dimanche 10 janvier 2016

Baptême du Seigneur dans les eaux du Jourdain

Baptême du Seigneur, par G. B. Gaulli, XVIIe
"Vous êtes tous des enfants de la lumière et des enfants du jour; nous ne sommes pas de la nuit ni des ténèbres. " (I Thess. V,5)


Cette foi qui m'attend au bord de mon tombeau,
Hélas ! il m'en souvient, plana sur mon berceau.
De la terre promise immortel héritage,
Les pères à leurs fils l'ont transmis d'âge en âge.

Notre esprit la reçoit à son premier réveil,
Comme les dons d'en haut, la vie et le soleil ;
Comme le lait de l'âme, en ouvrant la paupière,
Elle a coulé pour nous des lèvres d'une mère ;
Elle a pénétré l'homme en sa tendre saison ;
Son flambeau dans les cœurs précéda la raison.

L'enfant, en essayant sa première parole,
Balbutie au berceau son sublime symbole,
Et, sous l'œil maternel germant à son insu,
Il la sent dans son cœur croître avec la vertu.

Ah ! si la vérité fut faite pour la terre,
Sans doute elle a reçu ce simple caractère ;
Sans doute dès l'enfance offerte à nos regards,
Dans l'esprit par les sens entrant de toutes parts,
Comme les purs rayons de la céleste flamme
Elle a dû dès l'aurore environner notre âme,
De l'esprit par l'amour descendre dans les cœurs,
S'unir au souvenir, se fondre dans les mœurs ;
Ainsi qu'un grain fécond que l'hiver couvre encore,
Dans notre sein longtemps germer avant d'éclore,
Et, quand l'homme a passé son orageux été,
Donner son fruit divin pour l'immortalité.

Par le saint Baptême, la vie divine nous est donnée.
Soyons des saints !
Soleil mystérieux ! flambeau d'une autre sphère,
Prête à mes yeux mourants ta mystique lumière,
Pars du sein du Très-Haut, rayon consolateur.

Astre vivifiant, lève-toi dans mon cœur !
Hélas ! je n'ai que toi ; dans mes heures funèbres,
Ma raison qui pâlit m'abandonne aux ténèbres ;
Cette raison superbe, insuffisant flambeau,
S'éteint comme la vie aux portes du tombeau;
Viens donc la remplacer, ô céleste lumière !
Viens d'un jour sans nuage inonder ma paupière ;
Tiens-moi lieu du soleil que je ne dois plus voir,
Et brille à l'horizon comme l'astre du soir. 

Alphonse de Lamartine




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