Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
Hendrick van Balen, la Très Sainte Trinité entourée de la cour céleste |
« Exhortation
pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur »
(6/7)
L’amour
fait transporter Dieu hors de soi-même et se fait homme, il faut donc que
l’homme se quitte lui-même et devienne Dieu. Il faut que l’amour soit
extatique des deux côtés. Il est vrai que Dieu, dans le dessein qu’il a eu de
bâtir ce grand univers, a regardé l’homme et, à sa considération, a fait toutes
les merveilles que nous voyons. Les deux luminaires, le soleil la lune et les
étoiles avec toutes leurs éclatantes beautés, sont faits pour l’homme ; c’est
pour lui que sont faits tous les éléments tout, ce qui vole dans l’air, tout ce
qui marche sur la terre, tout ce qui nage dans les eaux sont autant d’ouvrages des amoureuses bontés de Dieu pour les
hommes.
L’homme était donc étroitement obligé dans
cette vue de faire tout ce qu’il faisait pour Dieu. Mais l’amour pressant ce
Dieu de bonté, il va plus avant. Ce
n’est pas assez de faire tout ce qu’il fait pour l’homme. Il faut qu’il quitte
pour lui le sein de son Père, les beautés de l’empyrée, toutes ses grandeurs et
sa gloire, et pour vous le dire en un mot, il s’anéantit en prenant la forme
d’un petit enfant ; faveur étonnante qui ne doit plus laisser rien à
l’homme qui soit à lui et qui le doit contraindre
par une violente douceur d’abandonner tout pour cet aimable Jésus et d’entrer
dans un état parfait d’anéantissement.
C’est bien la pensée du grand saint Paul. Mes
frères, dit cette merveille des apôtres, entrez dans les mêmes sentiments de
Jésus qui, tout Dieu qu’il était et égal à son Père, s’est anéanti en se
faisant serviteur et, se revêtant d’un corps mortel, s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à
mourir, et à mourir sur une croix.
Jacopo Amigoni, S. Jean Baptiste adorant l'Enfant Jésus |
Anéantissement
aux biens surnaturels ne tenant à rien qu’à la volonté pure et tout
unique de Jésus, ne désirant ni plus ni moins de perfection qu’il n’en veut et
exige de nous, remettant entre ses mains avec confiance le soin de notre salut,
de notre avancement en la vie spirituelle notre âme et toutes ses dispositions
pour le temps et l’éternité, nous tenant aussi fidèles envers le Dieu de notre
amour dans les délaissements, les sécheresses, aridités, désolations, peines
intérieures, obscurités, que parmi toutes les consolations les plus sensibles.
Anéantissement
dans l’esprit, le tirant de l’erreur où les ténèbres du
péché l’ont mis, n’estimant que Dieu dans toute chose et ne prenant point d’autres
règles que celles de la foi.
Anéantissement
en la mémoire en ôtant toutes les choses dont le souvenir
pourrait retarder en quelque façon les progrès du divin amour, rejetant toutes
les pensées inutiles et se mettant dans une ignorance de tout ce qui ne nous
est point nécessaire.
Anéantissement
dans la volonté, n’aimant rien que Jésus, et tout pour Jésus, nous
séparant de toute affection naturelle, ne vivant point selon nos inclinations
et par humeur, mais uniquement par les seuls mouvements de la grâce.
Voilà
les anéantissements qu’il faut que le Chrétien fasse dans la vue de ceux de son
Dieu.
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