jeudi 17 mai 2012

Solennité de l'Ascension : Dieu monte parmi les ovations ; le Seigneur, aux éclats du cor


L'Ascension, par le Giotto
Saint Jean Chrysostome – Homélie pour le jour de l’Ascension prononcée dans le martyre de Romanésie.

            n.4. Nous, cependant, qui étions stupides, dépourvus de sens et de raison, plus insensibles que la pierre, nous qui étions vils et dégradés, au-dessous de toutes les créatures (....) notre nature qui était avilie et au-dessous de tous les êtres, par le défaut de raison et de sentiment, s'est élevée aujourd'hui au-dessus de tous.

            Les anges et les archanges ont vu aujourd'hui ce qu'ils désiraient de voir il y a longtemps : notre nature assise sur le trône du souverain Roi, resplendissante de gloire et brillante d'une beauté immortelle. C'est là, oui, c'est là le prodige après lequel les anges et les archanges soupiraient depuis tant de siècles.

             Et quoique nous fussions plus honorés qu'ils ne l'étaient eux-mêmes, cependant ils se réjouissaient de notre élévation, eux qui s'étaient affligés de notre châtiment; car, lorsque les chérubins gardaient le paradis, ils ne le faisaient qu'à regret. Et de même qu'un esclave, chargé d'enfermer un de ses compagnons, le garde en prison par l'ordre de son maître, mais se sent touché du malheur de celui dont il partage la servitude : ainsi les chérubins, chargés de garder le paradis, remplissaient à regret ce ministère.

            Je vais prouver, par l'exemple des hommes, la peine qu'ils devaient ressentir. Lorsque vous voyez des hommes compatir aux maux de leurs semblables, pourriez-vous douter encore des sentiments des chérubins, de ces êtres supérieurs, qui sont beaucoup plus charitables que les hommes ? (…) Moïse, après l'idolâtrie du peuple, pénétré de tristesse, disait : Si vous leur pardonnez leur faute, laissez-moi vivre : si vous ne leur pardonnez pas, effacez-moi du livre que vous avez écrit. (Exod. XXXII,32.) Quoi donc ? vous voyez leur impiété, et vous vous affligez de ce qu'ils sont punis ! Oui, je m'afflige de cela même qu'ils sont punis, et qu'ils ont donné sujet à un juste châtiment. Ezéchiel voyant l'ange qui frappait le peuple, s'écriait d'une voix lamentable : Hélas! Seigneur, allez-vous exterminer les restes d'Israël ? (Ezéch. IX,8.) Corrigez-nous, Seigneur, disait Jérémie, mais que ce soit dans votre justice, et non dans votre fureur, pour que vous ne nous réduisiez pas à un petit nombre. (Jér. X,24.) Comment, je vous prie, Moïse, Ezéchiel, Jérémie, se sont affligés pour leurs frères, et les puissances célestes n'auraient pris aucune part à nos maux ! cela est-il croyable ?


Détail de L'Ascension, de Pérugin.

           Pour vous convaincre que nos infortunes leur sont propres, apprenez quelle joie ils ont témoignée lorsqu'ils ont vu notre Maître réconcilié avec nous. Mais s'ils ne s'étaient pas affligés de notre disgrâce, ils ne se seraient pas tant réjouis de notre réconciliation. Or, qu'ils se soient réjouis, j'en trouve la preuve dans ces paroles du Fils de Dieu : Il y aura une grande joie dans le ciel et sur la terre, pour un seul pécheur qui fait pénitence. (Luc. XV,7.) Mais si les anges se réjouissent pour un seul pécheur qui fait pénitence, quelle vive satisfaction n'ont-ils pas dû éprouver, en voyant aujourd'hui notre nature placée au plus haut des cieux, dans la personne de celui qui en est les prémices ?


Apprenez, d'ailleurs, la joie qu'ont témoignée les troupes célestes pour notre réconciliation. Lorsque Notre-Seigneur naquit selon la chair, les anges voyant qu'il était réconcilié avec les hommes (car il ne serait jamais descendu si bas s'il n'eût été réconcilié), voyant, dis-je, cette œuvre consommée, ils formèrent des chœurs sur la terre, et ils s'écriaient dans leurs transports : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre, et bonne volonté aux hommes. (Luc,  II,14.) Et afin que vous sachiez qu'ils glorifient Dieu pour les biens qu'a reçus la terre, ils ajoutent la raison en disant : Et paix sur la terre, et bonne volonté aux hommes, aux hommes qui s'étaient montrés ingrats envers le Créateur, qui étaient ses ennemis déclarés. Vous voyez comme ils glorifient Dieu pour le bonheur d'autrui, ou plutôt pour leur bonheur propre, puisqu'ils regardent ce qui nous arrive d'heureux, comme leur étant personnel. Voulez-vous apprendre qu'ils se réjouissaient et qu'ils triomphaient lorsqu'ils devaient voir Jésus-Christ monter au ciel, écoutons-le lui-même : Vous verrez bientôt, dit Jésus-Christ, les cieux ouverts, et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l'Homme. (Jean, I,51.)

