Sa Sainteté le Pape Pie XI |
Lettre apostolique de Sa Sainteté le Pape Pie XI (22 mars 1922)
Galliam,
Ecclesiae filiam primogenitam
Pour
perpétuelle mémoire.
Les Pontifes
romains Nos prédécesseurs ont toujours, au cours, des siècles, comblé des
marques particulières de leur paternelle affection la France, justement appelée la fille aînée de l’Eglise. Notre
prédécesseur de sainte mémoire le Pape Benoît XV, qui eut profondément à cœur
le bien spirituel de la France, a pensé à donner à cette nation noble entre
toutes, un gage spécial de sa bienveillance.
En effet,
lorsque, récemment, Nos vénérables frères les cardinaux, archevêques et évêques
de France, d’un consentement unanime, lui eurent transmis par Notre vénérable
Frère Stanislas Touchet, évêque d’Orléans, des supplications ardentes et
ferventes pour qu’il daignât proclamer
patronne principale de la nation française la bienheureuse Vierge Marie reçue
au ciel, et seconde Patronne céleste sainte Jeanne, pucelle d’Orléans,
Notre prédécesseur fut d’avis de répondre avec bienveillance à ces pieuses
requêtes. Empêché par la mort, il ne put réaliser le dessein qu’il avait conçu.
Mais à Nous, qui venons d’être élevé par la grâce divine sur la chaire sublime
du Prince des apôtres, il Nous est doux et agréable de remplir le vœu de Notre
très regretté prédécesseur et, par Notre autorité suprême, de décréter ce qui
pourra devenir pour la France une cause de bien, de prospérité et de bonheur.
Il est certain,
selon un ancien adage, que « le royaume de France » a été appelé le « royaume
de Marie », et cela à juste titre. Car,
depuis les premiers siècles de l’Eglise jusqu’à notre temps, Irénée et Eucher
de Lyon, Hilaire de Poitiers, Anselme, qui de France passa en Angleterre comme
archevêque, Bernard de Clairvaux, François de Sales, et nombre d’autres saints
docteurs, ont célébré Marie et, ont contribué à promouvoir et à amplifier à
travers la France le culte de la Vierge Mère de Dieu. A Paris, dans la très
célèbre Université de Sorbonne, il est historiquement prouvé que dès le XIIIe
siècle la Vierge a été proclamée conçue sans péché.
Assomption et couronnement de Notre Dame, Musée de l'Ermitage |
Même les
monuments sacrés attestent d’éclatante manière l’antique dévotion du peuple à
l’égard de la Vierge : trente-quatre églises cathédrales jouissent du titre de
la Vierge Mère de Dieu ; parmi lesquelles on aime à rappeler comme les plus
célèbres celles qui s’élèvent à Reims, à
Paris, à Amiens, à Chartres, à Coutances et à Rouen. L’immense affluence
des fidèles accourant de loin chaque année, même de notre temps, aux
sanctuaires de Marie, montre clairement ce que peut dans le peuple la piété
envers la Mère de Dieu, et plusieurs fois par an la basilique de Lourdes, si vaste qu’elle soit, paraît
incapable de contenir les foules innombrables de pèlerins.
La Vierge Mère en personne, trésorière auprès de Dieu
de toutes les grâces, a semblé, par des apparitions répétées, approuver et
confirmer la dévotion du peuple français.
Bien plus, les
principaux et les chefs de la nation se sont fait gloire longtemps d’affirmer
et de défendre cette dévotion envers la Vierge. Converti à la vraie foi du Christ, Clovis s’empresse, sur les ruines
d’un temple druidique, de poser les fondements de l’église Notre-Dame,
qu’acheva son fils Childebert. Plusieurs temples sont dédiés à Marie par
Charlemagne. Les ducs de Normandie
proclament Marie Reine de la nation. Le Roi saint Louis récite dévotement
chaque jour l’office de la Vierge. Louis XI, pour l’accomplissement d’un vœu,
édifie à Cléry un temple à Notre-Dame. Enfin Louis XIII consacre le royaume de
France à Marie et ordonne que chaque année, en la fête de l’Assomption de la
Vierge, on célèbre dans tous les diocèses de France de solennelles fonctions
; et ces pompes solennelles, Nous n’ignorons pas qu’elles continuent de se
dérouler chaque année.
