Dans
la nuit du 7 au 8, vers onze heures, ses domestiques veillaient encore dans la
pièce voisine, Nicolazic récitait comme d'habitude son chapelet en attendant le
sommeil.
Soudain
sa chambre se trouve toute éclairée comme elle l'avait été si souvent ;
sur la table apparaît un cierge dont la flamme brillait d'un éclat très
vif ; et la Sainte se montrant aussitôt, arrête sur son messager un regard
plein de douceur : l'heure attendue était arrivée. Sainte Anne dit d'une
voix agréable et engageante : « Yves Nicolazic, appelez vos
voisins, comme on vous l'a conseillé ; menez-les avec vous au lieu où ce
flambeau vous conduira, vous trouverez l'image qui vous mettra à couvert du
monde, lequel connaîtra enfin la vérité de ce que je vous ai promis. »
Après
ces paroles, sainte Anne disparaît, mais la lumière reste.
Nicolazic,
l'âme toute à la joie, se lève et s'habille à la lueur du flambeau qui semble
l'attendre. Quand
il se dispose à sortir, le flambeau marche devant lui ; quand il arrive
dehors, le flambeau lui-même l'a précédé. Il était déjà en route vers le
Bocenno, quant tout à coup, se ravisant, le paysan se rappelle qu'on lui a dit
de prendre des témoins. Il retourne donc sur ses pas, rentre chez lui, appelle
son beau-frère Louis Le Roux qui veillait encore, et lui commande de se munir
d'une tranche. Puis tous deux, ils se mettent en mesure d'aller chercher des
voisins : Jacques Lucas, François Le Bléavec, Jean Tanguy et Julien
Lézulit.
Sainte Anne bénissant Yvon Nicolazic et l'abbé Pierre de Keriolet |
Tous
s'empressèrent de répondre à cet appel. Cependant le flambeau brillait
toujours, à la même place, et les deux beaux-frères ne tardèrent pas à le
rejoindre.
Les
autres arrivaient aussi par derrière, pressés de voir eux-mêmes le cierge
mystérieux.
—
Où donc est-il ? demandèrent les quatre paysans. Nicolazic le
montra du doigt : deux d'entre eux l'aperçurent aussitôt ; les deux
autres ne le virent point. Plus tard on sut pourquoi, et ce sont eux-mêmes qui
en ont avoué la cause : ils n'étaient pas en état de grâce !
— Allons,
mes amis, dit Nicolazic, « extasié de joie », allons où Dieu et
Madame sainte Anne nous conduiront. »
Le
flambeau se mit alors en mouvement. Il allait en avant, à la distance de quinze
pas environ, et à trois pieds d'élévation au-dessus du sol. Le chemin qu'il
prit était la voie charretière qui conduisait du village à la fontaine ;
et les paysans suivaient, heureux et pleins d'espoir comme jadis les Mages
guidés par l'étoile.
Arrivé
en face du Bocenno, le flambeau sort du chemin, pénètre dans le champ, et se
dirige, par-dessus le blé en herbe, jusqu'à l'endroit de l'ancienne chapelle. Là,
il s'arrête.
Les
paysans, qui ont toujours les yeux sur lui, le voient alors s'élever et
redescendre par trois fois, comme pour attirer leur attention sur cet emplacement,
puis disparaître dans le sol.
Statue actuelle de sainte Anne. Le socle contient les restes de l'antique statue, malheureusement profanée lors de la Révolution française. |
Nicolazic,
qui observait tous ces mouvements, se précipita le premier jusqu'à l'endroit où
s'était évanouie la lumière, et, mettant le pied dessus, il dit à son
beau-frère de creuser là. Jean Le Roux, qui portait la tranche, n'eut pas plus
tôt donné cinq ou six coups dans la terre meuble des sillons, qu'on entendit
sous le choc de l'instrument résonner une pièce de bois qui s'y trouvait
enfouie.
Tous
eurent immédiatement l'intuition que c'était l'image qu'ils cherchaient.
Comme
ils se trouvaient dans l'obscurité, Nicolazic commanda à l'un d'eux d'aller
vite chercher de la lumière : « Prenez, lui dit-il, le cierge bénit
de la Chandeleur, avec un tison pour l'allumer. »
Ce
qui fut fait. Alors tous se mirent à l'œuvre, et ils ne tardèrent pas à retirer
du sol la vieille statue toute défigurée, qui gisait là depuis 900 ans.
Après
l'avoir considérée pendant quelques instants, ils l'adossèrent avec respect
contre le talus voisin et se retirèrent, surpris et heureux à la fois, en se
promettant bien de revenir la voir plus à loisir quand il ferait jour.
Nicolazic
enfin au comble de ses vœux, croyait-il, ne se possédait pas de joie.
Au
lever du jour, il revint de très bonne heure au Bocenno, accompagné de son ami
Lézulit, qu'il était allé chercher lui-même.
Tous
deux examinèrent assez longuement l'objet qu'ils avaient déterré : c'était
bien une statue, très endommagée par ce long séjour en terre humide et rongée
aux extrémités, mais néanmoins conservant quelques traits assez frustes et des
ombres de couleur.
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