres, jusqu'à saint François de Sales prêchant dans Notre-Dame de Paris l'éloge funèbre d'Emmanuel de Mercœur, le dernier des croisés français, et cherchant à rallumer dans l'âme d'Henri IV une dernière étincelle de ce feu sacré qui allait s'éteindre.

Fermail, fleur de lys
Les croisades ? Je dis plus, c'est l'œuvre de Dieu, de Dieu lui-même, tranchant la question par les miracles, les prodiges les plus authentiques. Dieu le veult, Dieu le veult ! s'écriaient les peuples à la voix du pontife suprême. Comment le savaient-ils, sinon parce que Dieu avait parlé ? Mes Frères, c'est une grande témérité à des chrétiens de revenir sur la chose jugée, jugée dans le conseil sublime des cieux, notifiant la sentence par d'incontestables merveilles enregistrées dans l'histoire en caractères indélébiles. 

Nous ne sommes plus au temps des croisades, me dites-vous ? Je l'avoue ; car l'iniquité se répand partout, le scandale de la mauvaise foi et de la déloyauté est à son comble. Chaque matin ajoute une nouvelle révélation aux révélations de la veille ; et la société ne se guérira de cette lèpre que par une croisade de la justice selon l'Évangile.

Nous ne sommes plus au temps des croisades, c'est vrai ; car, en ce siècle d'argent, un grand nombre de cœur sont devenus d'airain et de fer. La louable bienfaisance d'une partie de la nation ne peut suffire à combler l'abîme de la misère publique, creusé d'un côté par les emportements du luxe, de l'autre par les exactions barbares de la spéculation ; et la société ne sortira de ce cruel malaise que par une croisade que je prêche à toutes les âmes généreuses, la croisade de l'abnégation et de la charité selon l'Évangile.

Saint Louis en partance pour l'Egypte
Nous ne sommes plus au temps des croisades, rien de plus certain ; car l'esclavage renaît tous les jours parmi nous, il n'y manque que le nom. Toujours la même cause ramènera le même effet. L'égalité est dans les lois, la servitude est dans les mœurs. Sans parler du plus odieux des monopoles, celui de l'enseignement, le despotisme de la matière et la féodalité de l'industrie font peser sur le travail un joug plus accablant qu'il ne l'avait jamais porté dans notre ancienne France ; et ce servage nouveau, ce servage des corps et des âmes ne cessera que par une croisade que je prêche à toutes les âmes vraiment et saintement amies de l'humanité, la croisade de l'affranchissement et de la liberté selon l'Évangile.

Sainte Chapelle, Paris.
Saint Louis la fit construire pour être le reliquaire de la
sainte Couronne d'épines.
Enfin, nous ne sommes plus au temps des croisades, je le proclame aussi haut que vous ; car le nom de Dieu est méconnu, Jésus-Christ est un étranger parmi nous ; nous regardons la vérité comme si peu de chose que nous ne voudrions pas dépenser pour elle une obole, ni verser une goutte de sang. Qu'une mine, je ne dis pas d'or ou d'argent, mais de la plus vile matière, soit découverte en Asie, l'océan ne suffira pas aux flottes de croisés qui s'élanceront vers ces lointains climats : âmes abaissées qui ne s'enthousiasment que pour les expéditions du lucre, et qui ne s'enrôlent que sous l'oriflamme de la fortune. Or, cependant, la société ne vit pas seulement de pain, mais de doctrine ; et sans l'aliment de la doctrine, elle meurt d'inanition et de défaillance.

Couronne de Saint Louis IX
de France
Telle est notre situation présente ; et nous n'en sortiront que par une croisade que je prêche à tous mes concitoyens sans distinctions, la croisade du courage chrétien, croisade de retour à la foi de nos pères, à la religion de saint Louis. Le salut et l'honneur de notre société le commandent. Au milieu de nos divisions, nous n'avons qu'un signe de ralliement, l'étendard de nos ancêtres, c'est-à-dire la croix de Jésus-Christ.

Que tous les fils de la France marchent comme autrefois à la suite de ce signe vénéré, que la croix de Jésus-Christ soit vivante dans leurs cœurs et dans leurs œuvres comme elle brille encore sur la poitrine de leurs braves, bientôt nous aurons retrouvé ici-bas la paix, la liberté, l'honneur, que je vous souhaite à tous, avec la bénédiction de Monseigneur.