En ce qui
concerne la Pucelle d’Orléans, que Notre prédécesseur a élevée aux suprêmes
honneurs des saints, personne ne peut mettre en doute, que ce soit sous les
auspices de la Vierge, qu’elle ait reçu et remplit mission de sauver la France.
Car d’abord, c’est sous le patronage de Notre-Dame de Bermont, puis sous celui
de la Vierge d’Orléans, enfin de la Vierge de Reims, qu’elle entreprit d’un
cœur viril, une si grande œuvre, qu’elle demeura sans peur en face des épées
dégainées et sans tache au milieu de la licence des camps, qu’elle délivra sa
patrie du suprême péril et rétablit le sort de la France. C’est après en avoir reçu le conseil de ses voix célestes qu’elle
ajouta sur son glorieux étendard le nom de Marie à celui de Jésus, vrai Roi de
France. Montée sur le bûcher, c’est en murmurant au milieu des flammes, en un
cri suprême, les noms de Jésus et de Marie, qu’elle s’envola an ciel. Ayant
donc éprouvé le secours évident de la Pucelle d’Orléans, que la France reçoive
la faveur de cette seconde patronne céleste : c’est ce que réclament le clergé
et le peuple, ce qui fut déjà agréable à Notre prédécesseur et qui Nous plaît à
Nous-mêmes.
Dormition et Assomption de Notre Dame, par Juan Martin Cabezalero. |
C’est pourquoi, après avoir
pris les conseils de Nos vénérables Frères les cardinaux de la sainte Eglise
romaine préposés aux Rites, motu proprio, de science certaine et après mûre
délibération, dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, par la force des
présentes et à perpétuité :
Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le
titre de son Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie comme
principale patronne de toute la France auprès de Dieu, avec tous les privilèges
et les honneurs que comportent ce noble titre et cette dignité.
De plus,
écoutant les vœux pressants des évêques, du clergé et des fidèles des diocèses
et des missions de la France,
Nous déclarons avec la plus grande joie et établissons Pucelle d’Orléans
admirée et vénérée spécialement par tous les catholiques de France comme
l’héroïne de la patrie, sainte Jeanne d’Arc, vierge, patronne secondaire de la
France,
choisie par le
plein suffrage du peuple, et cela encore d’après Notre suprême autorité
apostolique, concédant également tous les honneurs et privilèges que comporte
selon le droit ce titre de seconde patronne.
En conséquence,
Nous prions Dieu, auteur de tous les biens, que, par l’intercession de ces deux
célestes patronnes, la Mère de Dieu élevée au ciel et sainte Jeanne d’Arc,
vierge, ainsi que des autres saints patrons des lieux et titulaires des
églises, tant des diocèses que des missions, la France catholique, ses
espérances tendues vers la vraie liberté et son antique dignité, soit vraiment
la fille première-née de l’Eglise romaine ; qu’elle échauffe, garde, développe par la pensée, l’action, l’amour,
ses antiques et glorieuses traditions pour le bien de la religion et de la
patrie.
Couronnement de Notre Dame par la Trinité Sainte, détail d'ornements liturgiques |
Nous concédons
ces privilèges, décidant que les présentes Lettres soient et demeurent toujours
fermes, valides et efficaces, qu’elles obtiennent et gardent leurs effets
pleins et entiers, qu’elles soient, maintenant et dans l’avenir, pour toute la
nation française le gage le plus large des secours célestes, qu’ainsi il en
faut juger définitivement, et que soit tenu pour vain dès maintenant et de nul
effet pour l’avenir tout ce qui porterait atteinte à ces décisions, du fait de
quelque autorité que ce soit, sciemment ou inconsciemment.
Nonobstant toutes choses contraires.
Nonobstant toutes choses contraires.
Donné à Rome,
près de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 22 du mois de mars de
l’année 1922, la première de Notre pontificat.
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