lundi 20 février 2012

Introduction au Carême par le Patriarche latin de Jérusalem, S.Exc.Mgr. Fouad Twal




Pénitence pour le Royaume et la paix !

Lettre Pastorale
de Sa Béatitude Mgr Fouad TWAL
Patriarche latin de Jérusalem

Carême 2012

Chers Frères et Sœurs dans le Christ, “ A vous, toutes et tous, grâce et paix !”

            1. Nous lisons dans l’évangile que “Jésus jeûna quarante jours et quarante nuits” (Mt 4,2). Ce jeûne se situe certainement dans la région désertique à quatre kilomètres au Nord-Ouest de Jéricho, sur une montagne appelée précisément « Quarantena » (en arabe Quruntul). Au XIIème siècle, la montagne appartenait aux chanoines Latins du Saint Sépulcre et elle était habitée par des religieux appelés frères de la Quarantaine.

Une fois de plus, notre Eglise de Jérusalem peut non seulement parler de l’Histoire mais aussi de la géographie et de la topographie du Salut. L’endroit indiqué, non loin du Jourdain, est un lieu de pèlerinage non seulement pour les chrétiens du monde entier mais aussi pour les fidèles locaux qui sont invités à visiter avec piété les hauts lieux de notre Rédemption.

            2. Un jeûne dont le Seigneur n’avait pas besoin !
En théorie, Jésus pouvait, miraculeusement, se dispenser de prendre de la nourriture. Mais « il a tenu à être semblable à ses frères » et sœurs – les autres hommes ; et « il a été éprouvé en tout comme nous, à part le péché » (Hé 4 ; 15). Son jeûne, pas plus que son baptême par Jean, ne constituait donc aucune nécessité personnelle. Pour nous, par contre, la pénitence, le jeûne, la réconciliation, avec la prière et l’aumône, sont indispensables afin d’expier nos péchés. Avec cette différence essentielle : nous voyons dans le Sauveur qui jeûne, un exemple magnifique pour nous.

Certes, nous ne pouvons jeûner quarante jours et quarante nuits, « sans rien manger ». Mais l’Eglise a tenu à reproduire chronologiquement, dans le « Carême » (du latin quadragesima, quarantième) le laps de temps passé par le Christ au désert, dans le jeûne et la prière. L’intention de l’Eglise est bien claire : « imiter le Christ » (1 Cor 11,2) qui « a voulu nous servir d’exemple », non seulement que nous nous lavions les pieds les uns les autres (cf Jn 13,15) mais aussi en tout autre domaine (Phili 2, 5).

Notre jeûne entend imiter celui du Christ qui, à son tour, suivait l’exemple de Moïse (qui a jeûné quarante jours avant de recevoir les tables des Commandements (Ex 34, 28–29)). Elie, aussi, a jeûné quarante jours avant de rencontrer le Seigneur sur l’Horeb (1 R 19, 8). Lors de la Transfiguration du Seigneur sur le Mont Thabor, ce sont précisément ces deux personnages, jeûneurs de quarante jours, qui apparaissent aux côtés du Messie en gloire.

            3. Le jeûne «préventif» et expiateur
Dans son message pour le Carême de 2009, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI se demande quelle valeur et quel sens pourrait avoir, pour nous chrétiens d’aujourd’hui, le fait de nous priver de nourriture et de boissons qui, en soi, sont utiles pour notre santé et notre survie. Le Saint Père répond, en se fondant sur l’Ecriture Sainte et la Tradition chrétienne que le jeûne est un grand soutien pour nous éviter le péché et tout ce qui peut nous y amener. Dans le message pour le carême de 2011, le Pape dénonce la cupidité, comme si les hommes voulaient « dévorer le monde » ; parce que nous ne sommes pas les propriétaires des biens que nous détenons, mais plutôt des intendants… Ces biens doivent être considérés par nous comme des moyens qui incarnent ou concrétisent en quelque sorte la Providence divine à l’endroit du prochain. Grâce à ce partage, nous vivons la communion, comme dans l’Eglise primitive de Jérusalem (“la vita apostolica” des premiers chrétiens dans Ac 2 et 4,2 Cor 8 et 9). L’apôtre bien-aimé, Jean, écrit avec sévérité : « Si quelqu’un, jouissant des biens de ce monde, voit son frère dans la nécessité et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeurerait-il en lui? » (1 Jn 3, 17). Le message de Carême pour 2012 du Saint Père reprend le thème suivant : « Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler mutuellement à la charité et aux bonnes œuvres » (Hé 10,24). En se souciant concrètement des plus pauvres, le chrétien peut exprimer sa participation à l’unique corps qu’est l’Église. Faire attention aux autres dans la réciprocité c’est aussi reconnaître le bien que le Seigneur accomplit en eux et le remercier avec eux des prodiges de grâce que le Dieu bon et tout-puissant continue de réaliser dans ses enfants.

Pour nous, pauvres pécheurs, mortels sans cesse exposés aux défaillances, le jeûne est aussi un moyen efficace afin de manifester notre repentir et notre désir de réparer le mal que nous avons fait. C’est dans ce sens que le prophète Jonas invitait les habitants de Ninive à la pénitence par le jeûne. Jésus nous donnera bientôt le cadre du jeûne et de l’aumône : c’est dans le secret et la discrétion, sans ostentation (Mt 6, 3–4) ni apparence misérable ou mortifiée (cf Mt 6, 16), ce qui ne contredit nullement son caractère public et communautaire dans l’Eglise, nécessaires pour éviter l’excès et l’arbitraire individuels.

Plus tard, Jésus exposera la spécificité du jeûne chrétien, en contraste avec celui des pharisiens et des disciples de Jean : les chrétiens, parents de l’Epoux, « jeûneront pendant les jours où Il sera élevé (et enlevé) de parmi eux », sur la Croix (cf Mc 2, 19–20). C’est pourquoi, les premiers chrétiens jeûnaient pendant le triduum sacré. Ensuite, ils le faisaient tous les mercredis et les vendredis (La Didachè, n. 8). La pénitence est une attitude salutaire qui est un « retour » au Seigneur et au bien ; un retour « au Père » comme l’enfant prodigue (cf Lc 15). En effet, le verbe araméen et arabe est exactement « toubou », « revenez ». Cet appel du Baptiste et du Sauveur est significatif, sur les rives du Jourdain et dans le reste de cette région désertique où la présence de Dieu s’impose dans le vide des créatures et la splendeur de la nature !

            (…) Dans l’Eglise Mère de la Ville Sainte, celle du Calvaire, du tombeau vide du Ressuscité, de l’Eglise de l’Ascension et de la Pentecôte, nous prions avec ferveur. Nous supplions le Seigneur d’accepter notre pénitence et de nous amener, malgré nos faiblesses, « dans le cortège de sa victoire » sur le mal, le péché et la mort (cf Eph 1 , 15–23). Et « que, de Jérusalem, le Seigneur, le créateur du ciel et de la terre, vous bénisse, tous les jours de votre vie » (cf Ps 128 (127), 5).

Un saint carême et heureuses Pâques !
† Fouad Twal, Patriarche


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire