Sede Vacante Prions pour les Cardinaux |
Les 4e dimanche de Carême et 3e dimanche de l'Avent, l'Eglise célèbre en ornements roses.
Le violet de la pénitence s'atténue du blanc de la solennité pour nous redonner courage par le rose de la joie.
La moitié du Carême est passée. Dans la joie, montons avec notre Seigneur à Jérusalem.
La Trinité vêtue de rose. Manuscrit de Bourges. |
Vénérable abbé Henri Marie Boudon,
« Les saintes voies de la Croix »
Livre I, chapitre 5
Si la voie de la croix est nécessaire au salut, quel plus grand bonheur que d'y être !
Et au contraire, y a-t-il malheur comparable à celui de n'y pas être ?
Mais si c'est le grand chemin royal, comme il a été montré, n'est-ce pas un grand bonheur que d'y
marcher en assurance ? C'est pourquoi, comme nous le dirons, la croix
est la véritable marque de la prédestination.
Greco. Le Christ aux outrages. Le peintre a choisi la couleur rouge de l'Esprit Saint, du martyre et de la charité, pour habiller le Christ qui se donne en hostie sainte pour le Salut du monde. |
(…) Celui qui a la croix a
tout. Elle purifie, et satisfait ; elle délivre, et sauve ; elle
embellit, et orne ; elle enrichit, et ennoblit. Elle est utile aux bons et
aux vicieux, parce qu'elle fait avancer à la vertu les uns, et qu'elle purifie
les autres de leurs fautes, et leur en obtient le pardon.
(…) Or, la grâce de Jésus est une
grâce qui cloue et qui attache à la croix. L'esprit de la croix est
l'esprit de notre esprit ; il est la vie de notre vie. Ceux qui souffrent
davantage, dit un serviteur de Dieu, accomplissent plus ce qui manque à la
passion du Fils de Dieu, car il lui manque que le fruit en soit appliqué :
l'application d'une grâce qui prend sa source dans les souffrances, se fait
beaucoup mieux par les croix, que par une autre voie.
(…) Mais c'est une vérité de foi, que la béatitude de cette vie
consiste dans les larmes. Bienheureux ceux qui pleurent (Matth.
V, 5) dit la Vérité même. (…) Ô quel bonheur ! Ô le bonheur ! Ô
le souverain bonheur ! Plusieurs des chapitres de ce petit ouvrage,
donneront assez de lumière sur cette vérité.
Cela est difficile
à comprendre, dira quelqu'un. Voici ce que le
grand prélat répond à cette difficulté (…) au chapitre 6 du même livre (NB. La Lutte spirituelle) : Qui ne
sait que les arbres, plus battus des
vents, jettent de plus profondes racines ; que l'encens ne jette son odeur que quand il est brûlé ; que la vigne ne profite que quand elle est
taillée ? Pourquoi tant de fléaux, tant de pauvretés, de pestes, de famines,
de guerres, et d'autres misères, si ce n'est pour le bien des élus ? Le
Fils de Dieu n'a-t-il pas mis la consommation de notre salut dans la
consommation de ses souffrances, et le délaissement même du Père éternel ?
vue de Jérusalem depuis le Mont des Oliviers, de la chapelle du Dominus flevit (le Seigneur pleura) |
Mais les souffrances, répliquera-t-on, ne sont pas la fin des
états spirituels. Il est bien vrai ; mais ce sont les moyens qui y
conduisent. (…) Les croix sont toujours avantageuses, parce qu'elles servent à
l'augmentation de la grâce, de l'amour de Dieu, du mérite et de la gloire.
(…) On objectera encore ces paroles de l'Apôtre : Réjouissez-vous
tous au Seigneur (Philip.
IV, 4) ; et on en conclura que le
bonheur est donc dans la joie. Mais il est facile de répondre à cette
objection : (…) Le Seigneur jouissait donc d'une joie inénarrable
dans la suprême partie de son âme, en même temps qu'il souffrait les tourments
les plus grands qui furent jamais.
Ce qui marque bien que la joie dans la cime de l'âme peut s'allier avec tous
les états intérieurs les plus pénibles. Et dans le temps que notre bon maître
était si délaissé de son Père qu'il s'en plaignit publiquement, n'est-il pas
vrai que la gloire de son âme était égale et qu'elle possédait la joie de la
vision béatifique !
Il faut donc dire que la joie continuelle à laquelle l'Apôtre exhorte n'est autre que celle qui réside en la suprême partie de l'âme, par une entière conformité à la volonté divine ; joie qui souvent est imperceptible, qui n'est nullement aperçue, ainsi qui laisse l'âme dans la désolation, qui ne sait en plusieurs états si elle est résignée au bon plaisir divin, qui ne connaît pas ce qui se passe dans son fond, tout cet acte réfléchi lui étant ôté. Cette joie était véritablement dans ces saintes âmes qui ont souffert des peines d'esprit jusqu'à la mort ; mais comme elle n'était nullement aperçue, elle n'en recevait aucune consolation.
Il faut donc dire que la joie continuelle à laquelle l'Apôtre exhorte n'est autre que celle qui réside en la suprême partie de l'âme, par une entière conformité à la volonté divine ; joie qui souvent est imperceptible, qui n'est nullement aperçue, ainsi qui laisse l'âme dans la désolation, qui ne sait en plusieurs états si elle est résignée au bon plaisir divin, qui ne connaît pas ce qui se passe dans son fond, tout cet acte réfléchi lui étant ôté. Cette joie était véritablement dans ces saintes âmes qui ont souffert des peines d'esprit jusqu'à la mort ; mais comme elle n'était nullement aperçue, elle n'en recevait aucune consolation.
(…) Ce que tant de miracles n'avaient pu faire, il l'a fait par la
croix : marque donc qu'elle renferme quelque chose de plus grand que ce
qu'il y a de plus merveilleux et de plus miraculeux en cette vie. Mais écoutons
ce divin maitre, parlant à tous ses disciples : Si
quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même et porte sa croix. (Matth.
XVI, 24). Il ne dit pas : Ayez de
hautes contemplations, de belles lumières, des consolations et des joies
spirituelles : il ne demande que la croix, et pour prévenir la mauvaise
réponse de ces personnes qui disent que cela est bon pour un temps, il ne
limite point son ordre à de certains âges, conditions ou états intérieurs ;
mais il prononce généralement à tous ceux de sa suite, qu'ils doivent porter la
croix ; et pour ôter tout doute, un évangéliste rapporte qu'il disait
qu'il fallait porter sa croix tous les jours.
Voilà une décision bien nette. Il le faut bien, puisque le même divin
maître nous assure que comme son Père l'a envoyé, il nous envoie. Si donc il a été envoyé pour souffrir, nous
sommes aussi en ce monde pour la peine. Que ces personnes qui renvoient les
tourments à notre bon Sauveur fassent réflexion sur ce passage, qui est
expliqué, comme je le fais, par les saints Pères et les auteurs spirituels.
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