mercredi 11 décembre 2013

Préparons-nous à la Nativité du Sauveur (5/7)

Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (5/7)

Le recensement à Bethléem, par Bruegel l'Ancien, 1566.
Dans ce brouhaha du monde, où trouveront une petite place
Marie et Joseph pour leur divin Enfant qui va naître?

Que ferons-nous pour lui Messieurs ? 
Sic Deus dilexit mundum. C’est ainsi que Dieu a aimé le monde.

Ô monde, ô monde, il est temps que tu aimes Dieu de telle façon qu’on puisse dire de toi : Sic mundus diltxit Deum ; c’est ainsi que le monde a aimé Dieu. Très chères âmes, quelles sont vos sentiments ? Souffrez que je le demande à vos cœurs. Quelles sont vos résolutions ? Non, rien ne blesse tant un cœur amoureux que de voir un autre qui est blessé d’amour pour lui. Il y a plus : les cœurs les plus barbares se rendent sensibles à l’affection, ils aiment quand ils sont aimés. Aussi l’amour ne se paye que par l’amour. L’amour ne veut pour toute récompense que l’amour. Et d’où vient que s’il se rencontre un naturel assez mal fait pour n’aimer pas les personnes qui lui sont amies, cela paraît insupportable. C’est ce que si nous n’y prenons garde, nous faisons tous les jours à l’égard d’un Dieu et c’est ce qu’il faut qu’il endure !

Bruegel l'Ancien, La danse de mariage, détail.
Veillez et priez, de peur que vos cœurs
ne s’appesantissent...
dit Jésus.
Oh ! qu’il est vrai que Dieu aime les hommes ! Oh ! qu’il est vrai que les hommes aiment peu Dieu !  Dieu nous aime, Messieurs, il nous aime jusqu’au point où vous le voyez, jusqu’à se faire petit enfant pour nous. N’est-ce pas là agir en homme passionné ?
L’antiquité nous apprend qu’un Hercule, ce fameux héros, a été réduit par l’amour à filer et c’est ce que l’histoire nous vante comme un prodige, mais, après tout, c’est une créature misérable et abjecte qui aime sa semblable ! Mais Dieu, se réduire au point de pleurer, de trembler de froid, mourant d’amour pour les hommes ? Ah ! c’est ce qui surpasse tout esprit ! C’est ce qui est entièrement inconcevable ! En vérité après cela que deviendront nos cœurs ?

Caritas Christi urget nos, dit le grand apôtre. L’amour de Dieu nous presse. Voilà dit le bienheureux François de Sales, le plus fort, le plus puissant et le plus admirable argument qui fut jamais fait :
Bruegel l'Ancien, détail du recensement
Je prends plaisir à vous redire ce que ce grand amant de Jésus et de Marie a dit parce que toutes ses paroles sont extrêmement avantageuses et favorables au pur amour. Voyez donc ce qu’il dit : Oui Théotime, rien ne presse tant le cœur de l’homme que l’amour ; si un homme sait être aimé de qui que ce soit, il est pressé d’aimer réciproquement ; mais si c’est un homme vulgaire qui est aimé d’un grand seigneur, certes il est bien plus pressé ; mais si c’est d’un grand monarque, son empressement est encore bien plus grandEt maintenant, je vous prie, sachant que le vrai Dieu éternel, tout puissant, nous a aimés comme il nous aime, ô mon cher Théotime, n’est-ce pas là avoir nos cœurs sous le pressoir, les sentir se presser de force et en exprimer de l’amour par une violence et contrainte qui est d’autant plus violente qu’elle est tout aimable et ineffable ?

Messieurs, je demande votre avis : n’est-il pas vrai que voilà un argument bien pressant en matière d’amour, mais il est tellement pressant qu’une des choses que quantité de saintes âmes n’ont jamais pu concevoir, c’est de voir, qu’après cela, les hommes puissent penser et parler d’autre chose que du pur amour !

Brugel l'Ancien, détail du recensement, l'arrivée de Marie et Joseph
(en bas, au centre gauche de la toile ci-dessus)
On en a entendu parfois qui, donnant la liberté à leurs esprits parmi les vastes campagnes, criaient pitoyablement que l’amour n’était pas aimé ; qui, entrant dans les villes et voyant quelques personnes qu’on portait en terre, après avoir demandé si elles étaient mortes d’amour et avoir appris que non, gémissaient et pleuraient de telle façon qu’elles étaient inconsolables.
Saint François, le grand amoureux du petit enfant de Bethléem, pleurait un jour si fort que quelque personne l’entendant, accourut comme au secours de quelqu’un qu’on voulait égorger et, le voyant tout seul, il lui demanda : Pourquoi cries-tu ainsi Pauvre homme ? Hélas ! dit-il, je pleure parce que mon Dieu aime tant et que personne n’y pense. Et ces paroles dites, il recommença ses larmes et, ce bon personnage se mit aussi à pleurer avec lui.

On a va une des belles amantes de Jésus, la glorieuse Madeleine de Pazzi, courir partout le cloître, criant à pleine tête : A l’amour ! Et une autre s’étonnait fort de ce qu’allant dans les grandes villes, elle voyait qu’on errait de toutes sortes de choses pour l’entretien du corps et que personne ne criait à l’amour. Et la divine Catherine de Gènes, entendant un jour un démon qui disait qu’il était la créature sans amour, elle tomba pâmée sachant combien le pur amour devait être aimé.

L'annonce aux bergers, enluminure.
A leur suite, nous mettrons-nous au service du
Roi des rois, Jésus, notre Seigneur ?
Grand dommage que ces telles âmes soient si rares. Ah ! Dieu ! il ne devrait pas y avoir un seul Chrétien qui ne fût dans cet état puisqu’il n’en existe pas un seul pour qui le Dieu de toute bonté n’ait fait ces efforts d’amour que nous admirons.

Allons-donc courageusement au pur amour et, si un Dieu nous montre ce qu’il veut faire pour nous, soyons assez généreux pour lui montrer ce que nous voulons faire pour lui













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