Les anges, dit-il, montaient et descendaient sans cesse ; ce qui annonce combien ils désiraient de voir un spectacle merveilleux. C'est l'usage de ceux qui aiment de ne pas attendre le moment où arrivera l'objet aimé, mais de le prévenir par les transports de leur joie. Les anges descendent, parce qu'ils sont empressés de voir un spectacle nouveau et extraordinaire, la nature humaine placée dans le ciel. Voilà pourquoi les anges paraissent, et lorsque Jésus-Christ vient au monde, et lorsqu'il ressuscite, et aujourd'hui qu'il monte au ciel : Deux hommes, dit l'Evangile, parurent vêtus de blanc, annonçant leur joie par la blancheur de leurs habits, et ils dirent aux disciples : Hommes de Galilée, pourquoi vous arrêtez-vous à regarder au ciel ? ce Jésus, qui, en vous quittant, s'est élevé dans le ciel, viendra de la même manière que vous l'y avez vu monter. (Act. I,10 et 11.)

n.5. Suivez-moi, mes frères, avec attention Pourquoi tiennent-ils ce langage ? est-ce que les disciples n'avaient pas d'yeux ? est-ce qu'ils ne voyaient point ce qui se passait ? l'Evangéliste ne dit-il pas qu'ils le virent s'élever au ciel ? pourquoi donc des anges viennent-ils leur apprendre qu'il est monté au ciel ?

Pour deux raisons : (…) des anges viennent les consoler dans leur tristesse. Telle est la première raison pour laquelle les anges paraissent. La seconde, et qui n'est pas moins forte, est celle qui leur fait ajouter : Ce Jésus qui s'est élevé au ciel.

Expliquons un peu cette raison. Il s'est élevé au ciel, et la distance étant infinie, la portée de leur vue ne pouvait suffire pour voir un corps s'élever jusqu'aux cieux. Mais comme un aigle qui vole en haut, plus il s'élève, plus il se dérobe à nos regards : de même, plus le corps de Jésus-Christ s'élevait, plus il se dérobait aux yeux de ses disciples, dont la faiblesse ne pouvait franchir un espace immense. Les anges qui paraissent, leur apprennent donc qu'il est monté au ciel, pour qu'ils sachent qu'il y est monté véritablement, et qu'ils ne s'imaginent pas qu'il n'y est monté que comme Elie. Voilà pourquoi ils ajoutent : Ce Jésus qui en vous quittant s'est élevé au ciel, paroles dont ils ne se servent point au hasard. Elie, comme serviteur, n'a paru que s'élever au ciel ; Jésus-Christ, comme Maître, s'y est élevé réellement. L'un est monté sur un char de feu, l'autre sur un nuage. Lorsqu'il fallait appeler le serviteur, on lui a envoyé un char ; lorsqu'il faut appeler le Fils, on lui envoie le trône royal, ou plutôt le trône même du Père ; car Isaïe dit du Père : Le Seigneur est assis sur un nuage léger. (Is. XIX,1.) Comme donc le Père est assis sur un nuage, c'est pourquoi il envoie un nuage à son Fils. Elie, en se retirant, a laissé tomber son manteau sur Elisée ; Jésus-Christ en montant aux cieux, envoie à ses disciples des dons spirituels, qui n'enfantent pas un seul prophète, mais des milliers d'Elisées, plus grands et plus illustres que le premier.

Détail de L'Ascension, de Pérugin


Élevons-nous donc, mes très-chers frères, et tournons les yeux de notre esprit vers le retour de notre Sauveur : Dès que le signal aura été donné, dit saint Paul, par la voix de l'archange, le Seigneur lui-même descendra du ciel. Et nous autres, qui sommes vivants, qui serons demeurés ici-bas jusqu'alors, nous serons transportés dans les nues pour aller au-devant du Seigneur, au milieu des airs, mais non pas tous.

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