Emile Signol, le débarquement de saint Louis en Egypte


La Prière des Francs

Dieu Tout-Puissant et éternel,
Qui avez établi l'empire des Francs pour être dans le monde
L'instrument de votre divine volonté,
Le glaive et le bouclier de votre sainte Eglise,
Nous vous en prions, prévenez toujours et partout de votre céleste lumière,
Les fils suppliants des Francs,
Afin qu'ils voient ce qu'il faut faire pour réaliser votre règne en ce monde,
Et que pour accomplir ce qu'ils ont vu,
Ils soient remplis de charité, de force et de persévérance.
Par Jésus-Christ Notre-Seigneur, Amen.





jeudi 22 août 2013

Le couronnement de Marie, Vierge, Reine et Mère

Homélie prononcée au Concile Éphèse (431)

en l’honneur de Marie,
Mère de Dieu


Nous te saluons, sainte Trinité mystérieuse, qui nous as tous convoqués dans cette Église de sainte Marie Mère de Dieu !

Nous te saluons, Marie, Mère de Dieu, trésor sacré de tout l’univers, astre sans déclin, couronne de la virginité, sceptre de la foi orthodoxe, temple indestructible, demeure de l’incommensurable, Mère et Vierge, à cause de qui est appelé béni dans les saints Évangiles, celui qui vient au nom du Seigneur.


Nous te saluons, toi qui as contenu dans ton sein virginal celui que les cieux ne peuvent contenir ; toi par qui la Trinité est glorifiée et adorée sur toute la terre ; par qui le ciel exulte ; par qui les anges et les archanges sont dans la joie ; par qui les démons sont mis en déroute ; par qui le tentateur est tombé du ciel ; par qui la créature déchue est élevée au ciel ; par qui le monde entier, captif de l’idolâtrie, est parvenu à la connaissance de la vérité ; par qui le saint baptême est accordé à ceux qui croient, avec l’huile d’allégresse ; par qui, sur toute la terre, les Églises ont été fondées ; par qui les nations païennes sont amenées à la conversion.


Et que dirai-je encore ? C’est par toi que la lumière du Fils unique de Dieu a brillé pour ceux qui demeuraient dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort ; c’est par toi que les prophètes ont annoncé l’avenir, que les Apôtres proclament le salut aux nations, que les morts ressuscitent, et que règnent les rois, au nom de la sainte Trinité. Y a-t-il un seul homme qui puisse célébrer dignement les louanges de Marie ? Elle est mère et vierge à la fois. Quelle merveille ! Merveille qui m’accable ! Qui a jamais entendu dire que le constructeur serait empêché d’habiter le temple qu’il a lui-même édifié ? Osera-t-on critiquer celui qui donne à sa servante le titre de Mère ? Voici donc que le monde entier est dans la joie. 

Qu’il nous soit donné de vénérer et d’adorer l’unité, de vénérer et d’honorer l’indivisible Trinité en chantant les louanges de Marie toujours Vierge, c’est-à-dire du saint temple, et celles de son Fils et de son Époux immaculé : car c’est à lui qu’appartient la gloire pour les siècles des siècles. Amen.





mercredi 21 août 2013

Fête du Pape Saint Pie X - Saint Pontife, priez pour la France


Saint Pie X, médaillon de mosaïques,
Basilique de l'Immaculée Conception, Lourdes
VEHEMENTER NOS


Extraits de la lettre Encyclique de Sa Sainteté le Pape PIE X au peuple français



Vénérables frères, bien aimés fils, salut et bénédiction apostolique.

Notre âme est pleine d'une douloureuse sollicitude et notre cœur se remplit d'angoisse quand notre pensée s'arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens séculaires par lesquels votre nation était unie au siège apostolique, crée à l'Eglise catholique, en France, une situation indigne d'elle et lamentable à jamais. (…) Pour vous, vénérables frères, elle n'aura été bien certainement ni une nouveauté, ni une surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux et si redoutables tour à tour portés par l'autorité publique à la religion.

Vous avez vu violer la sainteté et l'inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions législatives en contradiction formelle avec elles, laïciser les écoles et les hôpitaux, arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique pour les astreindre au service militaire, disperser et dépouiller les congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au dernier dénuement. D'autres mesures légales ont suivi, que vous connaissez tous. On a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session parlementaire et à la rentrée des tribunaux, supprimé les signes traditionnels à bord des navires le Vendredi Saint, effacé du serment judiciaire ce qui en faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de l'armée, de la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème qui pouvait, d'une façon quelconque, rappeler la religion.

