Egrener le chapelet, le tourner sans cesse dans ses doigts, c'est
imiter, nous disait-on l'ânon qui tourne indéfiniment la noria sans avoir
conscience de ce qu'il fait; soit, mais cette noria du chapelet fait couler
dans notre âme l'eau de la grâce qui purifie, qui étanche, qui éteint les feux des passions, qui féconde
les parties arides et désolées de notre cœur.
Les dizaines d'Ave Maria récitées
à haute voix font un bruit de moulin; mais ce moulin
broie aussi la farine de la grâce, farine eucharistique qui nous réconforte,
nous soutient, nous donne l'énergie de persévérer dans nos desseins vertueux, malgré les obstacles de toutes sortes, les
échecs, les incompréhensions et les calomnies, les mépris…
Le chapelet récité en public par les fidèles, par les enfants, par
les jeunes filles, est peut-être exaspérant pour les incroyants comme le
concert des cigales,
mais cette récitation entrecoupée de chants et d'hymnes dans les jours de fêtes
célébrées par l'Eglise catholique est vraiment, pour ceux
qui savent entendre, une symphonie incomparable ou plutôt absolument unique.
Toutes les voix y sont accordées, et les voix cristallines des enfants et
celles des vieillards. Les personnes de toutes les classes et de toutes les
conditions, les riches et les pauvres, les savants et les ignorants, les
religieux et les laïcs, les militaires, les matelots, font leur partie dans ce
concert spirituel. Aucune race, aucune nation n'en est exclue; en cette fête du
Rosaire, la symphonie universelle du chapelet s'élève
des quatre points cardinaux de la terre et sous toutes les latitudes, unissant
dans une même intention adoratrice les cœurs des hommes de toutes couleurs et
de toutes langues.
Récités par des
millions de mortels sur tous les points de la terre, cette immense
orchestration de toutes les consciences dans la prière constitue la grande voix
de l'Eglise catholique.
Si nous savions par la
pensée nous transporter dans des sphères célestes, si nous avions des oreilles
pour entendre, nous écouterions quelquefois cette voix
de l'Eglise, qui par le Rosaire se fait une et monte de la terre jusqu'au ciel,
nous reconnaîtrions alors sa surnaturelle puissance et nous apprendrions
qu'après avoir gravi le ciel, elle retombe en bénédictions sur les habitants de
cette vallée de larmes.
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