Ces mesures et d'autres encore qui peu à peu séparaient de fait l'Eglise de l'Etat n'étaient rien autre chose que des jalons placés dans le but d'arriver à la séparation complète et officielle.

Le visage de la France maçonnique
(…) Qu'il faille séparer l'Etat de l'Eglise, c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en effet, sur ce principe que l'Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux, elle est tout d'abord très gravement injurieuse pour Dieu, car le créateur de l'homme est aussi le fondateur des sociétés humaines et il les conserve dans l'existence comme il nous soutient.
Nous lui devons donc, non seulement un culte privé, mais un culte public et social, pour l'honorer.

En outre, cette thèse est la négation très claire de l'ordre surnaturel; elle limite, en effet, l'action de l'Etat à la seule poursuite de la prospérité publique durant cette vie, qui n'est que la raison prochaine des sociétés politiques, et elle ne s'occupe en aucune façon, comme lui étant étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à l'homme quand cette vie si courte aura pris fin. Et pourtant, l'ordre présent des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à la conquête de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.

Cette thèse bouleverse également l'ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés. Ces deux sociétés, la société religieuse, et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets, quoique chacune d'elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux. (…) La notion du vrai en serra troublée et les âmes remplies d'une grande anxiété.

Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps lorsqu'on n'y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine maîtresse quand il s'agit des droits de l'homme et de ses devoirs. Aussi, les pontifes romains n'ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

(…) Que si en se séparant de l'Eglise, un Etat chrétien, quel qu'il soit, commet un acte éminemment funeste et blâmable, combien n'est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie, alors que, moins encore que toutes les autres nations, elle n'eût dû y entrer, la France, disons-nous, qui, dans le cours des siècles, a été, de la part de ce siège apostolique, l'objet d'une si grande et si singulière prédilection, la France, dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la pratique des mœurs chrétiennes et au respect de la religion.
Notre Dame de France, ayez pitié
de la France
Le même pontife Léon XIII avait donc bien raison de dire: "La France ne saurait oublier que sa providentielle destinée l'a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et trop anciens pour qu'elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet, sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette union traditionnelle serait enlever à la nation elle-même une partie de sa force morale et de sa haute influence dans le monde". (Allocution aux pèlerins français, 13 avril 1888.)

(…) Le Concordat passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre, que les Etats concluent entre eux, était un contrat bilatéral, qui obligeait des deux côtés: le Pontife romain d'une part, le chef de la nation française de l'autre, s'engagèrent donc solennellement, tant pour eux que pour leurs successeurs, à maintenir inviolablement le pacte qu'ils signaient. Il en résultait que le Concordat avait pour règle la règle de tous les traités internationaux, c'est-à-dire le droit des gens, et qu'il ne pouvait, en aucune manière, être annulé par le fait de l'une seule des deux parties ayant contracté.
Le Saint-Siège a toujours observé avec une fidélité scrupuleuse les engagements qu'il avait souscrits et, de tout temps, il a réclamé que l'Etat fit preuve de la même fidélité. C'est là une vérité qu'aucun juge impartial ne peut nier. Or, aujourd'hui, l'Etat abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu'il avait signé. Il transgresse ainsi la foi jurée et, pour rompre avec l'Eglise, pour s'affranchir de son amitié, ne reculant devant rien, il n'hésite pas plus à infliger au Siège apostolique l'outrage qui résulte de cette violation du droit des gens qu'à ébranler l'ordre social et politique lui-même, puisque, pour la sécurité réciproque de leurs rapports mutuels, rien n'intéresse autant les nations qu'une fidélité irrévocable dans le respect sacré des traités.

(…) C'est pourquoi, Nous souvenant de notre charge apostolique et conscient de l'impérieux devoir qui nous incombe de défendre contre toute attaque et de maintenir dans leur intégrité absolue les droits inviolables et sacrés de l'Eglise, en vertu de l'autorité suprême que Dieu nous a conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, nous réprouvons et nous condamnons la loi votée en France sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu'elle renie officiellement, en posant en principe que la République ne reconnaît aucun culte.
Nous la réprouvons et condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l'Eglise, à ses droits essentiels, à sa liberté, comme renversant la justice et foulant aux pieds les droits de propriété que l'Eglise a acquis à des titres multiples et, en outre, en vertu du Concordat.
Nous la réprouvons et condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège apostolique, pour notre personne, pour l'épiscopat, pour le clergé et pour tous les catholiques français.
En conséquence, nous protestons solennellement de toutes nos forces contre la proposition, contre le vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu'elle ne pourra jamais être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l'Eglise pour les infirmer.

(…) Assurément, profonde est notre tristesse (…) Mais, pour nous garder au milieu des sollicitudes si accablantes contre toute affliction excessive et contre tous les découragements, nous avons le ressouvenir de la Providence divine toujours si miséricordieuse et l'espérance mille fois vérifiée que jamais Jésus-Christ n'abandonnera son Eglise, que jamais, il ne la privera de son indéfectible appui. Aussi, sommes-nous bien loin d'éprouver la moindre crainte pour cette Eglise. Sa force est divine comme son immuable stabilité.

(…) Plaise à Dieu qu'aux applaudissements de tous les gens de bien, ils ne tardent pas à rendre à la religion, source de civilisation et de prospérité pour les peuples, avec l'honneur qui lui est dû, la liberté ! En attendant, et aussi longtemps que durera une persécution oppressive, revêtus des armes de lumière (Rom. XIII, 12), les enfants de l'Eglise doivent agir de toutes leurs forces pour la vérité et pour la justice. C'est leur devoir toujours! C'est leur devoir aujourd'hui plus que jamais ! Dans ces saintes luttes, vénérables Frères, vous qui devez être les maîtres et les guides de tous les autres, vous apporterez toute l'ardeur de ce zèle vigilant et infatigable, dont de tout temps l'Episcopat français a fourni à sa louange des preuves si connues de tous; mais par-dessus tout, nous voulons, car c'est une chose d'une importance extrême, que, dans tous les projets que vous entreprendrez pour la défense de l'Eglise, vous vous efforciez de réaliser la plus parfaite union de cœur et de volonté ! (…) Poursuivez cependant l'œuvre salutaire que vous faites, ravivez le plus possible la piété parmi les fidèles, promouvez et vulgarisez de plus en plus l'enseignement de la doctrine chrétienne, préservez toutes les âmes qui vous sont confiées des erreurs et des séductions qu'aujourd'hui elles rencontrent de tant de côtés ; instruisez, prévenez, encouragez, consolez votre troupeau; acquittez-vous enfin vis-à-vis de lui de tous les devoirs que vous impose votre charge pastorale.

(…) Et maintenant, c'est à vous que nous nous adressons, catholiques de France; que notre parole vous parvienne à tous comme un témoignage de la très tendre bienveillance avec laquelle nous ne cessons pas d'aimer votre pays et comme un réconfort au milieu des calamités redoutables qu'il va vous falloir traverser.
Vous savez le but que se sont assigné les sectes impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car elles l'ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace : " Décatholiciser la France ". Elles veulent arracher de vos cœurs, jusqu'à la dernière racine, la foi qui a comblé vos pères de gloire, la foi qui a rendu votre patrie prospère et grande parmi les nations, la foi qui vous soutient dans l'épreuve qui maintient la tranquillité et la paix à votre foyer et qui vous ouvre la voie vers l'éternelle félicité. 

C'est de toute votre âme, vous le sentez bien, qu'il vous faut défendre cette foi.
Pour nous, aussi longtemps que vous aurez à lutter contre le danger, nous serons de cœur et d'âme au milieu de vous. Labeurs, peines, souffrances, nous partagerons tout avec vous et, adressant en même temps au Dieu qui a fondé l'Eglise et qui la conserve, nos prières les plus humbles et les plus instantes, nous le supplierons d'abaisser sur la France un regard de miséricorde, de l'arracher aux flots déchaînés autour d'elle et de lui rendre bientôt, par l'intercession de Marie Immaculée, le calme et la paix. Comme présage de ces bienfaits célestes et pour vous témoigner notre prédilection toute particulière, c'est de tout cœur que nous vous donnons notre bénédiction apostolique, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et au peuple français tout entier.

Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, le 11 février de l'année 1906, de notre pontificat la troisième.